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SCIENCES HUMAINES 119 Conrad Laforte, La chanson de traditiol1 orale, une decouverte des ecrivains du XIXC siec1e en France et all Quebec Montreal, Triptyque, 12) p. Les Editions Triptyque, qui occupent depuis une quinzaine d'annees Ie creneau des ouvrages sur la chanson populaire au Quebec, publient cette fois-d une etude sur la chanson traditionnelle. En ajoutant ala liste des auteurs de sa collection sur la chanson Ie nom de Conrad Laforte, la maison Triptyque montre qu'elle ne pouvait plus se priver de l'un des piliers des travaux sur la chanson folklorique fran<;aise. Du coup, on peut penser que cet ajout ne pourra etre que benefique en for<;ant la maison aelargir encore davantage l'objet de son creneau en chanson populaire. Mais deja, Ie titre que propose Laforte demande reflexion: La chanson de tradition orale... Si Ie terme «folklorique» aurait semble plus courant, Ie concept de ((chanson de tradition orale» renvoie aune idee bien precise qu'il faut saisir des Ie depart. Dans la premiere partie de son etude, Laforte montre que, bien avant les etudes serieuses sur Ie folklore en chanson, des ecrivains fran<;ais du XIXe siecle (c'est Ie cas de Victor Hugo), inspires par Ie courant populaire qui accompagnait Ie romantisme, cherchaient a s'approprier tme «couleur locale », en utilisant des chansons de tradition orale. On se souviendra du celebre reproche qu'adressait Mme de Stael au classicisme fran<;ais dans De l'Allemagne: le romantisme allemand est plus pres des racines du peuple! Apparemment,le mot d'ordre a ete suivi au point de contribuer a jeter les premiers jalons des etudes sur la chanson folklorique. Les realistes aussi se.sont mis de la partie en utilisant les chansons pour leur pouvoir evocateur des mCEurs typiquement paysannes. Cependant, note Conrad Laforte - et la, c'est Ie folkloriste qui parle -, l'usage de la chanson de tradition orale a donne lieu a«l'erreur regionaliste» car, dit-il, l'etat des recherches actuelles demontre 'plutot que les chansons de tradition orale ont pour heritage toute la francophonie. 11 faut comprendre alors que ce ne sont pas tant les chansons que leurs versions qui etaient en mesure de procurer aux ecrivains la couleur locale desiree. Au Canada, l'emploi de la chanson de tradition orale chez les ecrivains suit les memes parametres qu'en France. Certes, des ecrivains canadiens comme Patrice Lacombe, Napoleon Aubin et Antoine Gerin-Lajoie commettent la meme erreur regionaliste, mais du point de vue de la creation, les chansons de tradition orale servaient aillustrer tm contexte bien canadien. Laforte nous rappelle que les principaux vecteurs de la chanson de tradition orale ant ete les eoureurs des bois et les canotiers: Ie rythme de la rame correspondait au premier temps de la mesure, alors que la melodie et les paroles permettaient d'aller plus loin que 1-2-3-4, et servaient adormer du courage. C'est dans cette perspective que Louis Frechette, Honore 120 LETTRES CANADIENNES 1995 Beaugrand, Henri-Raymond Casgrain et Octave Cremazie ont tour atour employe la chanson dans leurs ecrits. Laforte constate ensuite qu'il y a une deuxieme etape dans Ie processus de reconnaissance de la chanson de tradition orale chez les ecrivains. En se faisant collectiOImeurs de chansons, ces derniers ouvrirent la voie aI'etude de la chanson comme phenomene folklorique. L'auteur cite Gerard de Nerval qui s'indigne de voir que l'on publie les chansons de Bretagne et d'Aquitaine alors que rien n'est fait du cote «des vieilles provinces aus'est toujours parle la vraie langue fran~aise». Ce souhait general chez les gens de lettres se traduisit par la formation en 1850 d'un organisme gouvememental appele «Ie Comite de la langue, de l'histoire et des arts de la France)}, Comite qui avait dec1enche des recherches dans toutes les provinces. Mais c'est la lourdeur administrative de ce Cornite qui a oblige des romanciers comme Champfleury a prendre les choses en mains. En effet, les ecrivains realistes decrivant les mCEurs populaires ne pouvaient guere attendre plus longtemps pour mettre «des chansons sur les levres de leurs personnages». La compilation de Champfleury, intitulee Chansons populaires des provinces de France, en donnant au recueil une disposition geographique, accreditait la theorie realiste des origines locales de la chanson populaire. De la meme maniere, plus de trois cents recueils ont ete