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  • Poésie 2011
  • Daniel Gagnon (bio)

Poésie! Au fil des pages, les poèmes se colorent de teintes différentes. Des constructions, des méditations ont lieu. La parole coule, mais elle reste artificielle, trop souvent intellectuelle. Il y a des trouvailles, mais peu d’énigmes, peu de mystère. Poésie tendue vers un dépassement toujours plus grand? Cette année n’est pas un cru exceptionnel. La beauté reste trop souvent sourde et obscure, rhétorique et frigide.

Des Sonorités Chaleureuses

Poésie courageuse tout de même cette année quand elle ne compose pas avec l’avilissement général, quand elle n’accepte pas la corruption endémique du langage qui trouve toujours des faux-fuyants, des regrets, des justifications pour nier d’une manière ou d’une autre la fine musique inaudible et la splendeur, la plénitude du poème, charnel, lumineux. Le recueil Ovalta de Sonia Cotten séduit par son naturel, offrant un spicilège plein de nouveaux phrasés aigus, revêches, d’une sonorité chaleureuse, en voix, aux pittoresques saveurs abitibiennes, témiscaminguiennes, acadiennes par moments : « Tu prends plus que tu donnes / homme aléatoire / qui fuckaille avec l’espoir / on off on off / qui ment sur random / on and on and on / t’en fais pas un drame / j’en ferai pas un slam / le slam d’un damn / le slam d’une claque / le slam d’une porte / le slam d’un fuck / sur [End Page 701] l’envie d’être plus forte / mes doigts font un beat de hi-hat / va falloir que tu partes / tes absences / tes présences refoulées / back à back / rien de plus / l’avais-tu su / le temps ne respecte pas / ce qu’on fait sans lui / c’est raide en tabaslak / c’est dur en maudit / toi pas toujours / manque de rames dans ma barque / manque d’os dans mes amours / ça tient pour plusieurs d’entre vous / messieurs ». Le parti pris épique de chanter les Hautes Terres, à la jointure du Bouclier canadien, est particulièrement heureux. Le discours se déploie gravement. La voix est rauque et réactive. Comme dans un morceau de bravoure, il n’y a rien en demi-teintes lexicales ici. Une puissance rhétorique est de mise. Silence, on peint une fresque dans la grande église des terres du nord, cartographiée dans l’écho boisé des forêts. Il faut de l’allure, de l’invention, de la boussole, et Cotten en a, elle le prouve dans ce recueil hommage : « Ovalta / j’éperonne tes côtes à pic / jusqu’au flanc des matins / le pelage de ton scalp / bien haut dans l’apprentissage de toi / ton orgueil mal placé / qui chigne pas / je chevauche l’effort déployé / cravache de parfums décoratifs / ton infini de gazon rêvasseux / tenu pour dit et pour le plaisir / rentré dans mes paumes / ce que ta toune chante m’endort / mantra mentor toundra / matador sur tes hanches d’herbe / le lac vivra jusqu’au lever de l’or / instant où l’arbre se tait / et nous confie l’avenir / les derniers-nés de l’humanité / portée de chiens-loups dans l’aube / parfois carcajous / d’autres fois chiens jaunes / à creuser des trous / dans la poussière harmonieuse / Ovalta / au respir franc au respir loin / celui du matin / qui appelle le matou fugueur ». C’est foisonnant, en perpétuelle évolution. De quoi se nourrit la poésie de Cotten? De tout, de choses qui l’entourent, de choses qu’elle ne veut pas laisser échapper parce qu’elles sont de l’ordre de l’appartenance, de processus qui construisent l’identité : « Salle sans stylos / on m’appelle / je me décline / m’aiguise dans un coin / nuque basse froissée / cubicule de papier / cette attente me répare / mes fesses sur le lit parchemin / Sylvia Plath sermonne ses fantômes / s’applique à rester hantée // ma bouche la chuchote / entre les numéros de bingo / les fuites diverses / sortent des plinthes / soupirssacres sourires-prières / lieu de fait divers / de radiographies pour les vies cassées ». Cotten raconte. Elle a l’art...

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