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FRAN} (Andersen, 1992 : 94). On voit donc combien I'CEil est distanciateuf, dans la mesure ou il consacre, dans L'homme-papier, la fin du desir de l'homme: l'reil denote ala fois une abstinence et une abstention sur lesquelles l'ensemble des recits se fondeL • Mais il y a plus. Cette «lecture» de l'alterite toujours fascinante du reel n'est pas gu'une activite ludique, tirant sa source dans Ia litterature, mais elle est un veritable apprentissage et un acte de survie. Dans un texte recent, Suzanne Jacob expliquait ainsi sa venue al'ecriture: «Je crois que la position qui imprime I'elan d'ecrire s'elabore en tout premier lieu a l'interieur meme du travail de lecture et de synthese que chacun effectue des sa naissance pour survivre. C'est 1a raison pour laquelle, avant de faire apparaitre les livres et Ie papier, j'ai voulu faire apparaHre quelqu'un dans Ie monde» Gacob, 1997: 31). Or, ce «quelqu'un dans Ie monde}) occupe a son tour dans l'CEuvre de Marguerite Andersen une grande part de I'espace narraHf. 11 en est Ie fondement. II n'y a pas de livre sans l'observation quotidienne de l'humain. Le regard n'est en fin de compte que la face tangible et controlee du desir. C'est d'ailleurs ce regard qui, dans les deux recueils de n~cits brefs, permet de ba1ayer Ie paysage de la ville. La plupart des textes d'Andersen font ainsi du milieu urbain, avec ses hasards et ses violences, un contexte necessaire ala narration. Cependant, la ville a perdu son cote equivoque, anonyme et deshumanisant. Au contraire, eUe est un lieu ludique all l'individualite affirmee est la condition essentielle de la survie. Dans aucun des recits des Crus de l'Esplarzade, pourtant inspires par le centre-ville et la zone portuaire de Toronto (Front Street, The Esplanade, Harbourfront), Ie personnage n'est menace dans l'integrite de sa vie subjective par 1a ville ellememe , par les flottements de l'identite qu'on attribue habituellement a la derive urbaine. Le regard de la narratrice appeUe chacun des personnages par son nom, par son prenom meme, comme si ses incessants vagabondages ne J'amenaient jamais au-deLl des Heux familiers, au-deli! d'un quadrilatere mi-reel, mi-fictif ou n'affleureraient que les visages connus. Cette convention determine toute la force du sujet regardant qui, peu affecte par les identites incertaines de la ville, invente plutot une geographie torontoise ou la plupart des habitants portent des noms et prenoms fran~ais et frequentent des lieux appartenant clairernent ala communaute 2 Voir ace sujet le livre bien connu de Madeleine Ouellettc-Michalska (198],1990). 826 FRANC;OIS PARE francophone. Cette substitution est essentielle. En fait, dans Les crus de I'Esplanade, Toronto, transformee par Ie sujet regardant, devient graduellement un pur avatar de 1a fiction, alors que Ie n§alisme des scenes urbaines preva1ait encore dans Courts metrages et instantanes. Chez Marguerite Andersen, Ie refus de la ville ang1ophone derealise ainsi Ie recit qui est desormais porte vers 1a fable. Et, dans cet espace « arnical »,les personnages paraissent coupes de I'equivoque, liberes de leur etat de minorisation: a tour de role, chacun evo1ue au milieu de son portrait comme Ie client d'un salon de photographie posant devant un arriere-plan de toute evidence factice. Rares sont les recits OU Ie point de vue de la narratrice vacille. Elle sait tout, comprend tout, c1asse tout. C'est elle qui, devant Ie silence evident du personnage observe, pose les questions qui font avancer Ie n~cit: «Les automobilistes de la fue transversale vont-ils les laisser passer? ~), se demande-t-elle dans « Defis ». «Oui! (:a y est, elle a reussi son CO!lP encore une fois» (Andersen, 1998: 74). Ailleurs, cornme dans «Felix» (Andersen, 1991: 89--90 surtout), ou dans « Les crus de l'Esplanade» (Andersen, 1998: 17-26), cette narratrice est onmipresente et rien des gestes de son personnage n'echappe a sa minutieuse attention. II est done certain que, chez Andersen, la nouvelle, presque toujours breve, echappe aux flottements du sens et a la multiplicite des perspectives qui...

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