Manuel de la petite littérature du Québec. Œuvres complètes by Victor-Lévy Beaulieu, and: Un loup nommé Yves Thériault by Victor-Lévy Beaulieu (review)

SCIENCES HUMAINES 519 demande-t-il, le sens du meurtre et du suicide qui hantent l=œuvre entière ? C=est cette grande lucidité, accompagnée d=une étonnante perspicacité, qui dote cet essai de sa remarquable capacité herméneutique : l=énigme irréductible de l=œuvre est dévoilée. Aussi, ce livre représente-t-il un des grands moments B certes, le plus osé et le plus pénétrant B de la critique hébertienne. (PATERSON) Victor-Lévy Beaulieu, Manuel de la petite littérature du Québec. Œuvres complètes, tome 22 Trois-Pistoles, Éditions Trois-Pistoles, 1999, 516 p., 59,95$ Victor-Lévy Beaulieu, Un loup nommé Yves Thériault, essai Trois-Pistoles, Éditions Trois-Pistoles, 1999, 266 p., 24,95$ Dans l=entreprise de réédition complète de son œuvre à la maison des TroisPistoles , Victor-Lévy Beaulieu n=a par bonheur pas manqué de reprendre son Manuel de la petite littérature du Québec, paru initialement en 1974. Cet essai, que l=auteur a enrichi de plusieurs dizaines de pages et de nombreuses illustrations pour cette nouvelle édition, vise à illustrer l=existence au Québec, dans les deux derniers siècles surtout, d=une littérature parallèle souvent soutenue par le clergé et qui consistait à promouvoir une certaine idée de la sainteté. Cette littérature, dont Beaulieu a fait la découverte au hasard de recherches en bibliothèque, faisait des laissés-pour-compte de la société, qu=ils soient fous, infirmes, ivrognes, martyrs ou malades, des instruments du clergé. Ces textes que Beaulieu a rassemblés constituent en quelque sorte les preuves d=un * passé souterrain + de notre histoire qui, par leur contenu, leur existence et leurs visées, contribuaient à un * rapetissement de la vie +. C=est par le prisme de la petite histoire de Saint-Jean-de-Dieu, dans le Bas-Saint-Laurent, que Beaulieu établit les bases de son essai. À la suite de la Conquête et, plus particulièrement, de 1840, l=auteur illustre le pernicieux destin du peuple rural québécois qui se voit dépossédé de ses terres et confiné au statut de porteur d=eau et de coupeur de bois. Pas encore maître chez lui, ce peuple voyait l=institution cléricale tirer profit des malheurs et des terreurs du temps pour étendre son emprise morale sur un peuple pauvre, illettré et sans le sou, frileux. Dans ce contexte social misérabiliste, le salut passait par la foi terrienne, et tout ce qui ne se conformait pas à l=idéal catholique canadien-français ne pouvait trouver grâce dans ces écrits. Ainsi, toute forme d=écart ou d=exception dans le comportement, qu=elle fût d=origine naturelle ou non, ouvrait la porte à l=intervention du curé, de l=abbé ou de toute autre voix bien-pensante, à la plume autoritaire, moralisatrice ou dénonciatrice. Le Manuel... ne manque pas d=extraits de livres, d=articles de journaux, de sermons, de poèmes ou de chansons qui viennent chacun son tour célébrer l=omniprésence du sacro-saint idéal 520 LETTRES CANADIENNES 2000 catholique à tout moment de la vie B et même après celle-ci. D=un côté, pour glorifier le travail du paysan ou pour condamner le vice, le clergé (sur)veillait, dictait : on trouvera les dix commandements du laboureur, ode au travail de forcené pieux et dévot du * p=tit habitant +. De l=autre, pour dénoncer l=impureté, les dangers de l=alcool (* L=ivrognerie est l=œuvre du démon +, pouvait-on lire sur une affiche), les désirs de rébellion, les menaces de l=enfer abondaient. On récupérait aussi les destins malheureux des tuberculeux, qui se voient au centre d=un important chapitre du Manuel..., dans lequel on retrouve un véritable catéchisme de cette maladie dévastatrice au siècle dernier. Les martyrs et les mystiques méritent aussi un plein chapitre : d=aucuns se rappelleront les noms de Gérard Raymond, déterminé en pleine adolescence à parvenir à la sainteté en trente étapes B rien de...