In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Tours et détours: le mythe de Babel dans la littérature contemporaine Par Catherine Khordoc
  • Edward Ousselin
Tours et détours: le mythe de Babel dans la littérature contemporaine. Par Catherine Khordoc. Ottawa: Presses de l’Université d’Ottawa, 2012. x + 272 pp.

Le point de départ de Catherine Khordoc est que, si l’on en juge par le nombre de productions littéraires récentes qui retranscrivent ou reformulent l’énigmatique récit biblique, ‘Babel connaît certes un nouvel âge d’or en ce début du xxie siècle’ (p. 19). Le mythe de Babel est également en adéquation avec des thématiques ou des tendances littéraires actuellement importantes (l’hybridité, le multiculturalisme, la Créolité, la ‘littérature-monde’), ainsi qu’avec des mouvements culturels, même si un exemple choisi par l’auteure paraît déjà dépassé: ‘Le mythe de Babel serait-il le symbole par excellence du post-modernisme?’ (p. 57). Après un chapitre initial, consacré à une tentative de définition littéraire du mythe de Babel ‘toujours en construction’, Khordoc analyse dans chacun des chapitres suivants une œuvre et un auteur marqués par la rencontre et quelquefois la transcendance des frontières linguistiques et culturelles: L’Algarabie (1981) de l’écrivain franco-espagnol Jorge Semprún; Babel, prise deux, ou, Nous avons tous découvert l’Amérique (1990) de Francine Noël, qui reconfigure le mythe de Babel, avec la ville de Montréal pour cadre; Ainsi parle la tour CN (1999) de Hédi Bouraoui, écrivain canadien d’origine tunisienne; Babel-Opéra (1989) de Monique Bosco, écrivaine québécoise d’origine autrichienne; et Tambour-Babel (1996) d’Ernest Pépin, écrivain guadeloupéen lié au mouvement de la Créolité. Comme pour chaque projet de catégorisation littéraire, le mythe de Babel pose la question de ses limites: toute œuvre littéraire qui aborde la thématique des contacts, conflictuels ou non, entre différents groupes linguistiques et culturels entrerait-elle dans une typologie que l’on pourrait appeler ‘babélienne’? Khordoc précise dans son Introduction que son corpus est constitué d’œuvres faisant un ‘renvoi explicite à Babel’ (p. 20). Il s’agit donc non pas d’examiner toutes les facettes d’une thématique qui s’annonce vaste et diffuse, mais de cerner, à travers un nombre limité de textes qui affichent clairement leurs références à Babel, les raisons pour lesquelles le récit biblique (marqué en particulier par les notions d’unité perdue et de dispersion) est devenu un mythe littéraire caractéristique de notre époque. La pluralité linguistique et culturelle, par opposition à une certaine nostalgie lancinante, néanmoins tenace et répandue, de l’unicité (réelle ou, le plus souvent, fantasmée), semble en effet caractéristique du monde contemporain. Cette pluralité informe et irrigue une grande partie de la production littéraire récente, tout au moins parmi de nombreux auteurs écrivant en français. En ce sens, le mythe de Babel est lui-même protéiforme, avec d’un côté l’espoir d’un enrichissement littéraire et culturel provenant d’échanges variés et constamment renouvelés, de l’autre, la crainte d’une perte identitaire dans des contextes culturels toujours mouvants et instables. Malgré les limites que s’est imposées l’auteure de Tours et détours, chacune de ses analyses des cinq textes qu’elle a choisis débouche nécessairement sur des interrogations plus générales relatives à l’étendue et l’emprise de la multiplicité linguistique (à la fois à l’intérieur et au-delà de l’aire francophone), aux effets que génère cette multiplicité sur l’ensemble de la production littéraire, ainsi qu’au niveau de validité du mythe de Babel en tant que métaphore ou symbole approprié pour refléter cette multiplicité.

Edward Ousselin
Western Washington University
...

pdf

Share