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184 LETTRES CANADIENNES 1995 particuliere dans 1a trame urbaine du Vieux-Quebec. Celle-ci a quelque chose d'incongrue: l'eglise tourne en effet Ie dos ala p]ace d'Armes, et son imposante fa<;ade principale donne sur une rue secondaire, la rue des Jardins. Non seulement cette position inhabituelle cree-t-elle un certain malaise sur Ie plan visueL mais elle contredit une tradition fondamentale de la ville preindustrielle. La place publique, qu'elle se nomme place Royale, place d'Armes ou place du marche, est l'equipement urbain par excellence de ce type de ville, et les institutions dominantes y ont pignon sur rue. Dans l'arrondissement historique du Vieux-Quebec, c'est Ie cas, notamment, de l'eglise Notre-Dame-des-Victoires a1a place Royale et de la cathedrale catholique Notre-Dame devant la place de l'Hotel-de-Vil1e. N'est-ce pas aussi Ie cas, aLondres, de ceUe eglise St. Martin in the Fields face au square Trafalgar? Pourquoi Jacob Mountain, qui a consacre sa vie avouloir affirmer la presence de l'Eglise d'Angleterre, n'a-t-il pas tire ce profit d'un environnement aussi prestigieux que celui de la place d'Arrnes, porteur d'une valeur symbolique unique, et offrant, au surplus, une vue panoran:lique sur Ie grand fleuve? Seion Noppen et Morisset, ce sont les vestiges de l'eglise et du couvent des Recollets,lesquels occupaient Ie site avant d'etre incendies en 1796, qui auraient force ou favorise ceUe implantation particuliere de la cathedrale britannique. Peut-etre, rnais pour bien debattre de cette question, il aurait fallu presenter une succession de plans historiques de cette partie de la ville, de fa~on aen cerner l'evolution morphologique. Or, dans tout l'ou- -vrage, il n'y a pas un seul plan d'ensemble du secteur, ni ancien ni actuel, cornmesi ce monument ne faisait pas partie integrante du tissu urbain. Sans doute Ie lecteur peut-il, grace aux photographies historiques et actuelles des Heux et du plan en relief de Duberger, se faire une certaine idee de cette evolution, mais cela ne remplace pas les plans urbains. Ce sont les plans qui donnent la forme a1a ville, et l'architecture «monumentale» n'est pas dissociable de ceUe forme, comme l'a bien demontre AIdo Rossi. Ce sont les plans de ville qui permettent egalement aux lecteurs de situer les batiments dans l'espace; sans plan, adefaut d'etre sur place, ceux qui ne sont pas familiers avec Ie Vieux-Quebec auront de la difficu1te asaisir Ie dialogue de1acathedrale Holy Trinityavec son environnement. Dommage, car c'est ce qui distingue l'architecture urbaine de l'architecture. (JEANCLAUDE MARSAN) Gaston Roberge, Autour de Marcelle Ferron Quebec, Le Loup de Gouttiere, 104 p. Des lieux de memoire. ldentite et culture modernes all Quebec 1930-1960, s.la dir. de Marie Carani Ottawa, Les Presses de l'Universite d'Ottawa, 240 p. SCIENCES HUMAINES 185 Le livre de Gaston Roberge souleve plus de questions qu'il n'en resout sur la qualite de I'ceuvre de Marcelle Ferron, sur l'automatisme en general et sur les livres «populaires» qu'on ecrit sur les artistes quebecois. QueUe est la contribution originale, significative de Marcelle Ferron,«l'une des plus grandes artistes de sa generation», selon Ie galeriste Denis Quevillon, al'evolution de l'art au Quebec? «Ferron, c'est la couleur», declare Andree Beaulieu-Green, comme si la couleuf, c'etait Ferron et personne d'autre au comme s'll y avait deux camps en peinture, celui de la couleur et celui de la composit~on, et qu'un artiste devait choisir ce1ui-ci ou ce1ui-Ia, comme une religion. Gaston Roberge, lui, «souligne }'interet de la