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  • Les Bas-fonds: histoire d'un imaginaire by Dominique Kalifa
  • Edward Ousselin
Les Bas-fonds: histoire d'un imaginaire. Par Dominique Kalifa. (L'Univers historique). Paris: Seuil, 2013. 395395 pp.

Sous divers noms—la Cour des Miracles, les taudis, les bas quartiers, la zone et bien sûr les bas-fonds — les lieux où se réunissent les réalités de la misère sociale des grandes villes suscitent depuis longtemps crainte et fascination, horreur et curiosité, donnant naissance à tout un imaginaire rapidement relayé par la littérature (et plus tard par le cinéma). Dominique Kalifa signale l'apparition en 1840 chez certains auteurs (dont Balzac) du terme 'bas-fonds' dans son sens social (il s'agissait à l'origine d'un terme topographique ou maritime). L'extraordinaire popularité des Mystères de Paris (1842-43) d'Eugène Sue va diffuser à l'échelle nationale puis internationale une représentation des bas-fonds en tant que lieux où se rassemblent la pauvreté, le vice et le crime. S'ensuivront d'innombrables textes qui fixeront des images largement répandues et en grande partie fantasmatiques, images reprenant la thématique biblique de la chute et comportant plusieurs caractéristiques stylistiques communes: 'C'est l'univers du gras, du sale, de l'excrément, du scatologique' (p. 43). Reflet renversé et perverti de la société légitime, les bas-fonds, peuplés de mendiants et de marginaux, de prostituées et de criminels, concentrent également les anxiétés et les angoisses face aux risques de désordres sociaux. Les bas-fonds sont ainsi inséparables de la menace sociopolitique (ou de la potentialité révolutionnaire) que constitue le développement des 'classes dangereuses', pour reprendre le titre célèbre de Louis Chevalier. L'étude de Kalifa confirme la hantise que les bas-fonds, lieux de prédilection de la pègre et de la bohème, mais aussi lieux de subversion sociale et morale, pourraient servir de terreau à un délitement ou un renversement plus vaste: 'l'avènement des bas-fonds est alors inséparable des craintes ou des espoirs d'un bouleversement radical de l'ordre politique' (p. 122). Avec le temps et l'accumulation des textes littéraires consacrés aux bas-fonds, le réflexe de la peur se double d'une attirance, l'ambiance putride des quartiers mal famés n'empêchant pas l'émergence d'une poésie morbide qu'on cherchera à observer directement. Le Chapitre 6 est consacré à la 'tournée des grands-ducs'. Le sens de cette expression ayant changé (comme le montre le film portant ce titre, tourné en 1952), Kalifa rappelle qu'il s'agissait à l'origine d'une visite des bas-fonds parisiens par des aristocrates avides de pittoresque et en quête d'un frisson délicieusement crapuleux. Bien que consacré surtout au contexte français, et au cas emblématique de Paris, Kalifa illustre souvent son propos à travers des comparaisons avec les bas-fonds d'autres centres urbains en Europe ou en Amérique. Dans la troisième partie de son analyse historique, Kalifa examine 'l'affaissement d'un imaginaire' au cours de la deuxième moitié du vingtième siècle: 'Les évolutions sociales et politiques, l'essor de l'É tat providence, les mutations des pratiques criminelles engagent les sociétés occidentales à considérer différemment leurs marges et leurs transgressions' (p. 272). Aux bas-fonds d'autrefois ont succédé l'underclass ou d'autres termes désignant plus ou moins adéquatement les nouvelles réalités de la pauvreté et de l'exclusion. Solidement [End Page 442] documenté, écrit d'un style limpide et courant, le livre de Kalifa, aux ramifications littéraires, culturelles et sociologiques, intéressera les chercheurs de plusieurs disciplines.

Edward Ousselin
Western Washington University
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