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MARCEL OLSCAMP De l'oralite al'oralite: Ie recit bref au Canada fran~ais (1990-2000) Au cours de la derniere decennie, Ie portrait editorial du Canada francophone s'est en quelque sorte stabilise. Apres leur fondation quasi simultanee au debut des annees 1970, les principaux editeurs de l'Ouest, de l'Acadie et de l'Ontario fran~ais sont parvenus a assurer, sinon leur perennite, du moins un sentiment de securite relative quant aleur duree. Un bon degre de professionnalisme s'est installe chez la plupart d'entre eux. Simultanement, la pratique des genres litteraires a eu tendance ase diversifier peu apeu, si bien qu'll est maintenant possible d'affirrner que les editeurs canadiens-franc;ais «couvrent», a travers leur production, I'eventail complet des discours litteraires. On I'a dit et redit : les litteratures naissantes ant tendance a privilegier la poesie, genre qui se prete encore aI'oralite. C'etait vrai pour Ie Quebec, ce l'est aussi pour les comrnunautes francophones du Canada qui ont litteralement commence a construire leurs nouvelles identites grace a I'reuvre de leurs poetes - et de leurs dramaturges - apartir des annees 1970. Toute parution de prose serait done, dans cette optique, Ie signe d'une maturite certaine, d/un salutaire retournement reflexif de la societe sur elle-meme. En ce domaine, Ie Canada fran\ais et }'Acadie ont suivi Ie chemin habitueI de la tradition orale vers la parole ecrite: les premiers livres de recits brefs furent Ie plus souvent des florileges de contes oraux recueillis et adaptes par des ecrivains-ethnologues. Cette tradition s'est poursuivie durant 1a derniere decennie, avec des differences notables d/une region al'autre. Rares, pourtant, sont les ecrivains qui, au Canada fran<;ais, font reuvre veritable de nouvelliers; entendons par la des auteurs qui consacrent une part significative de leur activite ala redaction de nouvelles. Les textes qui correspondent un tant soit peu a cette appellation sont Ie fait de poetes, de romanciers, d'etlmo1ogues ou d'historiens qui, Ie temps d'une seule publication, s'essaient al'ecriture de courtes fictions. Heureusement, les ecrivains qui s'adorment aces pratiques litteraires font preuve d'un bel esprit d'innovation, paradoxalement favorise par I'absence de predecesseurs immediats. J'hesite pourtant amettre dans Ie rneme sac ces pays que I'on regroupe habituellement sous I'appellation generique de «Canada fran<;ais ». Ces peuples ont durement gagne chacun leur identite distincte au cours des UNIVERSITY OF TORONTO QUARTERLY, VOLUME 69, NUMBER 4, FALL 2000 918 MARCEL OLSCAMP trente dernieres annees et se voient presque toujours relegues ensemble dans quelque anthologie de litterature hors-Quebec indifferenciee. Ces regions ressemblent aun univers en expansion dont les fragments s'eloignent les uns des autres apres Ie Big Bang initial; il convient done de les observer, dans la mesure du possible, en tenant compte de leurs personnalites individuelles, d'autant plus que des divergences assez marquees se manifestent entre elles lorsqu'il est question de litterature. PARADOXES ACADIENS En Acadie, dans les faits, Ie paysage editorial etait, jusqu'a tout recemment , a peu pres clairement delimite entre les Editions d'Acadie et PerceNeige ; celles-ci se consacraient naguere exclusivement a la publication de poesie, tandis que les premieres se tournent desormais presque exclusivement vers les ouvrages de prose. Pour utiliser la terminologie de Pierre Bourdieu, disons que, vu de l'exterieur, les Editions Perce-Neige, fondees en 1981, occupaient Ie champ de production restreinte tandis que les Editions d'Acadie (1972) representaient Ie champ de grande production. Depuis peu, les contours de ce portrait institutiolU1eI tendent a s'estomper puisque Perce-neige semble avoir decide de se lancer dans une offensive romanesque en editant, coup sur coup, trois ou quatre romans. 