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114 LETTRES CANADIENNES 1995 l'oppose a Pierre Elliott Trudeau sur Ie «dilemme contemporain» de la societe quebecoise, ecartelee selon l'historien entre les nationalismes canadien et quebecois. lei, Brunet delaisse toute retenue scientifique pour s'enflammer contre celui qui «s'imagine en toute naIvete [...] l'homo canadiensis de l'avenir». Le debat E!ntre les deux adversaires se ponctue au rythme de violents pamphlets au les attaques ad hominem pleuvent de part et d'autre, l'un vouant aux gemonies «le faux play-boy de 1968-1969» cachant «Ie Torquemada et Ie Fouquier-Tinville de 1970» (Brunet), l'autre fustigeant «l'incompetence totale» du «professeur d'histoires» (Pierre Elliott Trudeau, Le federalisme et la societe canadienne-franfaise). En adoptant une deontologie de l'impartialite dans la reconstitution du passe, l'historien doit se premtmir contre Ie risque de l'ideologie, hlt-elle enveloppee sous des oripeaux nationalistes ou autres. Cette prevention, Une histoire du Quebec. Vision d'un prophete et Le Quebec ala minute de verite ne }'observent pas vraiment. Neanmoins, Ie praticien de l'histoire,meme s'il ne s'interesse pas ala pensee nationale, peut apprecier 1a pertinence et la resonance contemporaine des membres de l'Ecole historique de Montreal. Apres tout, au moment ause met en branle un regroupement passeiste pronant une « national history ofCanada», dont les pleureuses, sous Ie couvert du panegyrique des grandes ames, regrettent la fragrnentation de la discipline sous les coups des nouvelles approches historielUles, il est bon de tirer un enseignement des Seguin et Brunet. Pour concIure, une derniere remarque. Dans toute reedition, les prefaciers se doivent de presenter l'CEuvre dans son contexte historique et Jitteraire, puis d'en relever l'importance, les qualites et les 1acunes. Aussi, dans ces cas-ci, est-il perris de s'interroger sur Ie choix des deux prefaciers, les exministres Marcel Masse et Denis Vaugeois. Ces derniers se livrent ades plaidoyers pro domo de leurs engagements politiques et ades amalgames ideologiques pour Ie moins douteux quoique, asa decharge, Masse tente quelque peu de placer l'ceuvre de Brunet dans Ie cadre des querelles historiographiques des annees 1950. Mais, afin de mieux saisir leur dimension scientifique et ideo1ogique, les travaux des deux historiens auraient merite mieux que leur recuperation a des fins partisanes. Souhaitons que les editeurs feront des choix plus pertinents al'avenir. (MARTIN PAQUET) Peter W. Halford, Le franrais des Canadiens ala veille de Ia Conquete: Temoignage du pere Pierre Philippe Potier, S. ]. Ottawa, Les Presses de l'Universite d'Ottawa, colI. Amerique fran~aise, 1994, XVI-380 p., 58$ L'ecole de philologie gallo-romane de l'Universite de Strasbourg a exerce une grande influence sur l'etude du fran<;ais canadien. Les liens forges par Georges Straka ont amene as'y former des linguistes canadiens eminents: SCIENCES HUMAINES 115 on pense notamment aux principaux artisans du Dictionnaire du franfais que'becois, Marcel Juneau et Claude Poirier. Dans la continuite de cette relation privilegiee, il convient de saluer la these de P. W. Halford, dirigee par Claude Buridant, qui vient de paraitre sous une forme remaniee, mettant Ie fruit de ses recherches a la portee de tous ceux qui s'interessent a l'histoire de la langue fran<;aise en generall a celie du fran<;ais en Amerique du Nord en particulier. " S'inspirant, entre autres, des methodes du Tresor de la langue fran~aise au Quebec et du Franzosisches etymologisches Worterbuch de Walther von Wartburg, Halford procure une edition diplomatique et fait une analyse linguistique complete et fine d'lUl manuscrit, detenu par la Bibliotheque municipale de Montreal, de Pierre Philippe" Potier, Fafons de parler proverbiales, triviales, figurees, etc., des Canadiens au XVIIf siecle. Pere jesuite beige, Potier passa pres de guarante ans, de 1743 jusqu'a sa mort en 1781, dans des missions hurormes du sud-ouest de l'Ontario, dans 1a region de l'actuelle ville de Windsor. Premier lexicographe du fran<;ais parle en Nouvelle-France, Potier note dans ses cahiers tout ce qu'il entend ou lit cornrne mots et expressions interessants; ses sources sont tres diverses: «II consigne aussi bien Ie vocabulaire des paysans que celui des militaires et des gouvernants, le vocabulaire des femmes de mceurs legeres figure en aussi bonne place que celui des menageres et Ie latin du savant confrere jesuite cotoie Ie franc;ais du mac;on et de l'engage.» Les differentes parties de l'ouvrage