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CLAUDINE VERCOLLIER Un personnage problematique: Mathilde de la Mole Tout en affirmant aplusieurs reprises la visee realiste dans Le rouge et Ie noir, Stendhal, lorsqu'il cree Ie personnage de Mathilde de la Mole, semble eontredire eet objectif. Nous nous proposons d'etudier comment l'introduction du personnage Mathilde suscite une tension entre deux esthetiques divergentes et d'analyser comment ceUe tension est refletee dans la structure du roman. Juste apres Ie titre Le rouge et Ie noir, Stendhal donne une indication generique de son ceuvre: «Chronique du XIX e siecle », indication qu'il souligne en Ia repetant dans un deuxierne sous-titre: « Chronique de 18301 ». Pour Jean Mourot, ces deux sous-titres «apparaissent a1a fois comme une declarationd'intention et lffi contrat :I'auteur s'engage, au-dela de la fiction, ase livrer al'etude objective de son temps» (Mourot, 130). L'authenticite des faits rapportes impliquee par Ie mot «chronique}) est d'ailleurs soulignee par l'epigniphe du livre premier (, ainsi qu'une alliteration: «la nuit etait fort noire ». Une telle convergence n'est evidemment pas gratuiteo Si I'auteur insiste ainsi, c'est pour montrer qu'il est vraisemblable que Julien ne soit pas repere. II dedramatise au maximum une situation romanesque. Par c~ntre, dans }'episode parallele avec Mathilde, c'est exactement l'inverse. Si, dans la premiere partie, Mme de Renal n'etait pas au courant de la visite de Julien, dans la deuxieme, c'est Mathilde qui exige de Julien 648 CLAUDINE VERCOLLIER cet acte fou, d'autant plus fou qu'il doit s'accomplir en pleine lumiere:«Prenez la grande echelle du jardinier aupres du puits; placez-Ia contre la fenetre et montez chez moL II fait clair de lune :n'importe » (p. 386). Et dans ce passage, Stendhal met autant d'insistance asouligner l'abondance de la lumiere qu'ill'avait fait pour l'obscurite dans la premiere partie: Le temps etait d'une serenite desesperante. Vers les onze heures la lune se leva, aminuit et demi elle eclairait en plein la fa~ade de l'hotel donnant sur Ie jardin. (P·393) La lime etait si brillante que les ombres qu'elle formait dans la chambre de Mlle de la Mole etaient noires. (P.393) La lune les edairait en plein. (P.395)« Clair de lune», «lune», «eclairait en plein» repete deux fois, «si brillante»: tout est mis en ceuvre pour mettre en valeur cette lumiere. Naus avans done deux scenes apparemment paralleles qui servent a creer un lien entre les deux parties, mais qui en meme temps s'opposent. Julien lui-meme va etre sensible ace eontraste puisqu'a trois reprises il va 5'exclamer devant la difference: C'est un instrument, se dit-il en riant, dont il est dans mon destin de me servir ! iei eomme aVerrieres. QueUe difference! Alors, ajouta-t-il avec un soupir, je n'etais pas oblige de me mefier de la personne pour Iaquelle je m'exposais. QueUe difference aussi dans Ie danger! (P.391) Quelle difference, grand Dieu! avec son dernier sejour de vingt-quatre heures aVerrieres! (p. 398) La difference essentielle est que 1a deuxieme scene est totalement invraisembiable . Indirectement, la fin du XVl e siecle et Ie debut du xvne , si chers aMathilde, sont rappeles par Ie buste du cardinal de Richelieu: Ce buste avait l'air de Ie regarder d'une fa~on severe, et comme lui reprochant Ie manque de cette audace qui doit etre si naturelle au caractere fran~ais. De ton temps, grand homme, aurais-je hesite? (p. )88) L'imaginationde Julien, debridee, lui inspire des aventures plus invraisemblables les unes que les autres, mais qui s'imposentavecune telle force qu'il les evoque al'indicatif et non au conditionnel: II s'etait vu saisi par des domestiques, garrotte, conduit dans une cave avec un baillon dans la bouche. La, un domestique Ie gardait avue, et si l'honneur de la noble famille exigeait que l'aventure eut une fin tragique, il etait facile de tout UN PERSONNAGE STENDHALIEN PROBLEMATIQUE 649 finir avec ces poisons qui ne laissent pas traces; alors, on disait qu'il etait mort de maladie, et on Ie transportait mort dans sa...

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