11n'en reste pas moins que, aune seule exception pres, tous les recueils de textes brefs publies au cours de la demiere decennie en Acadie I'ont ete aux editions du meme nom. Mario Theriault, auteur de deux livres de poemes, publie en 1997 un livre de nouvelles assez reussi, Terre sur mer, dont on a pu dire qu'il presentait un mouvement d'aller-retour entre Ie reel et Ie reve: « Les nouvelles , pour la plupart solidement marquees de l'identite acadienne, s'en detachent toutefois par un aspect universel qui a vite fait de mettre Ie pays natal de l'auteur au diapason d'un monde vibrant et souvent presse » (L. Joubert, 1999: 20). Cette modemite assumee est plutot rare chez les prosateurs acadiens. Ala difference de la poesie, qui affiche depuis longtemps une urbanite sans complexes - «c'est dans un ailleurs urbain, une metropole de l'imaginaire, productrice d'alterite, qu'elle a He amenee a comprendre Ie deracinement identitaire qui, seul, semblait faire d'elle une culture du temps present», ecrit Fran~ois Pare (1998: 22) -,Ie recit bref, en Acadie, prend encharge la nostalgie traditionnelle. C'est en tout cas ce que tendent aillustrer Ies nombreux contes inspires du mode de vie d'autrefois , ou carrement recueillis aupres de la population. Est-ce un hasard si 1a figure de l'ile est si pregnante dans la nomenclature de ces ouvrages? Les auteurs acadiens revendiquent amsi, consciemment au non, l'insularite de leur imaginaire, qui se distingue, au niveau de la fiction, de celui des autres francophonies canadiennes. Dans Ia grande lignee des histoires recueillies aupres des anciens et adaptes pour l'ecri- DE L'ORALITE A L'ORALlTE: LE RECIT BREF 919 ture, Georges Arsenault puhlie en 1998 un ensemble de Contes, legendes et chansons de l'11e-du-Prince-Edouard. Pendant la periode qui nous occupe, le pere Anseime Chiasson, poursuit pour sa part son precieux travail de cueiliette et de transcription ecrite de Ia litterature orale acadienne dans trois livres de contes provenant des iles-de-Ia-Madeleine et du Cap Breton. Ilne faudraitpas croire pour autant que I'Acadie des Iegendes est restee figee.dans un passe idealise. Chaque auteur, a sa maniere, imprime sa marque et apporte sa contribution au renouvellement de 1a litterature, contribuant ainsi a garder vivant ce matE~riau brut en grand danger de disparition. Melvin Gallant, par exemple, avec Ti-Jean-le-Fort, donne une suite a un premier livre consacre aux aventures de Ii-Jean, personnage legendaire dont on retrouve la trace dans la culture orale de toutes les communautes francophones d'Amerique. De son propre aveu, l'auteur s'inspire tres librement du folklore et s'autorise amodifier la signification symbolique des recits. Les neuf textes de son recueil, explique-t-il,« proviennent essentiellement de la tradition populaire acadienne. Cependant, iis ont ete reecrits et largement remanies afin de leur donner une allure plus moderne. Certains textes [...]empruntentaplusieurscontes en meme temps, tandis que d'autres font de Ii-Jean un personnage qui a des sentiments et eprouve des emotions, ce qui ne correspond guere a I'esprit du conte traditionnel» (Gallant, 1991: 7). Jules Boudreau, dans Chroniques d'une fIe de la cote, cherche a faire revivre, pour Ie plUB grand plaisir de ses lecteurs, l'existence pittoresque des Acadiens d'autrefois atravers une serie d'evocations et de portraits qui rappellent Originaux et detraques de Louis Frechette. L'auteur situe l'action de ses courtes histoires dans une ile fictive de la cote acadienne, I'lle de Potaqre. Voila une idee tres feconde qui constitue peut-Hre I'ebauche d~.un univers compiet et recurrent, a la maruere d'Antonine Maillet. Cette derniere, quant aelle, poursuit justement, atravers Ie recit brei, l'extension et l'approfondissement de sa «cosmogonie» acadienne, grace aun curieux recueil de «commerages» compose de dialogues et de monologues mettant en scene les principaux personnages de son royaume imaginaire. L'!Ze-aux-Puces, faut-il comprendre, a ete redige al'intention des comediens qui, chaque ete, pretent littera1ement vie al'univers de Mme Maillet dans Ie cadre du « Pays de la Sagouine », cette attraction touristique tres courue, b§tie de toute piece aBouctouche. lei, la fonction cree en quelque sorte l'organe, et les contraintes