University of Toronto Press
  • Un regard archivistique sur les ouvrages de W. G. Sebald1/An Archival Studies Perspective on the Works of W. G. Sebald
Résumé

Le but de cet article est d’examiner les ouvrages de W. G. Sebald d’un point de vue archivistique. En premier lieu, notre analyse de Vertiges, Les Émigrants, Les Anneaux de Saturne et Austerlitz a été effectuée selon cinq critères : la typologie, la présentation, la reproduction, la relation entre les images et le texte, et les effets sur le lecteur. Dans une deuxième partie, nous profitons de la manière exemplaire dont les documents d’archives sont mis à profit par l’écrivain dans ses ouvrages pour réfléchir aux conditions d’utilisation et à l’impact déterminant de celles-ci sur les archives et l’archivistique.

Our aim in this article is to approach the works of W. G. Sebald from an archivist’s point of view. In the first part, we analyze the content of Vertigo, The Emigrants, The Rings of Saturn and Austerlitz according to five criteria: typology, presentation, reproduction, relation between images and text, and the effect on the reader. Then, in a second part, we take advantage of the exemplary use of archival records by the writer in his books to reflect on the conditions of use and their impacts on the archives and the archival science.

Keywords

Littérature, archives, conditions d’utilisation, rapport image-texte, archivistique

Keywords

literature, archives, conditions of use, image-text relation, archival studies

Introduction

Né en Bavière, W. G. Sebald (1944–2001) émigre en Grande-Bretagne en 1966, après l’obtention d’une licence de lettres à l’Université de Fribourg. Diplômé de l’université de Manchester en 1968 avec un travail sur Carl Sternheim, il enseigne les années suivantes à l’université d’East Anglia à Norwich et y soutient sa thèse sur Alfred Döblin en 1973. Après une année passée en Allemagne, à Munich, il s’installe définitivement à Norwich en 1976 où il enseigne la littérature européenne jusqu’à sa mort accidentelle en 2001.

Si ses œuvres sont tardives, son premier ouvrage non académique, D’après nature, paraît en Allemagne en 1988, elles se succèdent et sont traduites rapidement [End Page 40] en anglais puis en français. Ainsi, entre 1990 et 2003, vont paraître Vertiges (1990), Les Émigrants (1992), Les Anneaux de Saturne (1995), Séjours à la campagne (1998), De la destruction comme élément d’histoire naturelle (1999), Austerlitz (2001) et, à titre posthume, Campo Santo (2003).

« Au confluent du récit, de l’essai et du carnet de voyages, tour à tour auto-biographique et encyclopédique, factuelle et hallucinée, l’œuvre de W. G. Sebald (1944–2001) éblouit. » (Cahiers littéraires Contre-jour 2010, 45). L’une des originalités de l’écrivain est de reproduire des documents de toute sorte dans ses livres. Il est par conséquent difficile pour un archiviste, tout en prenant plaisir à découvrir une œuvre aussi fascinante, de ne pas être intrigué par une démarche de cette nature et de vouloir en apprendre davantage à cet égard.

Comme le titre de notre article l’indique, notre approche des ouvrages de Sebald est d’ordre archivistique. Nous ne cherchons pas à interpréter la démarche de l’écrivain à la lumière de son exploitation des documents d’archives. Le but que nous poursuivons vise plutôt à montrer comment cette exploitation de matériel d’archives dans un contexte littéraire est particulièrement significative pour la compréhension des archives en général dans la mesure où elle permet de mieux mettre en évidence les conditions de leur utilisation.

Dans un premier temps, nous nous intéressons à l’exploitation des documents d’archives dans les œuvres de Sebald. Cinq questions ont orienté notre analyse : 1) quels types de documents sont utilisés par l’écrivain ?, 2) de quelle manière sont-ils présentés ?, 3) comment sont-ils reproduits dans les ouvrages ?, 4) quelles relations entretiennent-ils avec le texte ?, et 5) quels impacts ont-ils sur le lecteur ? En conséquence, notre analyse a été effectuée selon cinq critères, à savoir : la typologie, la présentation, la reproduction, la relation entre les images et le texte, et les effets sur le lecteur. Mais, comme nous le verrons, les réponses à ces questions ne sont pas sans engendrer de nouvelles interrogations auxquelles il sera nécessaire de répondre au cours de l’analyse. Quelles sont les fonctions jouées par les images dans les ouvrages de Sebald ? D’où proviennent les nombreux documents d’archives qu’il utilise ? S’agit-il de documents authentiques ou d’archives fictives ? Les images sont-elles les seules archives exploitées par Sebald ? Ne trouve-t-on pas d’autres types d’archives tout aussi importants dans son œuvre ? L’ensemble des documents présents dans les ouvrages ne forme-t-il pas les archives de l’auteur ? Et, de ce fait, l’écrivain n’inverse-t-il pas le processus habituel des archives littéraires en devenant le premier utilisateur de ses archives ?

