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Reviewed by:
  • Ces beaux gars à l’ œil brun dont rêvait Nelligan by Bernard Courteau
  • Hélène Marcotte (bio)
Bernard Courteau, Ces beaux gars à l’ œil brun dont rêvait Nelligan, Montréal, Guérin, 2011, 106 p.

Partant d’une citation de Guy Robert qui affirme que l’œuvre d’Émile Nelligan « ne parle que “de la conscience qu’il a des progrès de sa folie”, à partir “d’une enfance idéalisée mais constamment menacée…” », Bernard Courteau entend apporter réponse à la question « Mais une enfance menacée par quoi? » dans son ouvrage Ces beaux gars à l’œil brun dont rêvait Nelligan. Dans le premier chapitre, intitulé « Le Faune revisité », [End Page 776] Courteau tente de prouver que Nelligan a été interné non parce « qu’il accuse un penchant à peine dissimulé pour les états de conscience altérée » (boisson et drogue), mais plutôt pour un motif de nature sexuelle, soit son homosexualité. S’ensuit une longue démonstration à l’effet que sa mère aurait été la seule et unique femme de sa vie, mais se serait détournée de lui au cours de son adolescence, refusant d’être trop près de ce fils « en proie à l’irruption d’une puberté intempestive ». Il faut dire que, selon Courteau, les « touchers maternels déchaînaient chez Nelligan tout un tohu-bohu de troublantes passions », que « sa passion en surgit avec une telle véhémence qu’il en vient même à rêver qu’il parle d’amour à sa mère » et qu’il « devient la proie d’un fantasme empreint de tant d’érotisme qu’il la voit sans cesse lui sourire ». Après l’abandon par sa mère, Nelligan aurait développé une vision négative de la femme et se serait tourné vers l’Art pour se consoler. Puis, et cette thèse fait l’objet de presque tout le reste du livre, Nelligan se serait perdu auprès de « Démons impurs », se serait « laissé prendre au jeu des Mauvais anges » et aurait fini par succomber à ses penchants homosexuels, non sans être déchiré par les remords. Il n’en reste pas moins qu’il « ne cessait de rêver de beaux gars aux yeux bruns qui puissent le prendre en mains et sauraient le manier ».

Nonobstant le fait que l’on peut se demander, à juste titre, ce que cet ouvrage apporte d’intéressant à la connaissance de Nelligan et de son œuvre, l’étude ici présentée soulève de nombreux problèmes. Ainsi, pour appuyer ses propos concernant le personnage maternel, Courteau convoque tous les poèmes où il est question de la femme, sans se soucier si la femme en question est bel et bien identifiée comme la mère de Nelligan dans le poème. Prenons en exemple les poèmes « Amour immaculé », « Le berceau de la Muse » ou encore « Le Robin des bois », censés témoigner de la passion incestueuse de Nelligan pour sa mère. Les vers cités de ces poèmes sont complètement sortis de leur contexte de parution, de sorte que leur sens est faussé. Et il en est de même lorsque l’auteur analyse Nelligan lui-même, puisqu’il en appelle alors à toutes les figures masculines présentes dans l’œuvre de Nelligan pour illustrer ce que Nelligan devait ressentir ou vivre. Bref, prétextant que tous les personnages que Nelligan peint dans son œuvre « ne seront que des facettes de sa mère et de lui-même », généralisation abusive il va sans dire, Courteau prend son bien où il le trouve. Dès lors, l’analyse qu’il propose ne résiste pas à une lecture sérieuse des poèmes de Nelligan.

On a d’autant plus l’impression que l’auteur puise son bien où il le trouve que l’étude de Courteau prend la forme d’un collage. Les chapitres sont divisés en paragraphes très courts, trop courts (souvent 3 ou 4 lignes), où apparaissent de trop nombreux appels de note. Ainsi, à chaque paragraphe, le lecteur se retrouve face à un amalgame d...

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