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  • Les galeries d’art contemporain à Paris. Une histoire culturelle du marché de l’art, 1944–1970 by Julie Verlaine
  • Sophie Cras
Julie Verlaine. - Les galeries d’art contemporain à Paris. Une histoire culturelle du marché de l’art, 1944–1970. Paris, Publications de la Sorbonne, 2012, 576 pages.

Comment les « marchands de tableaux » parisiens de l’après-guerre, volontaristes et pragmatiques, rompus aux techniques commerciales et convaincus de leur mission de prescripteurs du nouvel art mondial, sont-ils devenus les « galeristes » des années 1970, ces professionnels polyvalents en prise à la concurrence internationale et à la nécessité d’adaptation constante à un art et à un marché toujours plus protéiformes ? Quel rôle cette profession en pleine mutation a-t-elle joué dans le paysage artistique français et international des années 1940 à 1960 ? Telles sont les questions auxquelles s’attelle l’ouvrage de Julie Verlaine, né de son importante thèse de doctorat soutenue en 2008. Appuyée sur un vaste corpus d’archives souvent inédites, son étude synthétique, conduite sur un échantillon d’une cinquantaine de galeries parisiennes d’art contemporain, lève le voile sur une profession réputée secrète, entretenant l’opacité sur ses conditions d’exercice, et par là même sujette aux mythifications aussi bien qu’aux préjugés.

La première partie retrace la montée en puissance des galeries d’art parisiennes, de la Libération jusqu’aux années 1950. Elle montre que leur dynamisme s’appuie d’abord sur la reprise amorcée dès 1941–1942 grâce à la « prospérité de pénurie » dont jouit le marché de l’art sous l’Occupation. L’euphorie de la Libération et la foi partagée en la nécessité du redressement du marché de l’art parisien donnent un sentiment de cause commune à une profession peu ébranlée par les velléités d’épuration. Les « années héroïques », de 1944 à 1952, voient le passage du relatif consensus d’après-guerre, où des expositions éclectiques mêlaient à l’envi un nombre croissant d’artistes contemporains, aux violentes querelles de « clochers » des différentes mouvances de l’abstraction et de la figuration parisiennes. Les galeries se spécialisent, tissent d’étroites relations avec critiques, revues et salons pour défendre la cause d’un groupe d’artistes désormais distinctement identifié. Elles sont au cœur des affrontements esthétiques, idéologiques et critiques qui structurent la scène artistique et assurent son effervescence et sa vitalité malgré le manque de capitaux.

Le début des années 1950 marque au contraire le commencement d’un cycle de forte expansion économique durant lequel les marchands tirent les bénéfices financiers de leurs efforts de promotion et de valorisation de l’art contemporain. La deuxième partie de l’ouvrage, sans doute la plus ambitieuse et la plus convaincante, dresse ainsi un panorama synchronique de l’activité des galeries d’art contemporain parisiennes à cette période. Entre études de cas individuels et généralisations statistiques, elle constitue un portrait-robot du profil sociologique du marchand d’art parisien, décrit son parcours de carrière ainsi que sa pratique quotidienne. Les stratégies d’implantation géographique, de définition du public et de construction d’un lien contractuel avec les artistes sont analysées, et permettent de proposer des typologies éclairantes. Le rôle de la galerie dans son accompagnement de l’artiste, depuis sa première exposition jusqu’à son affiliation, sa légitimation et sa consécration, est mis en avant dans sa dimension impérativement relationnelle, le marchand étant avant tout à l’interface avec les autres acteurs et instances du monde de l’art. Une ombre pèse cependant sur ce tableau d’un système de galeries efficace et bien [End Page 127] rodé : la rhétorique de la consensuelle « école de Paris », appellation essentiellement publicitaire qui a succédé aux querelles critiques des années précédentes, participe d’un modèle homogénéisant et exclusif, fondé sur l’exportation, où l’art parisien est considéré comme devant donner le ton...

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