Dans une deuxième partie, nous profiterons de la manière exemplaire dont les archives sont exploitées dans les ouvrages de Sebald, c’est-à-dire les différentes relations qui ont été établies par l’auteur, pour réfléchir à leurs conditions d’utilisation. Nous verrons que non seulement tous les choix posés sont significatifs (dimension matérielle, présentation, contexte, rôle du lecteur), qu’ils laissent leurs marques sur les archives, mais que celles-ci ne peuvent être exploitées que par leur intermédiaire. D’où, en apparence, le paradoxe de l’archive, à savoir d’être issue du passé mais ouverte sur l’avenir. Un paradoxe qui toutefois se dissipe lorsque l’on a compris que l’archive ne devient véritablement archive que lors de son utilisation. Aussi, de toutes nouvelles perspectives sur les archives et [End Page 41] l’archivistique peuvent être envisagées, comme nous le ferons valoir en conclusion.

Il est à noter que notre étude porte essentiellement sur les principaux ouvrages publiés par l’écrivain et traduit en français depuis la fin des années 1990 jusqu’à sa mort en 2001, c’est-à-dire Vertiges, Les Émigrants, Les Anneaux de Saturne et Austerlitz. Les conférences, essais, entretiens et autres textes parus depuis (comme Campo Santo et Séjours à la campagne) sont donc exclus de notre analyse. Nous n’y ferons donc référence que dans la mesure où ces textes soutiennent notre étude de l’utilisation des archives par Sebald.

L’écrivain et les archives

S’il est un aspect de l’œuvre de Sebald sur lequel la fortune critique est unanime, c’est bien de souligner la présence d’illustrations dans ses ouvrages.

De vieilles photographies et des documents d’archives accompagnent le récit sebaldien de la vie que mènent à l’étranger le Dr Henry Selwyn, Paul Bereyter, Ambros Adelwarth et Max Ferber [les principaux personnages dans Les Émigrants], de même qu’ils ponctuent le fil narratif qui tisse entre elles les tranches de vie disparates de ces autres émigrés et exilés (parmi lesquels figure l’auteur) que l’on rencontre, chemin faisant, dans Vertiges, Les anneaux de Saturne et Austerlitz.

(Dupuis 2010, 51)

Mais qu’en est-il exactement de cette présence ? En quoi consiste-t-elle ? Comment s’exprime-t-elle ? Quels sont les effets qu’elle engendre ? Comme nous le mentionnions, cinq aspects ont particulièrement retenu notre attention lors de l’analyse des ouvrages de Sebald.

La typologie des documents

Un relevé systématique des illustrations (tableau 1)dans Vertiges, Les Émigrants, Les Anneaux de Saturne et Austerlitz montre en effet avec quelle régularité Sebald a intégré des éléments visuels au contenu de ses ouvrages. L’on dénombre 74 illustrations dans le premier, 78 dans le second, 74 dans le troisième et 88 dans le dernier qui, il faut le préciser, est plus volumineux que les précédents. Au total, il y a donc plus de 310 images qui sont incorporées ponctuellement par l’auteur à sa prose.2

Dans cette utilisation fréquente d’illustrations, Sebald fait appel à une grande diversité de documents d’un livre à un autre. Une typologie établie à partir des Règles de description des documents d’archives (RDDA) montre que les documents utilisés appartiennent à l’une ou l’autre des principales catégories qui y sont répertoriées : documents cartographiques et iconographiques, dessins d’architecture et techniques, documents textuels et philatéliques, images en mouvement et objets. La diversité des types de documents est particulièrement marquée parmi les deux principales catégories exploitées par l’auteur, les documents iconographiques et les documents textuels. La première étant de loin la plus répandue (253/314), avec les photographies, reproductions d’œuvre d’art, gravures, dessins, cartes postales et illustrations tirées de publications. Mais la seconde, malgré une taille plus réduite (40/314), n’en est pas moins riche de toute une gamme de papiers et de documents personnels, de textes issus de [End Page 42] publications ou de catalogues, de journaux intimes et de carnets de notes ainsi que de listes, de billets ou de factures.

Tableau 1. Typologie des illustrations dans les ouvrages de W. G. Sebald
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Tableau 1.

