In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

sciences humaines 161 Des *bienfaits+ de la science aux vicissitudes du mal, la modernité se laisse encore questionner, comme en témoignent ces ouvrages. (YANNICK PORTEBOIS) Anne-Marie Fortier, René Char et la métaphore Rimbaud. La lecture à l'œuvre Montréal, Presses de l'Université de Montréal, coll. Espace littéraire, 258 p. Le titre de l'étude d'Anne-Marie Fortier en dit long, et délimite un domaine d'enquête à la fois précis et immense. Les lectures de Rimbaud ont abondé à travers tout le siècle dernier, et Char, comme beaucoup d'autres, n'a pas manqué d'entretenir avec le poète aux semelles de vent des rapports privilégiés B au moins en tant qu'éditeur. Il s'avère au premier abord que Char est continument travaillé par une figure, et non seulement dans les années 1950 où il livre une salve de textes sur l'ancêtre. S'il est peu surprenant que *[s]ous le portrait de Rimbaud, la figure rimbaldienne, les traits de Rimbaud sont d'abord et avant tout poétiques+, on peut par contre s'étonner que Char fasse de Rimbaud, dans l'engagement surréaliste aussi bien que dans l'échange avec Heidegger, une sorte d'épure sur laquelle l'œuvre imprime peu de marques textuelles. À travers les quelque cent quatre-vingt pages de son analyse, Fortier détaille donc cette prodédure par laquelle Char s'approprie Rimbaud et utilise son parcours pour interpréter le sien, en une sorte de fabrication abstraite personnelle tendancieusement *investie du mythe personnel de Char+. Elle mentionne plusieurs fois le nouveau critique Harold Bloom (The Anxiety of Influence), sans toutefois en développer les thèses ni en adopter la terminologie, non plus qu'en suivant le théoricien de Yale dans sa contestation postfreudienne: la psychanalyse n'est pas son souci. Le propos sert de tuteur à un commentaire du parcours chronologique de Char, balisé par la publication de l'œuvre entre 1928 et 1979, qui est dit *éclairé+ par la figure de Rimbaud. L'autre métaphore centrale de ce travail est celle d'*ombre+, récurrente avec diverses significations à travers les chapitres, dans les titres et sous-titres et dans le commentaire. On plonge dès les premières lignes dans l'engagement surréaliste, période durant laquelle Rimbaud est *une ombre qui s'agite derrière la figure dominante de Sade+, une *figure rimbaldienne qui s'agite dans l'ombre de celle du Divin Marquis+. Dans ces années, toutefois, *Rimbaud est laissé dans l'ombre+ et *enfou[i...] sous la figure géante du Divin Marquis+, ce malgré quoi Fortier se fait forte de déceler dans des lectures serrées des influences textuelles directes, autour d'un mot ou d'une conflation de concepts similairement juxtaposés chez Rimbaud et chez Char. La démarche est soigneuse, quoique inégalement convaincante. La suite du propos (*L'ombre des choses+) se charge d'expliquer le désengagement de Char autour de la querelle surréaliste à propos de poésie, 162 lettres canadiennes 1999 action et idéologie, jusqu'au dernier texte que Char livre dans Documents 34 avec les appels à *l'action immédiate+ et à la *lutte+ que les Surréalistes y ont placés. Le Rimbaud réclamé par les Surréalistes est celui qui entendait *changer la vie+ et *réinventer l'amour+. Rimbaud était dit * surréaliste dans la pratique de la vie+. À ce titre encore, les textes rimbaldiens ne sont donc pas au centre du commentaire de Fortier, qui sépare bien les investissements divers de Char entre politique, éthique et esthétique. À une telle critique, sortie des catégories de l'engagement surréaliste, on peut faire valoir le commentaire de Marcel Raymond, qui disait déjà que c'est une école qui confond *le problème de la poésie avec le problème crucial de l'être+. Par la suite Fortier poursuit, pour la période d'après-guerre, sur la voie des rapports entre poésie et action, jusqu'à évoquer une *éclaircie ontologique par laquelle l'étant s'abolit dans l'être...

pdf

Share