inherentes a1a parole entrainent forcement Ie renouvellement de sa transposition ecrite. YVES DE L'OVEST L'Ouest canadien, al'image de son peuplementbigarre, est represente par quelques ecrivains aux origines tres diverses. Parmi ceux-ci, la place d'honneur revient sans contredit aJ. R. Leveille, dont l'activite proteiforme 920 MARCEL OLSCAMP donne apenser qu'il constitue alui seul toute rinstitution litteraire des provinces occidentales du Canada. Pratiquantla poesie,le romanet les cutups «burroughsiens}) avec versatilite (voir ses Pieces aconvictions et ses Dess(e)ins I Drawings publies-avec Tony Tascona chez Ink Inc.), on lui doit aussi un ouvrage qui reprend en un seul volume trois ecrits d'une cinquantaine de pages chacun, publies al'origine en 1968, 1975 et 1984 chez differents editeurs. Malgre Ie titre assez neutre de Romans, ces textes, d'une facture tres moderne, peuvent etre assimilables a de longues nouvelles ou a ce genre hybride qu'on appelle parfois novella. Parmi les ecriva:ins qui exercent leurs metiers en Alberta, en Saskatchewan ou au Manitoba, «certains auteurs puisent dans une thematique ou des images qui s'inspirent de l'histoire, de l'identite et de la realite particulieres des francophones de l'Ouest, alors que d'autres traitent de sujets plus universels. Ainsi la dualite inherente ala tradition d'ecriture, qui remonte au debut du [xxe] siec1e dans cette region, est refletee dans Ie chaix personnel des auteurs et des artistes», ecrivent avec quelque raison Lise Gaboury-Diallo, Hubert Balcean et Eric Annandale (1999: 558). Dans cette production nouvelliere relativement mince, on remarquera deux ouvrages collectifs, Pays d'eau et de solei! (Collectif, 1999) et Accostages (I. Joubert, 1992), qui oHrent un eventail interessant de la nouvelle telle qu'elle se pratique dans les Plaines. A noter aussi Ie tres beau livre consacre aUIf personnage fascinant de l'histoire litteraire, Georges Bugnet (1879-1981).. Sous Ie titre d'Albertaines, les Editions des Plaines, en callaboration avec les Editions universitaires de Dijon, ant eu la bonne idee de reunir des « ceuvres courtes enprose» de cetecrivaind'originefranc;aise qui fut cultivateur en Alberta durant la plus grande partie de son existence. Les trois nouvelles qu'on peut y lire nous indtent a retourner a I'ceuvre de ce romancier aujourd'hui tornbe dans un oubli relatif. MODERNITE ONTARIENNE C'est toutefois vers l'Ontario qu'll faut se tourner pour rencontrer des ecrivains qui font veritable reuvre de nouvelliers. Parallelement aux Editions Prise de parole, bien implantees a Sudbury, les dix dernieres annees ant ete temoin de l'emergence des Editions du Nordir qui, jusquela , s'etaient surtout fait rernarquer en poesie - comrne ant eu tendance it Ie faire, d'ailleurs, la plupart des editeurs du Canada fran<;ais a leurs debuts. En autant qu'on puisse en juger par leur production-recente, les ecrivains de l'Ontario fran<;ais, taus editeurs confondus, se soudent mains de rendre compte du passe que leurs collegues acadiens. L'epopee culturelle des annees 1970, au COUfS de laquelle on tentait de fac;onner un imaginaire nouveau a partir de Sudbury, paraH bel et bien revolue, pour Ie meilleur et pour lepire: «Si, au depart, les ecrivains cherchai[enJt autant it creer une litterature franco-ontarienne qu'a faire de la litterature, il va DE L'ORALITE AL'ORALITE: LE RECIT BREF 921 sans dire qu'ils desirent aujourd'hui faire de la Litterature. Ce sont des voix individuelles qui cherchent adire une verite, leur verite, une realite, leur realite en dehors de toutes contraintes geographique, culturelle ou identitaire» (Hotte, 1999: 19). II faut dire que Ie passe franco-ontarien n'a rien de tres pittoresque et qu'au deia d'une certaine epoque, quai qu'on en dise, il se confond en partie avec I'Histoire et l'imaginaire quebecois. Marguerite Andersen est l'une des ecrivaines ontarielUles les plus en vue; son reuvre a pour particularite de donner, en fran~ais, une existence metaphorique a la metropole du Canada en publiant des recueils de nouvelles (Courts metrages et instantanes, 1991 et Les crus de