Typologie des illustrations dans les ouvrages de W. G. Sebald

L’utilisation d’une documentation visuelle aussi abondante et diversifiée n’est pas si surprenante lorsque l’on connaît mieux l’auteur. En plus d’avoir toujours un appareil photo avec lui et de collectionner des photographies, Sebald amasse les documents les plus variés. Suite à un entretien avec l’écrivain en 2001, Arthur Lubow écrivait : « Il accumulait des cartes postales trouvées dans des brocantes, des plans, des extraits de Mémoires. Il arrachait des photos dans [End Page 43] des magazines ou les prenait lui-même avec son petit Canon. Il utilisait ces images d’abord comme un outil de recherche ou un moyen de déclencher l’inspiration et puis il décidait ou non de les intégrer dans ses livres. » (Lubow 2009, 164–65) Une description de son cabinet de travail montre aussi l’importance accordée à cette documentation par l’écrivain. « [À] part une table en bois, un lit de camp et un dictionnaire allemand délabré, tout ce que cette pièce contient est une chemise portefeuille remplie à craquer de vieilles photographies et de cartes. » (Long 2007, 47, notre trad.)

En effet, les livres de Sebald offrent au lecteur la possibilité d’avoir accès à ce que l’on pourrait appeler « les archives de l’auteur », c’est-à-dire un matériel accumulé et, dans le cas notamment des photographies, produit par l’écrivain au fil de ses rencontres, de ses voyages, de ses lectures, de ses recherches dans les services d’archives et les bibliothèques, etc. Et, en donnant accès à des documents issus de ses propres archives, Sebald inverse le processus habituel du circuit des archives littéraires. Le créateur devient ici le premier utilisateur de son fonds d’archives aujourd’hui conservé au « Deutsches Literaturarchiv » de Marbach.3 Il en devient, en quelque sorte, le premier metteur en scène. Du moins de cette partie directement en lien avec ses activités d’écrivain. Quant aux autres parties moins visibles, les recherches dans ses archives, comme nous aurons l’occasion de le souligner, réservent bien des découvertes.

Mais la présence des archives dans les ouvrages de Sebald ne se limite pas aux seules illustrations. « [L]es témoignages oraux, communément appelés ‘Archives orales’ » (Elgey 2001, 10) et les notes tiennent également une place singulière dans son œuvre.

Les archives orales prennent la forme de la transcription, par le narrateur, du récit des personnes qu’il rencontre.4 Le narrateur est toujours l’interlocuteur direct de leurs témoignages oraux. Vingt-huit moments ont été relevés dans l’ensemble des ouvrages étudiés. Ces moments ne sont pas nécessairement identifiables à des archives complètes mais, le plus souvent, à des rencontres durant lesquelles un personnage raconte son histoire (ou celle d’un autre) au narrateur. On peut parler d’archives orales dans la mesure où la transcription se veut fidèle à un récit original, voire se donne pour une forme d’enregistrement des paroles entendues (Pic 2009, 128) et où ces différents moments, une fois regroupés, constituent un ensemble cohérent relatant un événement, un parcours ou encore une expérience singulière. De plus, dans Austerlitz, une forme de classification est évoquée : « Nos conversations d’Anvers, comme [Austerlitz] les a quelques fois appelées ultérieurement » (Sebald 2002, 14). Nommer ces « conversations » permet de les identifier de manière unique, à la manière de l’archiviste qui identifie les documents dont il a la charge pour les retrouver et les rendre accessibles. Pour ce qui concerne Austerlitz encore, neuf moments constituent l’archive orale de Jacques Austerlitz. Sans ces rencontres avec le narrateur, le récit ne saurait exister. Ceci vaut également pour les quatre textes des Émigrants mais est beaucoup moins essentiel aux deux autres ouvrages, Vertiges et Les Anneaux de Saturne, qui reposent quasi exclusivement sur les notes que prend le narrateur lors de ses pérégrinations. Les notes, sont, dans Vertiges, la base du récit de voyage et le [End Page 44] narrateur partage avec le lecteur leur rédaction plus ou moins aisée. En fait, les archives orales comme les notes fondent et soutiennent la narration. Les unes tendent donc à remplacer les autres en fonction du type de récit.

La gamme des documents utilisés est donc très large et, si les documents visuels constituent la face la plus visible de l’utilisation des archives par Sebald, la présence de documents textuels, oraux et des notes montre bien à quel point les archives sont fondatrices dans la démarche de l’auteur.

La présentation

Cette variété typologique s’accompagne d’un mode de présentation des documents, un dispositif, particulier. En effet, l’utilisation de documents d’archives ne peut se faire, quel que soit le but poursuivi, qu’en recourant à différents modes de présentation. Cinq d’entre eux sont à signaler chez Sebald.

