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university of toronto quarterly, volume 70, number 3, summer 2001 MARCEL OLSCAMP Émergence d=une institution littéraire: l=exemple de Trois-Rivières Cet article doit commencer par une confession. L=auteur de ces lignes avoue sans ambages qu=il a longtemps été partie prenante de l=objet d=étude qui est aujourd=hui le sien. Trifluvien d=adoption, il a étudié à l=Université du Québec à Trois-Rivières et a publié deux recueils de poèmes aux Écrits des Forges, il y a de cela, hélas ! beaucoup trop longtemps. Qui plus est, il a été membre de la Société des écrivains de la Mauricie et du Comité de rédaction de la revue Le Sabord. L=objectivité de son exposé peut probablement être mise en doute, mais son parcours prolongé dans le circuit des instances de consécration trifluviennes offre au moins la garantie d=une documentation de première main. Trois-Rivières s=enorgueillit depuis toujours des écrivains qui ont vu le jour ou ont œuvré dans ses environs. La ville renferme un grand nombre d=édifices et de monuments qui rendent hommage aux auteurs dits * mauriciens + : Benjamin Sulte, Ringuet, Gatien Lapointe, par exemple. Les prix littéraires portent les noms d=Alphonse Piché ou de Gérald Godin. Depuis les années 1970, surtout, la ville s=est peu à peu dotée de toutes les instances de consécration nécessaires au bon fonctionnement d=une institution littéraire à part entière : revues, éditeurs, université, faculté de lettres, prix littéraires, associations d=écrivains... À l=échelle nationale, TroisRivi ères a même développé une identité très claire qui l=empêche, sous certains aspects, de tomber dans ce que l=on appelait naguère les * études régionales +. Exister littérairement dans les parages de l=ogre montréalais n=est pas chose facile, et il faut reconnaître que les Trifluviens ont su tirer habilement leur épingle du jeu. La proximité géographique et institutionnelle de la métropole, en fait, est à la fois nuisible et bénéfique : nuisible par la force d=attraction souvent irrésistible qu=elle exerce sur les écrivains, mais aussi positive à cause de l=intense circulation des idées favorisée par les distances réduites. Cependant , cette position stratégique ne suffit pas à expliquer l=étonnante vitalité littéraire de Trois-Rivières, qui possède une identité institutionnelle clairement définie dans le champ littéraire québécois. Le risque serait grand, en effet, pour une ville dans cette situation ambiguë, de n=être considérée que comme une sorte de banlieue montréalaise un peu éloignée. Comment garder un juste équilibre ? Comment éviter d=être avalé par cette proximité ? 700 marcel olscamp Or, s=il a été possible de développer une personnalité littéraire distincte au sein même de la sphère d=influence montréalaise, comme tend à le démontrer l=exemple de la capitale mauricienne, la chose doit aussi être applicable ailleurs. Peut-on déceler, dans le parcours trifluvien, des lignes de forces, des constantes, un modèle de développement institutionnel en somme qui pourrait être adaptable à d=autres villes en voie d=autonomisation littéraire ? C=est ce que je tenterai de faire ici en reconstituant la formation de ce qu=on pourrait appeler la persona littéraire de Trois-Rivières à travers deux * moments + de son existence. La première étape importante, me semble-t-il, se trouve durant l=entredeux -guerres. La Cité de Laviolette prend littérairement conscience d=ellem ême pendant les années 1930, à la faveur du fort mouvement régionaliste qui s=imposait alors grâce à des commémorations historiques sans précédent. L=abbé Albert Tessier, écrivain, cinéaste et homme d=influence, s=était pris d=admiration, en sa jeunesse, pour l=œuvre de Frédéric Mistral, ce poète occitan qui militait en faveur de la culture de sa Provence natale : C=était du nouveau dans le climat [...] de l=époque, expliquera plus tard Tessier dans ses mémoires. Je découvrais enfin des relations entre la culture livresque...

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