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LE NOUVEAU (nouveau theatre) FERNANDO ARRABAL* • A CARACAS comme it Tokyo, it New York comme it Moscou, Ie theatre est en pleine metamorphose. Ces derniers mois, pour assister it Ia creation de mes pieces, j'ai parcouru Ie monde et partout j'ai pressenti une meme renaissance de la scene: tout est en crise, semble-t-il, sauf Ie theatre. Vers les annees 50 it Paris, Ie theatre renouvelle l'art. Ionesco nous apprend it parler neo-espagnol avec sa Le<;on; en compagnie de Beckett nous attendons Godot et Adamov nous subjugue par ses grandes et petites manoeuvres. La surprise causee par ce theatre genial allait etre immense, mais les pieces furent releguees dans des salles microscopiques , les spectacles non subventionnes, ignores ou mal-aimes. Enfin vint Martin Esslin qui decida de regrouper l'oeuvre des trois auteurs en y adjoignant celles de Pinter, Genet, Albee et meme mes premieres pieces, sous un titre promis au succes: theatre de l'absurde. Le temps a passe, et il est curieux de constater que l'expression "c'est du Ionesco" s'applique it une conversation OU se melent authentiquement humour et confusion. De meme on dit "c'est du Beckett" lorsqu'il y a parfaite description d'un etat de misere physique et psychique. Le theatre "d'avant-garde;' ou "de l'absurde" n'est en fait qu'un theatre plus proche de Ia realite que Ie precedent, une realite OU s'eclairait Ia face secrete de nos instincts, de nos pulsions (la partie cachee de l'iceberg), qui n'avait jamais ete mise en lumiere avec autant de precision. * An English translation follows. The editor thanks Mrs. Barbara Kerslake for her assistance in editing this article and its translation. 215 216 FERNANDO ARRABAL Vers la fin des annees 60 on en vient a dire-propos assez insolites -que Ie theatre "decouvre Ie corps." J'ai assiste a divers symposiums sur ce theme. De quoi s'agit-il? Le principal moyen de communication qui, pour Ie theatre de l'absurde, avait ete Ie verbe, Ie texte, allait ceder Ie pas a un autre mode d'expression, l'image, Ie geste, donc, dans une certaine mesure, Ie corps. Ceux qui etudient ce theatre s'interessent aux spectacles du Living Theatre, de Grotowski, et aux miens. Tout commence avec les ephemeres paniques, avec U.S. de Peter Brook, les happenings americains de Jack Smith et de Vaccaro; surtout, avec Paradise now du Living et Ie Cimetiere des voitures monte par Victor Garcia, on allait assister a deux spectacles de choc qui feraient date. En pleine societe d'abondance, Ie poete, l'auteur, Ie metteur en scene se sentent portes vers la destruction, et comme ils pressentent que Ie monde va perir de surproduction, surpopulation et plethore, ils creent un theatre convulsif, parfaitement en accord avec l'epoque. C'est a ce moment que l'hysterie se' dechaine, que la parole entre en agonie. La plus haute figure illustrant cette tendance est celIe de Jack Smith: sa folie creatrice Ie poussera a monter des spectacles qui ne sacrifiant nullement a la mode, ne sont connus que d'une minorite, mais combien enthousiaste (citons Fellini). Pourtant on peut distinguer deux voies issues de l'oeuvre de. Smith: la voie mystique suivie par Bob Wilson et son "auto sacramental " muet, Le Regard du sourd et celIe qU'emprunte Vaccaro recreant Ie grand theatre du monde en en soulignant la decheance. Soudain, ces derniers mois, il semble que Ie dramaturge "recouvre la parole." QueUe ne fut pas rna surprise lorsque, a Tokyo, avant d'entrer dans la salle, j'entendis Terayama (auteur-metteur en scene) me conseiller d'ecouter la traduction de son texte. En effet Terayama, qui avait presente les spectacles "gestuels" les plus delirants, evoque tout a coup son enfance dans Cache cache pastoral, OU plusieurs poemes sont recites. Avant de monter rna derniere piece a New York, Vaccaro me propose egalement d'en faire un grand poeme de paix. Bob Wilson, apres son silencieux Regard du sourd, ecrit un opera "parle." Peter Brook, a la suite d'Orgast, OU la destruction domine, nous offre un limpide Timon d'Athenes .... Les exemples abondent partout. Tous ceux qui s'etaient faits les paladins du theatre de geste, du nu, du silence ou de la derision elaborent un theatre de l'imaginaire OU ec1ate Ie lyrisme du verbe. La lec,on du No Cette evolution ne se fait pas sans desarroi et sans problemes. Certains se demandent si l'acteur "d'aujourd'hui" pourra encore dire LE NOUVEAU (NOUVEAU THEATRE) 217 un texte. Face au phenomene de l'art gestuel qui "decouvrait Ie corps," une fois les premieres reticences passees, s'est produit un changement extraordinaire; Ie theatre maudit et condamne devint Ie theatre "qu'il fallait faire." On peut craindre de se trouver devant une certaine categorie d'acteurs et de metteurs en scene qui, ayant rejete Ia parole ces dernieres annees, aient a surmonter ['obstacle de dire une texte. II en va pour eux comme pour Ie peintre d'avant-garde qui, apres avoir subi Ie terrorisme de l'abstraction envahissant l'art ces demieres decennies, se revele definitivement incapable de dessiner une main ou de brosser un portrait avec la fidelite exigee par Ie nouvel art d'aujourd'hui: l'hyperrealisme. Nous avons vu les ecoles, les groupes, certaines universites, accorder une telle suprematie au theatre gestuel que les cours, donnes dans des gymnases, ont forme une generation d'athIetes de la scene, maitres de l'art d'improviser et de l'expression corporelle mais negligeant la parole, la communication verbale. En divers lieux ce "nouveau theatre" devait rapidement degenerer en un "nouveau conformisme." Nous avons assiste a l'eclosion, un peu partout, de cours "a la Grotowski " ou "a la Living Theatre" diriges par des imitateurs qui, non sans un humour involontaire, a defaut d'imiter Ie genie de leurs modeles, la convulsive beaute de leurs realisations, n'ont su qu'en copier platement les defauts. A Tokyo j'ai vecu un moment d'une grande intensite: l'une de mes pieces mise en scene par Akira Wakabayashi et Hideo Kanze etait presentee sous la forme du No. Le texte devenait une psalmodie sublime, les gestes etaient reproduits avec une precision et un sens poetique inegalables. Ce fut un spectacle stimulant qui marquera rna vie d'auteur par ses enseignements. Le theatre japonais traditionnel est un theatre de stimulation, non de representation. Dans une piece de Kabuki Ie cheval est faux, l'arbre artificiel (ce cheval et cet arbre etant reproduits avec une minutie hallucinante). On dirait que Ie rnetteur en scene, craignant la deterioration croissante du reel, lui oppose une pseudo-realite prodigieusement imitee jusque dans ses moindres details. Ce theatre, qui parait s'opposer a celui que nous avons connu en Occident de 1968 a 1974, est en realite une tres subtile allegorie qui nous permet de nous acheminer vers Ie theatre de demain OU triompheront l'imaginaire et Ie lyrisme. Cette renaissance de la parole survient au moment OU s'ouvre une periode de penurie economique. Des lors on ne peut negliger la source de toute creation, de toute energie: "Au commencement etait Ie verbe." ...

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