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128 LETTRES CANADIENNES 1995 d'autre contribution al'histoire de leur ville que leur vie amoureuse et leur deboires financiers! Ces faits divers, doit-on toutefois l'avoue~, sont des plus divertissants pour Ie lecteur. Les deux derniers chapitres, portant sur rere contemporaine, adoptent un autre ton puisqu'ils sont ecrits ala premiere personne. Ce changement de mode narratif a pour effet de diviser quelque peu Ie livre en deux mouvements (avant et apres 1948), sans toutefois gener la progression du lecteur. Tout au contraire, ce «je» des plus heureux revele un temoignage de premier ordre et confere au texte un aspect anecdotique vivant que les !ivres d'histoire peuvent rarement se permettre d'adopter. Ce changement dans Ia narration marque I'arrivee de . Leopold Lamontagne au Royal MilitaryCollege of Canada en 1948. Apartir de cette date, l'auteur est profondement implique dans Ie processus d'affumation de la communaute francophone de Kingston. Les efforts visaient aregrouper unepopulation fran\aise dispersee. Mentionnons la creation du journal L'Appel en 1958 qui etablit un premier lien culturel francophone, la construction de l'eglise de Saint-Fran<;;ois d'Assise de Kingston en 1961, qui permet aux francophones de se retrouver au sein d'une meme paroisse, et la creation de plusieurs ecoles fran<;;aises qui contribue ala resistance a l'assimilation. Dans sa conclusion, Leopold Lamontagne reussit Ie tour de force de resumer en seulement trois pages, et de fa\on pourtant extremementclaire, l'enorme contributiondes francophones aKingston pendant pres de quatre siecles. En bref, un livre passionnant et d'autant plus captivant qu'il nous renseigne de maniere tres eclairee sur un aspect de notre patrimoine francophone. (VERONIQUE PONCE) Jacques Pelletier, Le poids de I'histoire: litterature, ideologies, societe du Quebec moderne Quebec, Nuit blanche editeur, 346 p. .Depuis quelques annees, Ie vent des discours critiques et theoriques a change. Saturees par les methodes formalistes qui font abstraction du contexte socio-historique dans lequel une CEuvre s'inscrit, de plus en plus de recherches se situent dans des courants privilegiant l'histoire litteraire, l'institution et Ie discours sociaL Tout se passe comme si la lecture irnmanente des textes, longtemps pratiquee, nous ramenait par 1a force des choses an~exarniner les conditions d'emergence de la litterature. C'est dans cette perspective que l'essai de Jacques Pelletier, Le poids de l'histoire, fruit de vint-cinq ans de recherche, constitue une contribution importante. Ayant comme but de degager les rapports entre la litterature, les ideoll?gies et la societe, I'auteur presente des analyses eclairantes de plusieurs phenomenes importants dans l'evolution dela societe quebecoise en les inserant dans un·cadre conceptuel rigoureux et coherent. Visant la periode des armees 1930 jusqu'a la fin des annees 198o,l'auteur en examine les «moments forts»: 1a Crise des annees 1930,le dupiessisme, SCIENCES HUMAINES 129 Ia Revolution tranquiIle, la Crise d'Octobre 1970 et I'eclatement des annees 1970 et 1980. Dans chaque categorie, il analyse des productions textuelles particulierement significatives en tenant compte du climat socio-politique. Ces productions sont de caractere heterogene etant donne que, pour Pelletier , la notion de discours litteraire indut autant les articles savants que l'essai, Ie roman et la poesie. Ainsi, il etudie la periode de la Crise des annees 1930 surtout par Ie filtre des articles de La Releve, Ie duplessisme et les debuts de la revolution tranquille en fonction des ecrits de plusieurs romanciers (Pierre Gelinas, Andre Langevin, Hubert Aquin) et illit les sequeUes de cette revolution dans I'ceuvre «flamboyante et monstrueuse» de Victor-Levy Beaulieu. Pour aborder la Crise d'Octobre, Pelletier fait des detours probants du cote des temoignages et de I'ceuvre de Ferron et, afin de rendre compte de l'effervescence des annees 1970,il se penche surI'ecriture avant-gardiste de plusieurs ecrivains, dont notamment Franc;ois Charron. S'inspirant des ecrits de Bakhtine, Marc Angenot et Pierre Bourdieu, tout en enonc;ant clairement son propre point de vue theorique, Pelletier propose des analyses textuelles fondees sur Ie concept de productions sociales dont Ie caractere est foncierernent interactif. Recusant l'ancienne notion selon laquelle la litterature serait