Abstract

L’œuvre romanesque de Gisèle Pineau met à mal une appréhension simpliste de la construction des sexes et de la maltraitance aux Antilles. La récurrence de la figure du “bourreau,” nom créole donné à l’homme maltraitant, et de celle de la “victime” fait ressortir le mal-être et la fragmentation d’une société antillaise en pleine dérive. La supposée dichotomie entre la victime et son agresseur s’avère complexe et trompeuse. Par exemple, l’individu maltraitant n’est pas toujours un homme. En fait, la dynamique des sexes et la mise en scène de la violence chez Pineau illustrent surtout à quel point le pouvoir colonial a endommagé le couple antillais si bien que l’homme de couleur embrasse souvent la perversion d’un idéal masculin hégémonique et violent, réminiscence de la vie sur la plantation. Et fréquemment, la femme antillaise partage cet idéal dont elle renforce l’existence. Les maltraitances sur le corps et la vie psychique ne remettent pas tant en question les personnages que leur environnement: un milieu post-plantationnaire où sévit l’expression délétère du pouvoir colonial ou de sa nouvelle incarnation faisant suite à la départementalisation. L’œuvre de Pineau apporte dès lors une contribution incontournable dans les études genrées et postcoloniales.

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