lumiere et de la transparence de ses riches empatements», paradoxe devenu lieu commun quand on parle des peintres qui ant pratique l'abstraction lyrique. On pourrait aussi en dire autant de Rembrandt, de Tiepolo, de Fragonard, de Turner... II faut done chercher aUleurs dans cette CEuvre qui, aujourd/hui, est derneuree tres fidele ace qu'eUe etait au debut. C'est apartir du milieu des armees 1960 que Marcelle Ferron se creuse une niche que personne n'est venu lui disputer depuis: «[5]'il n'y avait pas eu les verrieres, je serais passee ala poubelle». Monique Brunet-Weinmann explique ce valet de }'CEuvre ferronnienne et I'analyse dans une langue transparente qui n'a rien de pateux. Excellente etude, egale atant d'autres qui portent sa signature et qui nous ant ouvert Ies yeux sur combien d'artistes contemporains difficiLes d'acces, sans essayer de nous eblouir autrement que par Ie savoir de leur auteure qui Ie communique avec autant de grace que de serieux. Ce qui manque de serieux, c'est peut-etre l'autornatisme ala fin du XX C siecle, car ce qui etait exploration essentielle dans les annees Borduas, ne l'est plus depuis, un «sans titre» de 1990 n'etant pas tellement different d'un «sans titre» de 1970 ni de combien d'autres executes ala hate entre ces deux dates. On a meme l'impression, en feuilletant ce livre et en s'arretant sur chaque reproduction, que l/automatisme qui a survecu a lui-meme est une solution de facilite,cornmetous les academismes. Marcelle Ferron,plus lucide que ses adulateurs, est la premiere a l'avouer en toute candeur:«Tiens, si j'avais eu Ie choix, j'aurais peut-etre ete ecrivain... mais acote des mots, 1a couleur c'est puissant... Et puis, c'est vite dit!)} Vite dit, vite fait, mais cette qualite industrielle n/est pas un facteur esthetique. n'autres, Fernand Leduc etMarcel Barbeau en tete, I'ont totcompris. Marcelle Ferron se rappellera ces exemples lorsqu'elle travaillera it ses veritables chefsd 'ceuvre, ses verrieres, qui n'ont rien a voir avec l'automatisme, qui appartiennent, de fait, it I'abstraction geometrique. Void done Wl second paradoxe: signataire de Refus global, Marcelle Ferron pourrait fort bien passer it l'histoire en tant que plasticienne de la deuxieme generation, celie de Guido Molinari. Gaston Roberge, qui a reuni les textes qui composent ce livre et qui est egalement responsable de Ia collection «Autour de...», dont c/est Ie second 186 LETTRES CANADIENNES 1995 ouvrage, Ie premier portant sur Jean McEwen, Iaisse entendre que tel sera, en effet, Ie jugement de Ia posterite, car ce qu'll a choisi pour illustrer la couverture du livre, ce n'est ni une huile, ni une eau-forte, ni meme une gouache, toutes etant interchangeabIes, aucune n'etant entree dans l'imaginaire quebecois, mais bien la verriere du Palais de justice de Grandby, justement celebre. C'est une ceuvre rassurante pour les investisseurs , puisqu'elle fait de Ferron une artiste consacree. Ce qui est cense rassurer davantage Ie bourgeois qui a une main sur Ie cceur et l'autre sur sa bourse, c'est que «Ferron ne peint pas pour des collectionneurs, des galeries au des musees ». Pareille attitude, semblable desmteressement font d'elle une artiste veritable qui s'en remet «au bon peuple», cela illt sans condescendance, image romantique qui ne colle toutefois pas aFerron qui prefere «Ie charme des galeries ou il ya du vrai monde, des acheteurs, des collectionneurs ». Ce petit livre est comme la vie: plein de contradictions. Alors, on tourne les pages; on aime ou n'aime pas. C'est sans importance. Et puis, ne sayons pas trop severe: il ne s'agit que d'un album souvenir publie al'occa5ion d'une exposition ala Galerie Simon Blais. A quand «la monographie de qualite que son CEuvre, sa carriere, sa personnalite reclament»? 