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THEATRE 35 Theatre MARIEL O'NEILL-KARCH Dans Ie theatre quebecois contemporain, Ie langage dramatique joue de nouveau, depuis quelques annees deja, un role de premier plan dans la production du sens, sans recourir necessaiIement au joual pour se dormer une specificite. Ce langage se rnanueste sous plusieurs formes, notamment Ie monologue, longtemps banni du theatre dit realiste, et la fragmentation dialogique qui enfremt la regIe conversationnellede I'alternance. Ces ecarts . de la norme font que1a parole devient action chez nos dramaturges et, chez les meilleurs, a travers un systeme de repetitions et d'echos, elle se transforme aussi en poesie. !oie (Remue-menage, 13,95$), monologue-recit de Pol Pelletier, cree en 1992, est fonde sur l'urgence de dire, de seraconter, de fairerevivre autant les grands moments createurs que les echecs du feminisme theatral au COUfS de la decermie 1975-1985. Structure comme une improvisation transformationnelle , ce monologue resolument dialogique, puisqu'il engage un discours direct avec Ie public, est plurivocal, vehiculant dans sa trame narrative des fragments dialogues des nombreux spectacles auxquels Pol Pelletier, cofondatrice du Theatre experimental de Montreal, puis du Theatre experimental des femmes, a participe en tant qu'interprete, metteure en scene et auteure. Dans ce spectacle auto-referentiel,l'auteure, de son aveu, «cherche ferocement a [nous] emouvoir» afin que nous soyons, comme elle, dynamises, energises et assez profondement transformes pour retrouver l'espoir des annees 1970. Pol Pelletier, qui refuse de ceder ala tentation du repertoire, croit au pouvoir revolutionnaire d'«un art poptilaire dont on a besoin pour vivre)). Au debut de The Dragonfly of Chicoutimi (Les Herbes rouges, 12,95$), Larry Tremblay fait dire ason unique personnage, Gaston Talbot, qu'il desire, plus que toute autre chose, se fondre dans Ie decor ambiant. Etre comme les autres. Comme I'Autre. Comment y parvenir, en cette fin de siecle? En parlant anglais. C'est donc dans cette langue, en passe de devenir universelle, que Ie natu de Chicoutimi livre, apres quarante annees de silence total, ses obsessions, ses reves, ses traumatisrnes dans un monologue complexe auIe transcodage cree une situation artificielie, distanciee, justifiant/re£lechissant les nombreux mensonges emaillant Ie recit. Que s'est-il passe pour que Gaston Talbot se taise si longtemps? Qu/il en perde, litteralement, son franc;ais? Peu apeu il nous revele que Pierre Gagnon, un de ses cornpagnons de jeu, a naguere eM trouve mort dans 1a riviere aux Roches, derriere sa maison. La derniere version - mais est-ce la bonne?Iaisse entendre que Pierre jouait, ce jour-la, Ie role de cow-boy tandis que Gaston, nu, faisait Ie cheval. Pierre lui dormait des ordres, en anglais (est-ce la une des clefs de ce drame?), jusqu'a ce que Gaston ruat, faisant basculer 36 LETTRES CANADIENNES 1995 Pierre, 1a tete 1a premiere, contre les roches au fond de la riviere. S'il est difficile de departager les faits concernant cette chute fatale, il est facile de comprendre que les multiples problemes eprouves par Gaston remontent a plus loin. Dans un reve tres developpe au il se voit fragmente, eclate cornme un tableau cubiste de Picasso, Gaston se transforme enfin en libellule (dragonfly) et devore sa mere, 1a tete la premiere, repas incestueux soulignant Ie lien entre la disparition voulue/crainte de sa mere et celle de sa langue maternelle. Pourtant, si les mots utilises par Gaston sont anglais, la syntaxe est souvent fran~aise, comme quoi I'ecran qu'il tente d'eriger pour cacher son identite est mal tisse, trow~ comrne ses reves, comme sa vie. Jean-Fran~ois Caron brouille 1a frontiere entre monologue et dialogue dans Aux hommes de bonne volonte (Lemeac, 1994, 11,95$) en nous faisant assister ala lecture, faite par un notaire devant la famille de son auteur, du testament de Jeannot Vautour, quinze ans, victime autant sinon plus du«manke damour» que du sida. Jeannot, toujours pret, selon les temoignages , a risquer sa vie pour se faire remarquer, continue, au dela de la mort, de queter l'amour de ses proches en dialoguant avec eux. Car c'est bien de dialogue qu'il s'agit ici, Jeannot ayant anticipe les repliques et jusqu'aux moindres reactions...

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