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La Schizoanalyse Félix Guattari D EPUIS PLUS D’UNE DIZAINE D’ANNÉES, je me suis efforcé de dégager ce qui peut encore tenir debout dans les décombres de la psychanalyse, ce qui mérite d’être repensé à partir d’autres échafaudages théoriques—si possible moins réductionnistes que ceux des freudiens et des lacaniens. Je tiens à préciser d’emblée que je n’ai jamais conçu cette entreprise, que j ’ai qualifiée de schizoanalyse, comme une spécialité fermée sur ellem ême, qui serait appelée à se mettre sur les rangs du domaine psy. Ses ambitions devraient être, selon moi, plus modestes et plus grandes. Plus modestes parce que, cette schizoanalyse, si elle doit véritablement exister un jour, c’est qu’elle existe déjà aujourd’hui un peu partout, de façon embryonnaire, sous diverses modalités, et qu’elle n’a nul besoin d’une fondation institutionnelle en bonne et dûe forme. Plus grande, dans la mesure où elle a vocation, selon moi, de devenir une discipline de lecture des autres systèmes de modélisation. Pas à titre de modèle général: mais comme instrument de déchiffrage des systèmes de modélisation dans divers domaines, autrement dit, à titre de méta-modèle. On pourrait m’objecter que la limite entre un modèle et un méta-modèle ne se présente pas comme une frontière stable. Et il est vrai qu’en un sens, la subjectivité est toujours plus ou moins activité de méta-modélisation (dans la perspective proposée ici: transfert de modélisation, passages transversaux entre des problèmes de différentes natures). Mais ce qui m’importe précisément, c’est un déplacement de la problématique analytique la faisant dériver des systèmes d ’énoncé et de structures sub­ jectives préformées vers des agencements d ’énonciation capables de forger de nouvelles coordonnées de lecture et de “ mettre en existence” des représentations et des propositions inédites. La schizoanalyse sera donc essentiellement excentrée par rapport aux pratiques “ psy” professionnalisées, avec ses corporations, sociétés, écoles, initiations didactiques, “ passe” , etc.... Sa définition provisoire pourrait être: l ’analyse de l ’incidence des agencements d ’énonciation sur les productions sémiotiques et subjectives, dans un contexte prob­ lématique donné. 6 W in t e r 1986 G u a tta ri Je ne pourrai guère m’étendre, dans le cadre de cet exposé, sur ces notions de “ contexte problématique” , de “ scène” , de “ mise en exis­ tence” . Je me contenterai de signaler au passage qu’elles peuvent se référer à des choses aussi diverses qu’un tableau clinique, un fantasme inconscient, une fantaisie diurne, une production esthétique, un fait micro-politique... Ce qui compte, ici, c’est l’idée d’une circonscription existentielle qui implique le déploiement de références intrinsèques—on dira aussi d’un processus d’auto-organisation ou de singularisation. Pourquoi ce retour, comme un leit-motiv, aux agencements d ’énonciationl Pour éviter de s’embourber, autant que faire se peut, dans le concept d’“ Inconscient” . Pour ne pas réduire les faits de subjec­ tivité à des pulsions, des affects, des instances intra-subjectives et des relations inter-subjectives. A l’évidence, ce genre de chose tiendra une certaine place dans les préoccupations schizoanalytiques, mais seulement à titre de composante et toujours dans certains cas de figure. On relèvera, par exemple, qu’il existe des agencements d’énonciation ne comportant pas de composantes sémiologiques significationnelles, des agencements qui n’ont pas de composantes subjectives, d’autres qui n’ont pas de com­ posantes conscientielles. L’agencement d’énonciation sera amené ainsi à “ excéder” la problématique du sujet individué, de la monade pensante consciemment délimitée, des facultés de l’âme (l’entendement, la volonté...) dans leur acception classique. Il me semble nécessaire de souligner que l’on aura toujours affaire à des ensembles, au départ, indifféremment matériels et/ou sémiotiques, individuels et/ou collectifs, activement...

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