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JACQUES ALLARD Les Lettres quebecoises depuis 1930 Tracer un panorama de nos lettres depuis cinquante ans ne va pas sans peril. On se butte d'abord aux contraintes meme du genre qui ne saurait assurer la place necessaire a un veritable travail d'histoire litteraire dont nous avons pourtant encore Ie plus grand besoin. je songe en particulier Ii l'etude de toute I'lnstitution qui seule pourrait nous permettre une analyse des conditions de developpement et d'evolution de notre production litteraire. II y a ensuite les limites inherentes au temoignage: Ie mien en vaut sans doute beaucoup d'autres, pareillement ordonnes par Ie hasard de l'enseignement et de recherches ponctuelles dont la synthese me parait encore risquee. je ne propose donc ici qU'une lecture provisoire en ne me dissimulant pas que la modestie inaugurale de mon propos a probablement partie liee avec la perspective forcement cavaliere ou je me laisse entrainer. Que faisions-nous donc en ces temps nationalistes (jusqu'au fascisme auquel n'echappait pas Ie guide nationallui-meme, Ie chanoine-historien Lionel Groulx), en cette epoque de crise economique ou nous reporte notre propre actualite? Nous produisions justement beaucoup de critiques , sans doute davantage que de romanciers et de poetes. Ce fut Ie temps de l'accomplissement esthetique de notre roman paysan en meme temps que nos premiers pas vers Ie realisme avec Un homme et son peche de Claude-Henri Grignon (1933), Trente arpents de Ringuet (1938) et Les Engages du Grand Portage (1938). Du cote de la poesie, Alfred Desrochers avait deja publie son meilleur recueil (A l'ombre de l'Orford, en 1929); Robert Choquette apportait la fra!cheur de son romantisme tout en passionnant les auditeurs de Radio-Canada avec ses radio-romans (La Pension Leblanc et Le Cure de village; Les Velder viendront en 1941). Gratien Gelinas lans:ait ses Fridolinades, Ii la radio lui aussi (1937). Sur Ie terrain de la critique, Ie grand maitre, consacre par une ceuvre deja considerable, est Mgr Camille Roy. Apres avoir fonde les etudes quebecoises Ii Laval, il en est devenu maintenant Ie recteur. Et sa bonne prose (a la Brunetiere) fait des vagues jusqu'a la Sorbonne ou il va livrer cinq conferences (en 1933) sur notre litterature, pendant que son ceuvre (son Manuel, en particulier) continue de guider les bans eleves. Maurice Hebert est de ceux-Ia qui prodiguent les bans conseils sans avoir Ie souffle du maitre. Je lui prete tout de meme l'oreille quand il parle en 1936 du 'sort des ecrivains et des artistes au Canada fran~ais: dans son troisieme et dernier essai, Les Lettres au Canada /ran,ais .' Apres avoir affirme que 'Ies peuples sans art et sans litterature n'ont pas d'histoire: il s'interroge sur Ie destin que connaitrait, 'sous nos neiges,' Homere, Virgile, Peguy, Claude!, Valery. Notre milieu n'est pas propre selon lui a l'eclosion du genie qui servirait notre survie. Et de faire Ie decompte de la clientele nationale: aux trois millions d'habitants du Quebec d'alors il annexe les deux millions d' 'exiles' canadiens et americains. Et dans ces conditions precaires, I'indulgence est necessaire ala critique, car la 'place au Canada pour la beaute artistique et litteraire est mesquinement mesuree': pas de collections d'art chez les riches, ceux-Ia memes que J.-c. Harvey appelle 'Ies demi-civilises" en 1934; pas de respect de nos edifices chez les cures comme chez les autres. Pis: nous avons mains de bibliotheques que les 'Anglais' (on n'est pas loin de la declaration recente de notre ministre des Affaires culturelles). Plus encore: sans les achats gouvernementaux , les editeurs et les ecrivains 'tomberaient: II devient decidement difficile d'eviter Ie rapprochement avec notre epoque: notre litterature etait deja bien entretenue. Pourquoi? Hebert releve notre suffisance, Ie manque de curiosite intellectuelle, Ie nivelage par Ie bas. Et puis, nos ecrivains n'ont que des gagne-pain: Ie journa!isme et Ie fonctionnarisme. Le premier donne au mieux des economistes (comme Edouard Montpetit ?), des polemistes pamphletaires (Grignon?) et des auteurs d'articles (Hebert lui-meme?). Quant au fonctionnarisme, il desseche par ses routines et, comme Ie journalisme avec ses...

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