l'Esplanade, 1998) finernent toumees dont-!'action se deroule souventaToronto. «Pour la conununaute francophone torontoise, Ie sentiment d'appartenance a l'histoire franco-ontarienne ne s'impose pas d'e,mblee» (Olscamp, 2000: 21), dit Franc;ois Pare, qui cOIU\alt bien les differences entre les lieux multiples de la francophorue. Marguerite Andersen incame un type d/ecrivains cosmopolites, urbains, qui ont tres peu en commun avec l'imaginaire postindustriel des villes du Nord. En 1997, la nouvelliere reprenait en partie, sous Ie titre de La bicyclette,la matiere de son recueil de 1991, en l'adaptant pour un public de lecteurs debutants. Cette heureuse idee fut l'initiative du Centre FORA, organisme destine al'alphabetisation, aqui l'on doit aussi Ia publication de recueils de contes traditionnels recueillis et adaptes par Donald Deschenes. Maurice Henrie manifeste, pour sa part, une grande inventivite qui contribue arepousser toujours plus loin les frontieres de la fiction breve. Aux cours des dix dernieres annees, i1 a fait paraitre trois recueils de nouvelles qui font certes preuve d'une grande originalite. Chacun de ses ouvrages est radicalement different du precedent, ce qui laisse apenser qu/un livre en chantier represente pour l'auteur l'occasion de resoudre un nouveau probleme litteraire. Le pont sur Ie temps, ouvrage plutot court (152 pages), compte pas moins de 45 textes dont le plus long fait apeine sept pages.Ony trouve une serie demicro-nouvellesauclimattres contempiatif, qui evoquent des episodes tres simples de la vie quotidielUle observee avec un regard nail et attendri. Un persOlmage tente, par exemple, de decrire avec beaucoup de minutie la texture des terrains ou il marche et les impressions que lui laissent, selon lessaisons, ces sols au relief etrange; il s'attarde adecrire les volutes des fumees industrielles qu'iJ regarde; iJ se livre a des introspections amoureuses qui confinent a l'examen de conscience. Son attitude de fausse naiVete devant Ie reel rappelle parfois, ici, Francis Ponge et son Parti pris des choses. On retiendra en particulier la tres belle nouvelle eponyme, dans Iaquelle Ie narrateur reve de construire un pont entre l'univers des disparus et celui des vi-vants: {(Oepuis des annees, leur sort tragique me tirallie. Je ne comprends pas qu'lls aient tous c;onsenti a se laisser emmurer si docilement, si irremediablement dans l'enceinte immuable du temps» (1992: 104). 922 MARCEL OLSCAMP Dans La savoyane, Henrie semble avoir voulu s'imposer Ie dcHi de fediger un livre de forme plus traditionnelle. Quantaux magnifiques Fleurs d'hiver parues en 1999, il s'agit d'un ouvrage etonnant que l'auteur situe, avec beaucoup de justesse, «entre l'essai et la nouvelle ». On peut y lire 26 textes en prose qui ont tout du recueil d'essai et qui correspondent en tout point a la definition de ce genre donnee par Jean Marcel: un «je» non metaphorique traitant, sur Ie mode lyrique, d'un theme acaractereculturel au sens large. Pourtant, un doute nous assaille: de quel «je» s'agit-il ici? C'est dans ce tremblement, dans cette legere faille, ce doute infime que s'infiltre Ia possibiJite de Ia nouvelle. Jusqu'a toutrecemment, Ia regionde Hullsetrouvait, d'un point de vue litteraire, dans la sphere d'influence institutiormelle de la Capitale nationale, Ottawa. Depuis quelques annees, Ie nationalisme atteint la rive quebecoise de la frontiere interprovinciale, puisque I'appellation «Outaouais quebecois » est de plus en plus usitee chez les ecrivains de la region. Avant que la rupture ne soit totalement consommee, sur ce front aussi, signalons quelques initiatives interessantes. Richard Poulin, sodologue « engage », a publie plusieurs etudes sur des themes aussi divers et socialement marques que la pornographie au Ie marxisme; ilsemble vouloir sespecialiser, par ailleurs, dans la composition de recueils collectifs offrant des nouvelles inspirees de themes controverses : les evenements d'octobre 1970 (Criss d'octahre!) et, en collaboration avec Bernard Assiniwi, Ie racisme (Visa Ie Blanc, tua le Nair). Voila une voie d'avenir interessante: la nouvelle