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Reviewed by:
  • Louis Hémon traqué par son destin by Bernard Courteau
  • Aurélien Boivin (bio)
Bernard Courteau, Louis Hémon traqué par son destin, Montréal, Guérin, 2011, 182 p.

Le moins que je puis dire, c’est que j’ai été fort étonné en lisant Louis Hémon traqué par le destin de Bernard Courteau publié pourtant chez un éditeur [End Page 778] sérieux, Guérin littérature. Il est vrai que je l’avais été tout aussi, en 1986, quand le même auteur avait publié, cette fois chez Louise Courteau, Nelligan nétait pas fou, un ouvrage qui avait été loin de faire l’unanimité et de convaincre les spécialistes du grand poète devant le lot d’affirmations non fondées ou gratuites.

Courteau utilise la même méthode dans son Louis Hémon. L’auteur de Maria Chapdelaine se serait suicidé, lui qui était si déprimé au moment de son départ pour l’Ouest canadien, en juillet 1912. Il base son jugement de valeur sur celui de même nature de Jacques Ferron – il a beau être un grand écrivain, lui aussi s’est parfois laissé aller–, dans la préface d’une réédition de Colin-maillard aux Éditions du Jour, en 1972, qui affirmait, sans preuve aucune, que « c’est une ignominie que de la prétendre [la mort] accidentelle. Pourtant tout le monde l’a fait, le chef de train, le curé, le coroner, même cette universitaire qui récemment a publié sa correspondance ». Pour le pourtant rigoureux Ferron, la surdité qu’on a inventée pour expliquer l’accident dont a été victime Hémon, le soir du 8 juillet 1912, est commode, surtout que personne jusque-là n’avait noté ce handicap.

Courteau adhère pleinement à cette thèse, sans apporter de preuve. On peut le comprendre, car si Hémon est mort, ce soir-là, heurté par la locomotive 1226 du Canadien Pacifique, à Chapleau (Ontario), il n’a laissé aucun document qui expliquerait son geste. La « trouvaille » de Courteau, pour expliquer la mort du chemineau qui l’accompagnait, c’est que ce dénommé Jackson, un Australien, aurait voulu porter secours à Hémon et aurait, lui aussi, été heurté de plein fouet par la même locomotive. Belle imagination! Et ce compagnon, Hémon l’aurait connu alors qu’il travaillait au tracé d’un éventuel chemin de fer « au nord de Mistassini ». Or, non seulement aucun document ne mentionne la présence de cet anglophone au Lac-Saint-Jean, en 1911, mais, en outre, il n’y a jamais eu de projet de ligne de chemin de fer « au nord de Mistassini », vaste territoire encore recouvert de nos jours d’une non moins vaste forêt. Hémon a effectivement remplacé Samuel Bédard comme ouvrier aux travaux du futur chemin de fer qui reliera le haut du Lac-Saint-Jean au Saguenay. Hémon, il faut en convenir, est mort dans des circonstances qui n’ont pu être éclaircies, pour la simple raison qu’il était un étranger et que l’on s’est peu préoccupé de cette mort éminemment tragique. La preuve en est qu’on n’a pu, quelques années plus tard, malgré les efforts des dirigeants de la Société Saint-Jean-Baptiste de Québec, simplement localiser la fosse commune (?) où sa dépouille aurait été déposée dans le cimetière de Chapleau.

Tout le discours de Courteau repose sur cet éventuel suicide. Tout est déployé, sans preuves aucunes, pour justifier plusieurs affirmations gratuites, à commencer par la démarche de Félix, le père de la victime, qui aurait voulu, selon Courteau, camoufler cette mort, en intervenant lui-même auprès des autorités en poste du Consulat de France à Montréal (?) pour leur demander « d’intervenir le plus discrètement possible [ … ] pour [End Page 779] que le tout se règle à la satisfaction de tous ». J’ai déjà mis en doute la surdité de Hémon, mais je n’ai jamais apporté comme preuve, ainsi qu’on le fait ici, que les personnages que Hémon...

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