publies durant la deuxieme partie du XIX e siecle. De toutes ces tracasseries administratives generees par Ie Comite, ressort neanmoins ce qui semble etre Ie premier livre de nature theorique sur]a chanson francophone. Instruction, !edige par Ie fils du celebre Ampere, cherchait aclasser les differents types de «poesie populaire» avant meme toute compilation.Et c'est inspires de eet essai que des travaux ont aussi efe entrepris au Canada fran<;ais: «[A]insi dans Ie Bas-Canada, vivent encore d'anciennes chansons, heritage fidelement garde sous la domination etrangere et que nous avons droit de revendiquer». Selon Laforte, c'est Hubert LaRue qui aurait Ie plus utilise les Instructions d'Ampere. Durant la periode du Comite cependant (vingt-cinq ans environ), Laforte remarque que pres de dix-sept recueils manuserits ont eM constitues sur la chanson canadienne. Ernest Gagnon, digne suecesseur de La Rue, ajoutera pour sa part, dans Chansons populaires du Canada, quelques considerations sur la musique elle-meme. nest interessant de noter ici que Gagnon ne se perdait guere dans quelques rangs de campagne pour consigner les chansons. Ainsi, de eel€~bres personnages de la litterature canadienne ant pu servir d'«enregistreuse » au chercheur:« Philippe Aubert de Gaspe chante deux chansons, Antoine Germ-Lajoie, deux, Joseph-Charles Tache; deux, Hubert LaRue, tUle. Du cote de la politique, Laforte note que l'Honorable Georges-Etienne Cartier chante une variante des Trois beaux canards de I'Outaouais. L'CEuvre de Gagnon a connu la notoriete autant en Francequ'au Canada. Alors qu'en France, c'est Weckerlin qui applaudit, au Canada, c'est l'auteur d'Un SCIENCES HUMAINES 12.1 Canadien errant, Gerin-Lajoie, qui declare que s'il devait n'emporter qu'un seullivre, ce serait Chansons populaires du Canada. Enfin, selonConrad Laforte, grace ala possibilite nouvelle de I'enregistrement (le cylindre en eire), Marius Barbeau a pu prendre la releve du travail de Gagnon, et cela, a une toute autre echelle. Car Ie travail de Chansons populaires du Canada, del'aveu meme de son auteur, n'avaitrien d'exhaustif. Laforte donne pour preuve les dix mille chansons recueillies par Barbeau. Mais Laforte s'arrete la, nous ne sommes plus au XIX e siecle. II s'agit done d'un travail fort eclairant sur les debuts de l'elude de la chanson populaire dans la francophorue. nest interessant deconstater que ce sont des ecriv'ains et non des musiciens qui ont d'abord manifeste de i'interet pour la chanson. Deja a I'epoque, on sentait Ie besom de clarifier i'objet d'une recherche sur la chanson, un domaine d'etude complexe qui requiert encore aujoud'hui l'apport de specialites dont Ia mise en commun reste a preciser. (MAURICE LAMOTHE) Nicole Guilbault, II etait centlois fa Corriveau: anthologie Quebec, Nuit blanche editeur, coil. Terre americaine, 192 p. Evelyne VoIdeng, Les Memoires de Ti-Jean: espace intercontinental du heros des contes jranco-ontariens Vanier (Ontario), Les Editions l'Interligne, 1994, 165 p. Deux livres font Ie point stU deux themes de Ia tradition orale. L'un de ces ouvrages, 11 etaz't cent fois la Corriveau de Nicole Guilbault, presente une tradition narrative du· champ de la legende; Les Memoires de Ti-Jean d'Evelyne Voldeng porte sur une tradition narrative qui se rattache au conte. Dans II etait cent fois Ia Corriveau, Nicole Guilbault publie des versions orales, des adaptations litteraires, des recits «satellites» ainsi que des etudes sur la legende de la Corriveau dont Ia premiere partie de celle que Luc Lacourciere publia dans Les Cahiers des Dix. Ces textes sont autant de temoignages sur la vitalite narrative de ce qui fut en son temps un fait divers qu'ontsans cesse repris la tradition orale, l'institution litteraireet des instances academiques. Marie-Josephte Corriveau, victime de ia violence de son epoux, en est venu a I'assassiner. Elle S' inscrit ainsi asa maniere dans la grande geste violente des heros populaires qui doivent affronter puis eliminer des forces qui les entourent, les attaquent et menacent de les ecraser. Le proces de «La Corriveau», sa condamnation amort,sa pendaison et surtout l'exposition .de son cadavre dans une cage de fer ont frappe l'imaginaire collectif mais, de tous ces recits, je retiens surtout Ie fait que, dans la culture traditionnelle, elle prend la figure de celle gui a rejete «l/ordre» et menace ainsi la ...

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