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  • Théâtre 2011
  • Mariel O’Neill-Karch (bio)

Pour qu’un éditeur soit tenté de publier une pièce de théâtre que très peu d’amateurs vont se procurer, il faut que celle-ci réponde à certains critères, dont les plus importants me semblent être la théâtralité, l’oralité et la littérarité. Par théâtralité, j’entends une pièce susceptible de se prêter à une mise en scène qui traduit, dans l’esprit du lecteur, le rythme, le mouvement et les silences associés à la représentation. Le lecteur doit aussi pouvoir entendre les répliques et, derrière elles, l’individualité des personnages. Enfin, l’aspect littéraire lié à la création de nouvelles images, tant verbales que relationnelles, doit sous-tendre les deux autres.

Éditions du Blé

Rhéal Cenerini a fait œuvre de pionnier avec sa nouvelle pièce, Li Rvinant, la première écrite et jouée en mitchif, la langue des Métis du Manitoba, un [End Page 728] mélange de français et de diverses langues autochtones, comme l’explique dans une excellente préface le linguiste Robert A. Papen de l’UQÀM. La pièce raconte le retour à son village de James Coutu, un militant métis qui espère redonner sa fierté à son peuple, malmené par les représentants de la culture dominante. La pièce a un côté didactique, mais aussi une forte portée allégorique, ce qui l’apparente à la moralité, genre théâtral du Moyen âge et du XVIe siècle. L’action se déroule sur quatorze scènes, qui rappellent les stations de la croix. Comme le Christ, Coutu est un visionnaire qui rend plusieurs mal à l’aise par sa présence et surtout par les questions qu’il soulève. Lorsqu’il affirme, par exemple, que Jésus était lui-même Métis, étant moitié humain et moitié divin, il sème la consternation. Le curé, surnommé l’Empereur, qui exerce un véritable monopole sur l’économie du village, devient une cible choisie de Coutu : « C’il l’temps ksa change. » Seize personnages se relaient pour révéler la spiritualité et la force d’un peuple qui se remet à croire à la vision de Louis Riel.

L’auteur et homme de théâtre franco-manitobain Marc Prescott a rapaillé de courts textes écrits et joués au cours des quinze dernières années. Il y en a, parmi les treize pièces, quelques-unes qui se destinent à un jeune public. Dans les monologues et saynètes, la langue est un savoureux mélange d’anglais et de français. L’auteur explique ce parti pris dans un prologue : « J’ai […] voulu, avec ce recueil, illustrer la lutte interne vis-à-vis la langue d’un auteur “franco-bilingue” au tournant du millénaire. » Cela donne des textes comme cet extrait du dernier monologue « Où c’est t’étais? » : « C’t’une crisse de biff but I’d do her in a second, tsé? Anyways, la grande touffe blonde qui est hot, man ! Je veux dire – tsssss – HOT! » Ces exemples du français de la rue permettent à l’auteur de faire un portrait dévastateur devant lequel on ne sait pas si on devrait rire – car il y a beaucoup d’humour noir dans ses portraits charge – ou pleurer devant la preuve que le français recule de façon dramatique au Manitoba. D’autres textes, tout aussi noirs, présentent des personnages québécois. Dans « La demande de subvention », par exemple, Pierrette rencontre une fonctionnaire du Conseil des arts du Canada qui lui annonce que, même si la bourse qu’elle demandait ne lui sera pas accordée, son projet de se suicider sur scène a beaucoup de mérite. Seulement, l’agente lui dit que, comme le Conseil privilégie les projets qui impliquent plusieurs comédiens, elle lui donne une liste de noms d’interprètes qu’elle pourrait inviter à se joindre à elle : « Le marché est saturé, tout le monde le sait. On pourrait faire un grand ménage. Un grand ménage artistique. Puis laissez-moi...

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