Que vaut la littérature ? ed. by Denis Saint-Jacques (review)

58 lettres canadiennes 2001 university of toronto quarterly, volume 72, number 1, winter 2002/3 Sciences humaines Que vaut la littérature ?, s. la dir. de Denis Saint-Jacques Québec, Nota bene, coll. Les cahiers du CRELIQ, 2000, 376 p., 23,95$ Rendre compte d=un ouvrage collectif contenant dix-huit articles oblige l=auteur à faire des choix. Il est vrai que tous les textes de Que vaut la littérature ? n=ont pas la même portée ni la même qualité ; cependant, la sélection à laquelle je procéderai n=impliquera pas tant une hiérarchie basée sur de tels critères qu=un souci de cohérence autour des textes qui font le mieux ressortir les spécificités de la littérature. Dans son introduction, qui met en place le sujet tout en présentant l=ouvrage, Denis Saint-Jacques pose d=emblée la question de la valeur que nous devons attacher à la littérature dans un monde de plus en plus dominé par les nouvelles technologies médiatiques. Saint-Jacques offrira lui-même des éléments de réponses, puis cédera la parole à ses collaborateurs, regroupés à l=intérieur de trois grands domaines : l=enseignement, la production et les médias. Si les articles offrent des perspectives variées, la sociologie de la littérature est de loin l=approche dominante. Le premier article de la section * Dans l=enseignement + a été confié à Alain Viala, qui aborde un phénomène d=une grande importance intellectuelle et symbolique en France : l=agrégation littéraire. En choisissant d=étudier les dimensions historique, idéologique et sociale, Viala réussit non seulement à expliquer avec précision la fonction et la valeur de l=agrégation de lettres à ceux pour qui la chose demeure mystérieuse, mais aussi à révéler tous les enjeux politiques et culturels qui sous-tendent une telle épreuve. Après lui, Max Roy examine le dossier de la réforme de l=enseignement collégial québécois de 1993. Il montre bien que la littérature est devenue une matière au service de la formation générale et qu=elle * acquiert un statut pragmatique tandis que ses dimensions symbolique, spéculative, ludique [...] sont reléguées au second rang +. Marie-Odile André, quant à elle, explique comment la reconnaissance de Colette en France a d=abord eu lieu dans les classes de niveau intermédiaire et que le motif de la sensation, jugé central dans son œuvre, a vite été récupéré par l=école pour ses propres fins d=apprentissage. La légitimité plus récente des œuvres de Colette à l=université, toujours fragile selon l=auteure, pourrait venir de l=engouement actuel des études sur l=autobiographie. Consacré à l=analyse de trois manuels récents portant sur la littérature québécoise, l=article de Marie-Andrée Beaudet et Clément Moisan vise à comprendre pourquoi la chanson et la littérature migrante sont maintenant devenues des cas fortement mis en valeur. Sans remettre en question ces sélections, les auteurs s=interrogent sur l=historicité de certains écrivains retenus dans un manuel d=histoire littéraire et se demandent si la place dévolue à la chanson C probablement au détriment de la poésie C ne relève pas en fait de la sciences humaines 59 university of toronto quarterly, volume 72, number 1, winter 2002/3 pédagogie du vécu qu=a tant fustigé un Jean Larose. En conclusion, Beaudet et Moisan soulignent que ces nouveaux choix * témoigne[nt] d=une évidente et importante mutation des valeurs et des légitimités [...] tant sur le plan littéraire que social +. * Dans le milieu littéraire + est une section consacrée autant aux auteurs qu=aux phénomènes sociolittéraires. Pierre Popovic plonge dans une archéologie de la folie littéraire et de l=excentricité culturelle. Située entre l=âge classique et l=époque contemporaine (qui privilégie une axiologie plus neutre), l=excentricité culturelle est le moment dans cette histoire de la folie où se distinguent plus particulièrement Nodier et...