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Reviewed by:
  • Louvigny de Montigny à la défense des auteurs by Marie-Pier Luneau
  • Jean-Pierre Thomas (bio)
Marie-Pier Luneau, Louvigny de Montigny à la défense des auteurs, Montréal, Leméac, 2011, 221 p.

Dire que la littérature se constitue en général à coups de découvertes inusitées et d’oublis navrants relève de la lapalissade. Qu’un corpus de textes s’établisse par ajouts et retraits rend évidemment compte d’un processus de sélection que les agents du champ littéraire opèrent en ayant àcœur de nantir l’horizon livresque d’une légitimité certaine. La littérature canadienne-française n’échappe pas à cette règle. Pour un Émile Nelligan ou un Albert Laberge que la critique a redécouverts à une période relativement éloignée de la parution de leur œuvre, combien d’écrivains obscurs dont les textes se sont retrouvés aux oubliettes? Marie-Pier Luneau fait à ce titre, avec son récent ouvrage intitulé Louvigny de Montigny à la défense des auteurs, œuvre d’exploratrice. Louvigny de Montigny ne figure certes pas parmi les grands oubliés de l’histoire littéraire du Québec, mais il n’en représente pas non plus une figure de proue. Présenté d’emblée par l’auteure comme un « polémiste », ce n’est cependant pas son œuvre littéraire qui est ici à l’honneur. Luneau, en tirant ce personnage haut en couleurs d’un passé vaporeux, tente de réinscrire dans l’histoire littéraire un actant qui, par son travail dans les coulisses, a joué un rôle de pionnier.

À vrai dire, la figure de Montigny l’écrivain est ici confrontée à celle de l’activiste que l’on reconnaît en général comme le père du droit d’auteur canadien. L’œuvre de Montigny, sans être des plus volumineuses, n’est pas non plus parcellaire. Elle compte essais, pièces de théâtre et recueils de contes, et le fait que le « polémiste » n’ait pas réussi à percer au point de devenir un incontournable de la littérature du Québec a probablement autant à voir avec des circonstances singulières qu’avec une dose de talent discutable. C’est ce qu’explique d’abord Marie-Pier Luneau, force exemples à l’appui, afin de dresser le portrait d’un homme qui, passionné de littérature, a fait davantage pour promouvoir le succès de ses pairs que le sien propre. Louvigny de Montigny demeure une personnalité importante du monde littéraire canadien-français de la première moitié du XXe siècle, mais pas pour les raisons auxquelles on serait en droit de s’attendre. Le rôle [End Page 782] d’animateur qu’il a tenu à partir du début du siècle a fait de lui l’équivalent d’un promoteur avant la lettre. Occupant une « position centrale dans le monde politico-littéraire montréalais », Montigny a œuvré afin de faire sortir la littérature canadienne-française de son état initial de pauvreté et, ce faisant, il a aidé à changer le statut de l’écrivain. Luneau montre que la première moitié du siècle voit le métier d’écrivain se détacher de celui de journaliste. Faisant acte de cerbère du droit d’auteur, Montigny a forcé les écrivains canadiens-français à se saisir en tant que créateurs puis, éventuellement, à se reconnaître sous le jour de propriétaires de leurs textes.

Luneau ne manque évidemment pas de relever le caractère paradoxal du rôle joué par Montigny : celui-ci aurait figuré durant une bonne partie du siècle le meilleur défenseur de ce qu’il a aspiré à devenir mais que l’institution littéraire lui a refusé—un écrivain reconnu et renommé. C’est d’ailleurs ce qui ressort du parcours proposé ici : la personne intéresse davantage que ses textes, d’où un petit tour biographique qui, bien qu’il éloigne de l’œuvre, rend la lecture agréable. Louvigny de Montigny aura toujours été un marginal, ce qui se reflète dans sa propension à consid...

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