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  • La restauration des peintures à Paris (1750–1815). Pratiques et discours sur la matérialité des œuvres d’art by Noémie Étienne
  • Séverine Sofio
Noémie Étienne. - La restauration des peintures à Paris (1750–1815). Pratiques et discours sur la matérialité des œuvres d’art. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, 353 pages. Préface de Maura Natale. Postface de Dominique Poulot.

Comme ce fut le cas pour l’histoire des collections ou l’histoire de l’histoire de l’art il y a quelques années, l’histoire de la restauration connaît un développement soudain. Initiée dès les années 1950 par Gilberte Émile-Mâle (1912–2008), qui fut [End Page 137] longtemps à la tête du service des restaurations du musée du Louvre 18, l’histoire de la restauration des peintures est peu à peu investie par différents spécialistes, au carrefour de l’histoire des arts et de l’histoire des goûts, de l’histoire des politiques culturelles et de l’économie de l’art, de l’histoire culturelle et de l’histoire des sciences, mais aussi de la sociologie de la culture ou des professions 19.

L’ouvrage de Noémie Étienne, qui propose une histoire de la restauration à un moment-clé de son émergence comme profession, se situe au cœur de l’intérêt interdisciplinaire pour ce nouveau champ de recherche. Dans ce livre, tiré d’une thèse en histoire de l’art récemment soutenue (2011), N. Étienne joue avec les échelles, depuis l’étude « micro » de la configuration d’un atelier de restaurateurs autour des années 1760 et de la division (sexuelle et générationnelle) du travail qui y est pratiquée, jusqu’à l’analyse « macro » de la réception par le public lettré des œuvres restaurées et exposées en tant que telles sous l’Ancien Régime puis au tout début du XIXe siècle. L’auteure place au centre de son ouvrage la question de « la matérialité des œuvres », mais précise qu’elle n’aborde ni la création ni ses processus qui font de l’œuvre une fin (dans le double sens d’objet fixe et terminé, ou de finalité ultime) : les œuvres sont ici conçues comme des « objets instables », des artefacts « dynamiques » dont les valeurs symboliques et matérielles sont à la fois évolutives et inextricablement « enchevêtrées » (p. 14–15).

La restauration est définie par N. Étienne comme « l’ensemble des manipulations transformant l’œuvre d’art, qu’elles soient destinées à en éviter la destruction ou à en améliorer l’état esthétique » (p. 13). Elle fait débuter sa recherche autour de 1750, au moment où l’activité des restaurateurs, jusqu’alors relativement invisible (car pratiquée hors corporation et sans règles particulières), commence à s’institutionnaliser, et la clôt – sans que la raison en soit vraiment expliquée – avec la chute de l’Empire. Le livre s’articule en trois parties : la première traite de l’activité et du statut des restaurateurs ; la deuxième concerne la pratique de la restauration, l’évolution des techniques et des méthodes révélant une évolution concomittante des manières de percevoir l’œuvre ; dans la troisième, enfin, l’auteure s’intéresse aux expositions des toiles restaurées, et à leur réception par le public.

Le XVIIIe siècle est un moment d’essor de l’intérêt pour les beaux-arts, donc du commerce des œuvres. Le nombre de propriétaires de tableaux augmentant, la demande en matière de restauration croît également, d’où une visibilité accrue de cette activité pour les contemporains. Au début de la période, l’activité de restaurateur, fortement liée au commerce, n’a pas bonne réputation. Généralement, ceux qui restaurent les œuvres « sont à la fois marchands, experts, copistes ou artistes peintres » (p. 29). La restauration de tableaux, en outre, se caractérise par « une pratique en réseau », facilitée par une cartographie dense et resserrée des (principaux) ateliers où elle se...

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