Roman

Lettres canadiennes 1996 SODS LA DIRECTION DE MICHEL LORD Roman HELENE MARCOTTE Nous lisons des romans un peu dans Ie meme esprit que les gens allaient aI'eglise, c'est-a-dire pour essayer de donner uri sens et de justifier Ie chaos et la detresse qui nous entourent. Nancy Huston,. Le Devoir, 14 septembre 1996, p. D-l. Dans I'ensemble, et si on la compare a celle de I'annee precedente, la production romanesque de I'annee 1996 n'a rien d'exceptiormeL II apparait aussi plus difficile de faire ressortir les lignes de force qui orientent les ceuvres, du moins si ron parle en terme de thematiques. L'interet se maintient , bon an, mal an, pour Ie roman historique, et des thematiques particulieres surgissent,souvent Ietemps d'une saison, comme les rapports avec I'au-deUl, via les anges pour cette annee, mais j'avoue humblement avoir opte pour l'ici, maintenant dans cet article. Ue signale aussi que plusieurs autres romans auraientpu figurer dans cette retrospective de I'annee 1996. Soit que }'espace ne m'aurait pas permis de leur rendre justice, et j'ai alors prefere m'absterur, soit que je ne les ai tout simplement pas re~usJ et je m'excuse aupres des auteur(e)s des omissions fort involontaires.) Les romans de I'annee 1996, aquelques exceptions pres, ne fracassent rien et se developpent aut~ur de sujets universels: l'amour, la mort, Ia solitude. Les auteurs explorent les relations humaines et mettent Yaccent sur le passage du temps qui incite sinon au bilan, du mains aux reflexions . existentielles et auxremises en question. Romans de la memoirei donc, mais sans que Ie passe n/oblitere jamais le present, de sorte que chaque CEuvre semble participer a une longue quete du sens. Mais ce sont aussi des romans de la distance qui nous sont presentes: « Comme il est lent, long, difficile d'approcher un peu de l'autre. Et comme il est facile de Ie perdre, de se perdre anouveau, achaque instant, de ne plus reaouver sa propre trace dans Ie monde encombre, parmi lesbrouillards,les miroirs,les ecrans, les fumees» (Roland Bourneut Le chemin du retour). Les protagonistes sont jes etres souffrants, ecorches par la vie ou, atout Ie moins, desenchantes, ~t tres peu de romans ont des denouements heureux. UNIVERSITY OF TORONTO QUARTERLY, VOLUME 67, NUMBER I, WINTER 1997/8 348 LETTRES CANADIENNES 1996 Sil'ons'attardeaux personnages principauxdes romans, onpeut diviser les dix-sept ouvrages retenus dans cet article en deux tendances: lesromans des anti-heros et les romans qui peignent des destins de femmes - femmes qui peuvent aussi s'averer des anti-heromes, il va sans dire. Dans Ie premier cas, les auteurs racontent ]'histoire des sans-histoire. Et c'est peut-etre, si 1'0n jette un regard sur la production des demieres annees, une tendance de cette fin de siecle. Les anti-heros sont souvent . marques par l'echec, mais surtout par la difficulte, voire l'impossibilite, de donner une orientation aleur vie et de la concevoir suivant une finalite. Ils se caracterisent aussi par leur incapacite aprendre des decisions, afaire des choix nets. Ballotes par les evenements, ils sont generalementplut6tpassifs, et leur vague aspiration au bonheur est toujours dec;ue. Dans Ie second cas, i1 Slagit moins de romans feministes que de romans peignant Ie destin d'une femme et adoptant Ie point de vue des femmes. Les protagorustes de ces romans, en butte a une societe dont les regles les defavorisent, rencontrent maintes difficultes pour se faire une place au soleH, et s~nt, Ia plupart du temps, marquees par un amour malheureux qui peut les conduirejusqu'ala mort. Mais qu'elles subissent ou combattent,les femmes savent toujours ce qu'elles veulent. Soit qu'elles ne peuvent l'avoir et deperissent, soit qu'elles prennent tous les moyens possibles pour l'obtenir. Leur attitude va ainsi de l'acceptation passive et resignee a la prise en main de leur destin. TRANCHES DE VIE ORDINAIRES: LES ANTI-HEROS Avec Les epervieres (XYZ editeur, 237 p., 24,95$), Andre Brochu met en scene Etienne Tourangeau, un jeune homme de dix-huit ans, issu d'un milieu...