cornme instrument d'intervention sodale! Le travail de Poulin, en tout cas, contribue amettre en valeur la charge potentiellement explosive de ce type de redts et sa force de frappe. Toujours en Outaouais quebecois, on s'en voudrait de ne pas mentionner l'entreprise de Stephane-Albert Boulais qui s'est lance dans une fascinante serie de contes intitulee BUsse. L'ouvrage, dont trois volumes ont deja paru - Le cycle des meres, Le cycle des conteurs et Le cycle des amoureuses -, se deroule dans W1 univers a la fois fantaisiste et bien ancre dans 1a realite outaouaise. Cette chroruque en plusieurs contes se concentre successivement sur les differents personnages qui peuplent Ie pays de Blisse. Dans ce cycle de contes, qui rappelle un peu les Hobbits de Tolkien (Le seigneur des anneaux), la presence du narrateur est fortement marquee et Ie style fait preuve de beaucoup de truculence et d'inventivite. LE RETOUR DE LA PAROLE Apres cette breve incursion en sol quebecois, il convient de revenir en Ontario pour condure ce survol. Boudons enfin Ia boucle: on ne peut passer SallS silence, en terminant, I'emergence d'un genre hybride, hypercontemporain et follement ala mode: les « Contes urbains», qui relevent ala fois du theatre et de l'antique soiree de contes. Le dramaturge Yvan DE L'ORALITE AL'ORALITE: LE RECIT BREF 923 Bienvenue a mis au point ce concept it Montreal, il y a quelques annees, avec Ie Theatre Urbi et Orbi. Rien de plus nouveau que l'oralite au cours des annees 1990: on peut rapprocher ce phenomene du succes d'estime remp6rte par Ie conteur Michel Faubert et par Ies nombreux n~citants plus au moins patentes qui se relaient dans certaines salles de Montreal, au cours de happenings de contes etonnamment courus. Ces pieces pour une voix necessitent la presence d'un sew comedien-conteur et d'un public. Meme si on les assimile Ie plus souvent ade CDurtes pieces de theatre - a cause sans doute de la situation de «jeu» et de representation -, ils renouent avec une pratique du recit qui revalorise l'oralite apres un long detour par I'ecrit. Ces textes se situent ala frange de la litterature orale; ils se confondent avec les recitals de poesie dans ce nouvel engouement pour la parole proferee en public. Le tres ancien redevient l'absolument nouveau. L'Ontario fran~ais offre un terrain fertile au developpement de ces manifestations largement mediatisees. Sauf erreur, au moins trois productions differentes de ces contes ant ete presentees, aOttawa et Sudbury , depuis 1998; les textes de deux de ces spectacles ont ete publies en 1999, l'un au Nordir par Bienvenue{Conte urbains. Ottawa) et l'autre chez Prise de parole par Patrick Leroux (Contes d'appartenance). «Le concept est bien simple: on commande un conte chacunaplusieurs auteurs locaux. Le conte est ensuite livre par un comedien au, encore mieux, par l'auteur. On se limite aquinze minutes, on evite les accessoires, exception faite pour Ia proverbiale chaise de bois du conteur» (Leroux, 1999: 7). Plusieurs ecrivains se sont pretes au jeu avec bonheur - on compte parmi eux Hermenegilde Chiasson et Jean Marc Dalpe. Ce dernier est d'ailleurs un habitue de la formule, puisque son recueil de textes, Il n~y a que ['amour, compte trois contes urbains interpretes par l'auteur en autant d'occasions. Meme s'il fait figure de « petit genre», selon l'expression d esorrnais consacree de Gilles Pellerin, Ie texte court, grace a sa diversite et a sa malIeabilite, peut servir, on Ie voit de barometre litteraire. Apprete de toutes les fac;ons possibles, il peut aider aidentifier les tendances littt~raires des communautes dont il est issu. Amorce cornme un simple moyen de perpetuer ou de faire revivre par l'ecrit une culture devenue fragile, Ie conte retourne de lui-meme asa propre oralite; au moment ou Ie monde se couvre de solitude virtuelle et de froideur technique, void que de jeunes ecrivains croient decouvrir, grace au simple Tecit dans sanudite, unmoyen revolutionnaire de susciter la ferveur. OUVRAGES CITES Andersen, Marguerite, Courts metrages et instantanes. 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