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146 LETTRES CANADIENNES 1995 Claude Filteau, Poetiques de la modernite Montreal, l'Hexagone, coll. Essais litteraires, 1994,382 p., 30$ Avec Poetiques de la moderniie, Claude Filteau nous livre une reflexion aussi passionnante gu'utile, et ce, adouble titre. D'abord, par l'eclairage gu'elle jette sur un volet peu etudie de la litterature quebecoise, soit la poesie de la premiere moitie du siecle (1895-1948). Ensuite, par la souplesse de sa demarche , qui echappe autant au textualisme (dont l'etoile a bien pali) qu'a l'historidsme ou au sociologisme par lesquels la critique, au Quebec, I'a massivernent remplace. L'un des pondfs les,mieux ancres au sujet de la rnodernite quebecoise consiste a en voir Ie double avenement dans Ia periode d'apres-guerre (1948, avec Ie Refus global), puis dans la Revolution tranquille. Filteau propose une autre vision, en s'attachant aun corpus qui n'avait jamais ete traite ainsi. L'ouvrage allie en effet l'analyse serree d'reuvres pnkises (Arthur de Bussieres,Emile Nelligan, Guy Delahaye,Jean-Aubert Loranger, Jean Charbonneau, Alfred DesRochers, Hector de Saint-Denys Garneau, Rina Lasnier, Alain Grandbois, Paul-Marie Lapointe) ades comrnentaires d'ensemble (inventions rythmiques des parnassiens et symbolistes; ethique amoureuse de la poesie feminine de Medge V€zina, Simone Routhier, lovette Bernier,' Anne Hebert) ainsi qu'a des reflexions sur la critique de l'epoque (Louis Dantin, Camille Roy, Marcel Dugas). Un tel va-et-vient exige la constitution d'une methode de lecture particuliere. Filteau emprunte aplusieurs domaines (poetique, rhetorique, grammaire, histoire des idees, philosophie, sociologie des champs litteraires), mais sans sombrer dans l'eclectisme, car il s'appuie sur un certain nombre de postulats stables. Principalement, il s'agit de considerer que Ie sens releve au detriment de la singularite des discours, mais surtout, on se retrouverait d'emblee dans une vision dualiste opposant forme et sens. On pourrait aIoIs etre amene, dans un lieu cornme Ie Quebec ou romantisme, Pamasse et symbolisme «coexistent jusqu'a la veille de Ia Deuxieme Guerre mondiale», a escamoter «des , roais dassiques ou conventionnelles par leur >>. En consequence, on ne trouvera pas dans cet ouvrage une definition de Ia modemite, avec sa liste de criteresstylistiques, rhetoriques ou ideologiques. Quelques parametres sont indiques, tels que la conception de l'homme comme «politiquementethistoriquement engendre»;un desenchantement du monde lie a I'«echec de la rationalitE~», qui attaque Ie «principe de raison naturelle» de saint Thomas d'Aquini la question de la «liberte individuelle », que >>; I'autonomie de la litterature, etc. C'est une modernite empirique, mouvante que l'on verra peu a peu se dessiner a partir d'un ensemble de tensions internes aux discours etudies, notamment quand la voix du sujet, par les modes de Signification, «remet en cause les conformismes de son temps et transforme les valeurs du champ litteraire 1ui-meme». n y a la une reprise renouvelee du projet meschonnicien visant a caracteriser, par I'etude du rythme, l'historicite des discours. Renouvelee parce que Filteau interprete davantage cette historicite que ne Ie fait Meschonnic. Le travail d'interpretation dans ce type d'etude est delicat, car on ne peut, sous peine de retomber dans Ie dualisme.. «traduire» directement tel phenomene accentuel, telle maruere d'employer Ie vers. nfaut lire autrement chaque fois les composantes du texte.. cerner leurs interactions, de rneme que leurs relations avec d'autres discours, tache en apparence sisypheenne. L'auteur se tire de 1a difficulte en S'arretant, pour chaque ceuvre, al'tme ou l'autre facette du rythme jouant lUl role de dans la signifiance : la phrase chez Arthur de Bussieres; l'«accent secondaire» et l'esthetique musicale chez Nelligan; Ie continll interne a la strophe et la place du «parle» chez Loranger, etc. Et puisque, dans cette periode, la reference aux metres de la tradition fran<;aise demeure importante, Ie traitement metrique fournira, dans ses rapports avec les autres aspects de la signifiance , lUl point de comparaison constant, aidant a«construire un rapport critique entre Ie vers (la segmentation entre autres) et le poeme comme discours assode a la mobilite du sens et du rythme». La plupart des nouvelles theorisations de la metrique fournies par la linguistique (Milner et Regnault, de Cornulier, Verluyten, Volkoff) sont mises a profit et adaptees en fonction de la situation des ceuvres etudiees et de leur ectitllre. Le lecteur qui ne les connait pas trouvera dans I'ouvrage des explications edairantes aleur sujet. L'historicite des ceuvres se degage egalement d'une mise en rapport de la grarnrnaire du texte avec l'etat de la grammaire de la langue dans la 148 LETTRES CANADIENNES 1995 pedode. Cette question est d'autant plus pertinente que les relations entre langue et litterature, pour des raisons politiquesbien connues, representent un enjeu majeur dans l'institution quebecoise. Filteau identifie donc, dans les textes, plusieurs conflits se nouant entre la langue academique, les parlers regionaux et l'invention linguistique. Les commentaires, riches, etroitement entre-tisses aussi les uns aux autres, se laissent malai5ement resumer. Nous ne pourrons evoquer qu'un seul exemple, afin de montrer comment la nouveaute de la methode transforme notre vision de cette litterature, notamment en remettant en cause certaines oppositions tranchees selon lesquelles on a coutume de l'envisager. Filteau aboutit padois ades affirmations provocantes comme celle-ci: <

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