uniquement Ie reflet d'une societe, il insiste sur la fonction dynamique du discours litteraire: J'examine ees textes en tant que «productions sociales», trouvant dans une large mesure leur signification dans Ie cadre global d'enonciation dans lequel Us surgissent. Je les considere egalement, une {Dis produits, comme des« facteurs dynamiques » d'lU1e culture vivante dont ils sont devenus tIDe partie constitutive: ils sont done tout ala fois des «expressions» et des «maillons» forts du discours social dans lequel ils sont pris et qu'ils «travaillent» de l'interieur. En fondant ses analyses sur cette premisse fondamentale, Pelletier met en pleine lumiere Ie dynarnisme qui regit le rapport de la litterature a Ia societe, en particulier lors d'evenements precis conune la Crise d'Octobre. Car, pour lui, etudier la relation entre eet evenement et les productions litteraires, c'est effectivement «poser la question plus generale des rapports entre I'Histoire comme processus historique reel,l'Histoire comme lecture/ recit de ce processus et les histoires particulieres que sont les textes de fiction ». L'apport du Poids de l'histoire aux domaines de la socio-critique et de Ia .socio-culture est considerable. En examinant, aI'appui de nombreux textes, une periode de cinquante ans dans }'histoire du Quebec, Yauteur fait . ressortir de £a«;on dramatique Ies bouleversements qui ont eu lieu dans la societe et la culture quebecoises. Par Ie biais d'analyses detaillees, qui tiennent compte de nombreux facteurs socio-economiques, il montre par exemple l'immense difference ideologique qui separe Ie conservatisme des ecrits de La Releve et apeu pres toutes les productions litleraires qui se sont manifestees apartir des annees 1950. C'est donc tout Ie mouvement d'une 130 LETIRES CANADIENNES 1995 societe qui se fait sentir a la lecture de ce livre. Par ailleurs, Pelletier propose des reflexions passionnantes sur des phenomenes relativementpeu etudies comme Ie roman des annees 1950 (en particulier les romans quasiment inconnus de Pierre Gelinas), et les ecrits generes par la Crise d'Octobre. Au cours de ses analyses, il montre enfin de fa<;on convaincante I'importance de nombreux facteurs socio-hlstoriques comme l'influence du catholicisme sur les auteurs de La Releve ou encore I'essor du mouvement ecologique pendant les annees 1970, pour ne mentiormer que deux exemples tres differents. En suivant Pelletier dans sa description des «moments forts» de la societe quebecoise, on peut toutefois etre etorme et meme regretter qu'il n'ait pas adopte une perspective chronologique dans Ie deroulement des chapitres. Car s'il est vrai, comme ille souligne, que son choix se defend sur Ie plan conceptuel puisqu'on peut «iegitimement eclairer et emichir la lecture du passe par la connaissance de ce qui en est advenu par la suite», il n'en reste pas moins qu'une organisation non chronologique derobe aI'Histoire Ie dynamisme du mouvementsocio-temporel qui enrnodifie ineluctablement Ie cours. Les lecteurs deroutes par les essais herrnetiques et verbeux appnkieront 1a coherence conceptuelle des analyses de Pelletier et la clarte de son expression. Rigoureux, detaille et lisible, son ouvrage sera tres utile, sinon indispensable, dans les cours universitaires portant sur les relations entre la litterature et la societe au Quebec. Mais il sera egalement essentiel pour toute personne qui, face al'incertitudepolitique quebecoise actuelle, desire se pencher, dans un espoir d'intelligibilite, sur Ie «poids» dramatique de son histoire. (JANET M. PATERSON) Femand Dumont, L'avenir de Ia memoire Quebec, Nuit blanche editeur, 95 p. Paul Chamberland, Temoin nomade. Camets 1(1975-1981) Montreal, l'Hexagone, 186 p. La discursivite, s. la dir. de Lucie Bourassa Quebec, Nuit blanche editeur, 257 p. II ne sera pas facile dans l'espace qui m'est alloUE~ ici d'etablir un rapport quelconque, si tenu soit-il, entre ces trois ouvrages fort differents. Je commencerai parl'opuscule de Femand Dumont, L'avenirde la memoire, qui me semble soulever des questions extremement profondes sur la construction de notre avenir commun dans les soch~tes occidentales. Cet ouvrage est la transcription d'une conference publique presentee a1'Universite Laval dans Ie cadre des activites de la CEFAN (Chaire pour Ie developpement de 1a recherche sur la culture d'expression franc;aise en Amerique du Nord). ...

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