5i, dans Autour de Marcelle Ferron, on a reuru Ie meilleur de ce qui a ete dit sur son reuvre, ce n'est pas pour demain. *** Dans Des lieux de memoire, Marie Carani reunit des communications d'une quinzaine de collaborateursqui, aI'occasiond'un coUoque,se sontpenches, cornme elle et Ie collectif GRESAC, sur l'identite et la culture madernes au Quebec de 1930 a1960. Dansce contexte, que faut-il entendre par «moderne»? «Le modeme, precise Jean Lauzon, sera celui qui conteste toute dependance et sera l'apport d'individus qui s'affichent comme porteurs d'un nouvel ordre, d'autant de nouveaux pouvoirs singuliers qui ne sauraient sans se trahir s'allier aquiconque. Le modeme est un anarchiste qui utilise sa tradition pour en imposer de nouvelles. Formel et existentiel sont les caracteres necessaires et suffisants pour definir 1a modernite». Les articles de la premiere section, «D'une modernite identitaire revisitee », titre plus postmoderne que moderne par 1a citation non avouee, portent sur la reception critique, ce qui nous renseigne davantage sur Ie climat social et culturel de I'epoque que sur les reuvres elles-memes, celles qui ant disparu - qui ont ete litteralement «executees» -, celles qui ont ete liberees de prison (eh oui!) pour prendre place dans un musee et ceUes qui n'ont jamais cesse de faire parler d'elles, en bien au en mal. On a l'impression de (re)lire de vieux journaux jaunis et de se nouru (in)utilement les doigts. Un seul article fait exception, celui de Carani qui adapte la these de SCIENCES HUMAINES 187 I'Americain Lewis Mumford, voulant que}'evolution plastique se fasse par sauts (the grandfather principle), pour l'appliquer aBorduas et aux generations qui l'ont suivi, avec des resultats qui portent ala reflexion. Un peu comrne Jean Ethier-Blais, rnais dans lUle langue tout autre, Louis Francceur, dans 1a deuxieme section du recueil qui regroupe six «Lectures semiotiques», nonune les «phares» de la culture quebecoise: Lionel Groulx qui, avec Notre maftre Ie passe, initie la serie de la denomination du passe; Paul-Emile Borduas dont Refus global inaugure, en 1948, la serie du pays utopique; et PierreVadeboncceur qui, dans La ligne du risque, annonce celle du pays incertain. Sans Ie contredire, Fernande Saint-Martin se dissocie de ceux qui, pour comprendre Ie Quebec, croient qu'« i1 suifit de decrire ce qui se passait alors au Quebec». EIle relie, fort justement, l'aventure de la seconde generation des Plasticiens aux experiences de Kandinsky, de Malevitch et de Mondrian, et affirme qu'tis les ont poussees plus loin, en balayant les dernieres poussieres de I'espace euclidien sous Ie tapis des phenomenes chromatiques. Cette these m'a paru aussi seduisante que 1a precedente qu'eUe comp1emente en situant l'art d'ici par rapport al'art occidental. En retenant l'une et l'autre, on peut mieux voir ce que cet art a d'universel et de particulier. Dans 1a derniere section, «Trous epars de memoire», Yves Deschamps confirme ce que nous avions observe: les architectes quebecois des annees 1930-1945 ant cede ala facilile, se contentant Ie plus souvent d'imiter ce qui se faisait ailleurs (surtout en Angleterre) au autrefois (SOliS Ie regime franc;ais), mais en plus petit ou en mains bien, d'OU 1a conclusion inevitable qui se formule comme un vceu fonde sur ]a foi dans Ie progreso Comme taus les articles, dont certains ant conserve Ies traces de Ia communication orale, lue (<

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