In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

  • Nouvelle 20111
  • Michel Lord (bio)

Voilà une autre année remplie de bonnes nouvelles, avec ses hauts et ses bas, cela va de soi. Aucune surprise, mais du plaisir à retrouver Gilles Archambault, des bonheurs de lecture avec Claire Dé, Pierre Karch, Suzanne Lantagne, des étonnements heureux à la lecture des recueills de Jean-Paul Daoust, Maurice Soudeyns, Jean-Pierre Vidal et Claude-Emmanuel Yance, le tout accompagné de plongées dans le terroir — avec l’anthologie de Denis Saint-Jacques et Marie-José des Rivières — et de remontées dans la modernité des 25 ans de L’instant même, sous l’égide de Gilles Pellerin et Philippe Mottet. Toute cette manne nous amène parfois à nous interroger sur l’acception de certaines notions liées à la pratique du faire narratif bref.

Il y a une fâcheuse tendance à ne pas appeler les choses par leur nom. Pourquoi qualifier d’« histoires » en page de titre des textes qui sont des nouvelles? L’histoire (la diégèse) n’est pas un genre littéraire, mais un contenu (ce qui est raconté) auquel donnent formes contes, récits, nouvelles, légendes, romans … Cela dit, les 13 « histoires », fort bien menées, contenues dans le premier livre de Raymond Bock, Atavismes, sont non seulement des nouvelles, mais elles s’offrent comme un kaléidoscope de nombreux sous-genres, allant du récit historique à la science-fiction en passant par la nouvelle psychologique, réaliste, terroiriste et même fantastique, le titre renvoyant à ce qui unit tous ces textes, soit cette atavi, cette hérédité transmise de nos ancêtres. Il y a des relents de naturalisme dans cette notion. [End Page 681]

Pas étonnant alors de trouver des nouvelles qui plongent dans l’histoire même de la Nouvelle-France, l’imaginaire de Bock étant fortement lié à la fortune et surtout aux infortunes de l’homme québécois, de l’ancien Canadien au Québécois des temps présents et même futurs. Ainsi, dans « L’autre monde », un coureur des bois survit difficilement dans les Pays d’en Haut à une attaque améridiennne. « Eldorado » élargit le portrait en mettant en scène un aumônier du temps de Roberval qui raconte les horreurs commises par ce vice-roi contre les colons venus des prisons de France créer un « pays virginal », mais qui se révèle une « terre [ … ] pourrie au-dedans ». Dans « Une histoire canadienne », un doctorant découvre les dessous peu reluisants d’un épisode de la révolte des Frères chasseurs en 1837-1838. « L’appel » montre l’envers du terroir avec un couple qui cherche péniblement à s’établir dans le Nord « pour agrandir le pays et l’offrir à une race plus forte que la nature elle-même ». Mal leur en prend, car un destin tragique les attend. La révolte a son rôle à jouer dans des nouvelles qui font écho au FLQ et à un certain enlèvement: dans « Carcajou », un ex-ministre libéral est soumis à rude épreuve et reçoit « une leçon [ … ] sur deux cent quarante ans d’humiliation: la déportation, la Conquête [ … ] les mesures de guerre, [ … ] le maudit Trudeau du crisse ». « Effacer le tableau » projette quant à elle le Québec dans un futur malencontreusement proche où « [l]a minorisation des francophones du Québec était achevée ». La dernière et la plus longue nouvelle, « Le voyageur immobile », offre un prolongement étrange et fantastique à cette préccupation atavique. Le narrateur hérite de la maison paternelle et y découvre un talisman ayant appartenu à son arrière-grand-père qui le fait voyager dans le temps. Consciemment « baroque », cette nouvelle ferme le recueil, mais la finale ouverte offre une sorte de prolongement infini à ces « histoires », tragiques pour la plupart. Certaines nouvelles sont plus personnelles, psychologiques, comme l’émouvante « Chambre 130 » sur la relation père mourant-fils aimant, mais demeurent trempées dans la même obsession de l’héréditaire, signe d’un questionnement et surtout d’une inquiétude bien fondée sur le destin du Québec, rarement aussi exacerbée dans nos lettres.

À la réception de Qu...

pdf

Share