sont les suivantes: Introduction l 'auteur,le rnariuscrit, les editions partielles publiees, les appreciations du manuscrit, notes sur la transcription (1-16); Edition diplomatique et notes (17-141); Etude linguistique - aspects phonetiques, aspects rnorphologigues et syntaxiques, datations, jesuitismes et expressions 1atines, emprunts aux langues amerindiennes, archaYsrnes et regionalismes (143-306); Appendices - sources orales declarees, sources ecrites (309-322); References bibliographiques (325-338); Regroupement onomasiologique des mots et expressions l339-349)i Index alphabetique (351-380). Tous ces materiaux, soigneusement controles dans les ouvrages de reference, enrichissent notre connaissance du franc;ais parle en NouvelleFrance au XVIIl e siecle, comme ils informent aussi notre comprehension du fran<;ais canadien d'aujourd'hui. nfaut mentionner enparticulier}'originalite du releve des jesuitismes, rubrique inhabituelle dans les descriptions linguistiques; a la difference de ses il1ustres predecesseurs Iexicographes jesuites - on pense a Pierre Marquis, Jacques Voulner, Philibert Monet, Fran<;ois-Antoine Pomey, Pierre Danet, Joseph Joubert (autorite nommee par Potier) et aux reverends peres de Trevoux -, Potier recense Ie jargon de ses confreres, vocabulaire teinte de latinismes - n'oublions pas que les Jesuites furent les grands enseignants du fran<;ais et du latin aux xvne et XVIll e siecles - et exprimant leur vie quotidienne en Amerique du Nord. Alors que Marquis (Grand dictionaire franfois-Iatin, 1609) parle de college, 116 LETTRES CANADIENNES 1995 collegial, collegiat, convers, freres laics, freres servants en Religion, oblats, freres donnez, freres coadjuteurs temporels, Potier, lui, parle de fondation du College, du «beurre qi [sic] sect aux fritures» ou des adjutorions d'un chasuble. Le manuscrit rend sa rnoisson de nouvelles datations, chose presque inevitable dans l'etat actuel du depouillement de textes, qui reste dans l'ensemble artisanal, et du petit nombre de textes fran<;ais informatises et mis a1a disposition de 1a communaute des chercheurs (1a fameuse base Frantext/ARTFL ne contient quasiment aucun inedit, alors que les bibliothegues murucipales en regorgent). La pierre apportee al'edifice par Halford est donc d'autant plus precieuse; on espere que Ie texte sera mis en ligne. Vne remarque sur )'utilisation des ouvrages de reference: il faut toujours rester critique lorsqu'on se sert du FEW. Les formules definitoires de ce dictionnaire manquent d'Wliformite, puisqu'elles sont majoritairement reprises telles queUes dans les differentes sources metalinguistiques, ce qui rend impossible une vue d'ensemble du lexique. C'est ce qui explique les«ruptures» dans Ie traitement d'un mot comme debiter: Ie sens de «decouper en rnorceaux prets a etre employes)} reste Ie meme entre Ie XIV e et Ie XVIlIe siecles; ce sont les cooccurrents du verbe qui ne sont attestes que progressivement: bois au XIve siecle, pierre au xvne siec1e, viande par Potier. Pourlegation,le point de comparaison n'est pas I'usage ecclesiastique, mais l'usage diplomatique general- different de celui que l'on ne trouve pas avant Ie xvne siecle - atteste depuis Ie XVIIl c siecle et illustre, entre autres, par 1'ambassadeur lexicographe Nicot en 1606 s. v. ambassade: «5e prend quelquefois pour la Legation, charge et instruction d'un Ambassadeun). On ne peut que se rejouir de voir paraitre une nouvelle manifestation de l'exemplaire philologie canadienne. L'ouvrage de Halford est un modele de son genre et rendra de grands services a. tous ceux qui s'interessent a l'hi.stoire de la langue fran<;aise. (RUSSON WOOLDRIDGE) Bernard Andres, Principes dlliitteraire au Quebec (1766-1815) Cahiers de I'ALAQ, nO 2, ete 1993,65 p., 8$ Fortunes & infortunes d'un dandy canadien, Pierre-Jean de Sales Laterriere Cahiers de l'ALAQ, nO 3, hiver 1994, 87 p., 10$ En quete d'origines, Cahiers de I'ALAQ, nO 4; ete 1995, 110 p., 12$ Les assises theoriques de «L'archeologie du litteraire au Quebec» (ALAQ) reposent surles conceptions de Michel Foucault exposees dans L'archeologie du savoir, dont Bernard Andres reprend la problernatique, la demarche et la terminologie. Selon la perspective foucaldienne, les rnembres du projet entendent se livrer a l'analyse des «artefacts scripturaux» dans leurs formations discursives, c'est-a.-dire les «regles de composition, [iles contraintes, Il]es lois plus au moins tacites d'enonciation» remises en contexte (Cahiers de l'ALAQ, nO 2, ete 1993, «Presentation»). Ces premieres ...

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