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ANDRE BERTHIAUME Deux volets sur Ie meme genre Jusqu'a aujourd'hui, j'ai publie quatre recueils de nouvelles, chez quatre editeurs differents (Contretemps, Le Cerc1e du livre de France, 1971 ; Le mot pour vivre, Paralleles / Parti pris, 1978; Incidents defrontiere, Lemeac, 1984 ; Presqu'fles dans fa ville, XYZ, 1991) - ce qui signale certaines reticences institutionnelles. ]'ai deja dit comment, il ya (deja) trente ans, precisement en mars 1968, la lecture d'une nouvelle de Julio Cortazar, dans Ie feuilleton litteraire du Monde, avait suscite chez moi Ie desir d'explorer Ie cadre etroit, mais combien riche du fecit bref. Je suis venu a la nouvelle apres avoir publie un roman, ce qui est l'inverse du cheminement habituel et montre assez que la nouvelle n'a jamais ete pour moi une ebauche, une esquisse, une CEuvre preparatoiretermes utilises aussi pour caracteriser injustement l'aquarelle. Curieux qu'au Quebec comme en France on boude la nouvelle et l'aquarelle... Je n'aime pas beaucoup les titres de mes recueils, peut-etre parce qu'ils tentent d'unifier ce qui ne doit pas l'etre, ayant toujours prefere l'heterogene ,la diversite, Ie fragrnente,]a surprise - des entrees en matiere autant que des denouements. L'ile est plus importante que I'archipel. Mais depuis quelque temps, allez savoir pourquoi, on theorise davantage sur Ie recueil que sur la nouvelle. Ai-je bien servi celle-ci ? 0'autres que moi Ie diront. Chose certaine, j'ai succombe (avec delectation) a plusieur registres : realisme, souvenir, humour, fantaisie, fantastique, onirisme... La nouvelle m'a perrnis d'experimenter, de rediger litteralement des essais. Le recueil non premedite perrnet d'explorer librement. Aujourd'hui plus que jamais, je crois que Ie fecit bref est l'espace revel Ie lieu par excellence pour questionnec secouer les discours trop courants qui encombrent nos ecrans et nos vies - et pour faire eclater les regles memes du genre narratif bref. Plus que jamais, la nouvelle me paraH comme Ie lieu de }'antiromanesque , ce qui, evidemment, en fait un genre exigeant, critique, savant, intellectuet sinon universitaire, ce qui, evidemment, la perdra. Pourquoi rassembler des nouvelles deja publiees dans diverses revues? Pourquoiles recueillirpourjustementenfaire unrecueil? Pourquoipublier UNIVERSITY OF TORONTO QUARTERLY, VOLUME 68, NUMBER 4, FALL 1999 924 ANDRE BERTHIAUME un cinquieme recueil avec un ingenieux titre unificateur? Je me pose serieusement la question. Mes petits recits n'existent-ils pas davantage disperses dans Ie trafic, autonomes, vagabonds, orphelins, eloignes l'un de l'autre, etrangers l'un al'autre? Ai-je perdu Ie gout du recueil? Organiser un recueil me semble une activite bien differente de celie qui consiste a ecrire des nouvelles. Pour certains, Ie recueil est un genre litteraire en soi; pour d'autres, c'est une concession a la tradition ou a l'institution. La nouvelle de Cortazar parue dans Le Monde n'est-elle pas plus importante que la place qU'elle occupe dans la premiere partie d'un recueil intitule (en fran<;ais) GUes ? II Depuis un bon moment, je lis beaucoup plus de nouvelles que j'en,ecris. II ya trois ans, ayant a recenser un recueil collectif de dix nouvelles reunies sous Ie theme de la nuit, je me sills rendu compte que Ie theme de la rencontre etait aussi recurrent que celui de la notte. En effet, la rencontre avec quelqu'un d'autre au avec un alter ego caracterisait huit nouvelles sur dix - et les deux autres n'etaient pas vraiment des nouvelles! Considerant ensuite les cinq dernieres nouvelles que j'avais moi-meme ecrites, j'ai canstate que Ie motif de la rencontre y etait tout aussi present. Y aurait-il «metaphore obsedante»? La rencontre d'un homrne ou d'une femme dans un lieu public (bar, restaurant, gare, cinema...) est aussi une matrice narrative qui se retrallve tres souvent dans les nouvelles proposees par les etudiantes et les etudiants. Comment ne pas etablir un lien, une hornalogie entre Ie theme de la rencontre et la juxtaposition de deux univers, sinon de deux types de discours, par exemple celui du reve et de la n~alite, du sexe et de la mort, du bonheur et du malheur, de rid et de l'ailleurs, du serieux et de l'ironie, etc. ? Le motif de 1a rencantre, la tension qu'elle engendre, 1a collision qui s'ensuit, la dramatisation qu'elle permet, tendent a se substituer a la« chute», laquelle, ames yeux du mains, devient moins imperative. rai souvent et volontairement cherche a rapprocher des univers qui paraissaient diametralement opposes, procede qu'affectionnaient les surrealistes, propice au «choc des cultures », al'etrange, au fantastique. Dans son remarquable ouvrage, La nouvelle: 1870-1925. Description d'un genre ason apogee (Paris, PUF, 1993), Florence Goyet a longuement explore la figure de l'antithese comrne principe structurant de la nouvelle. Ne pourrait-on tIouver des echos, des traces de cette organisation antithetique dans des nouvelles contemporaines ?Le motif de la rencontrene contribuet -il pas aperpetuer la figure de I'antithese? Pourquoi pas une hypothese sur l'antithese... de la these? ...

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