Premièrement, les illustrations en noir et blanc sont généralement placées, une à la fois, dans le texte, tantôt entre les paragraphes, tantôt en début de chapitre mais, le plus souvent, au cœur même de la phrase. Les illustrations présentées hors-texte sur une double page font donc figure d’exception. Tout comme la présence de plusieurs images sur une même page. Deuxièmement, le format des documents reproduits est plutôt réduit, c’est-à-dire qu’ils n’occupent que rarement une pleine page mais plutôt un tiers ou un quart de la surface. Troisièmement, aucune légende ou mention de titre n’accompagne les illustrations. Par contre, il faut noter la présence de passages dans le texte qui, explicitement ou implicitement, font référence aux documents qui suivent ou précèdent. Quatrièmement, les illustrations sont présentées sans aucune indication de contexte. En d’autres termes, il est rare de voir chez Sebald une image dans son contexte d’origine, mais pourtant une photographie, dans Vertiges, est présentée avec la page de l’album d’où elle provient et la légende qui l’accompagnait originellement. Il s’agit, écrit Sebald,

[. . .] de l’album de photos que mon père avait rapporté en cadeau à ma mère pour le premier « Noël de guerre ». Il contient des images de ce que l’on a appelé la campagne de Pologne, toutes soigneusement légendées à l’encre blanche. Sur quelques-unes, on voit des zingari [bohémiens] internés dans un camp. Ils sourient derrière les barbelés, quelque part au fin fond de la Slovaquie, où mon père se trouvait déjà avec son train [Emplacement de l’illustration dans la phrase] d’équipement bien avant que la guerre, selon la formule consacrée, éclate.

(Sebald 2001, 189–90)

Cinquièmement, comme le montrent les travaux de Muriel Pic à partir de la Bibliothèque W. G. Sebald,5 déposée avec son fonds d’archives au « Deutsches Literaturarchiv » de Marbach, l’écrivain procède souvent à un recadrage des documents qu’il reproduit dans ses ouvrages. À titre d’exemple, Pic (2009, 124) compare le haut du visage de Stendhal reproduit dans Vertiges (Sebald 2001, 18) et le portrait de l’écrivain peint en 1802 d’où provient ce détail. Toujours « dans Vertiges, écrit-elle, le narrateur contemple, à la chapelle des Scrovegni à Padoue, La Déposition de la Croix (Compianto su Cristo morto), fresque réalisée par Giotto en 1305; il ne retient de la Lamentation que trois figures d’anges situées en haut [End Page 45] du tableau, en marge de la scène principale occupée par le corps de Jésus et les autres protagonistes bibliques. » (Pic 2009, 164)

Dans le même ordre d’idées, les archives orales, sont présentées de telle façon que le lecteur tend à ne plus savoir, au fil de l’histoire, qui du narrateur ou du personnage commande le récit. La narration tend à se resserrer autour d’un discours et opère une forme de flou autour du propos. Une fois la situation posée, le récit du personnage est généralement donné à la première personne du singulier, le narrateur cède la place au raconteur. Ainsi, dans Austerlitz, de nombreux passages laissent le lecteur face au seul discours de Jacques et, parfois, à celui qui a été donné à Jacques et qu’il rapporte au narrateur. À plusieurs reprises, le récit de Vera, l’amie de la mère de Jacques, rapporté par Austerlitz est marqué par l’absence régulière du « dit Austerlitz » qui permet généralement au lecteur de se repérer dans la mise en abîme. À titre d’exemple, ce passage du récit de Vera : « Maximilian Aychenwald [le père d’Austerlitz], qui était originaire de Saint-Pétersbourg, dit Vera, où son père... » (Sebald 2002, 213) L’absence de guillemets renforce encore cette effacement du narrateur. Dans Les Émigrants, les entretiens du narrateur sont le plus souvent clos par les paroles exactes des personnages données, dans la traduction, dans leur langue d’origine. Le lecteur est à nouveau directement confronté au récit d’un personnage sur lequel la narration se focalise, annulant ainsi en partie le contexte du récit.

Selon Muriel Pic, l’absence de légende, le recadrage des images, l’absence de contexte sont autant d’éléments témoignant d’une forme de « montage littéraire [qui] ne cherche pas à établir une vérité historique : bien plutôt, il vise à produire une expérience de remémoration permettant de s’imaginer, grâce à l’empathie, ce qui a eu lieu » (Pic 2009, 156).6 Pour ce qui est des archives orales, le même type de préoccupation semble guider W. G. Sebald. Dans Austerlitz, le narrateur note « la façon dont Austerlitz élaborait ses pensées en parlant, [...] comment à partir d’éléments en quelque sorte épars il parvenait à développer les phrases les plus équilibrées, comment, en transmettant oralement ses savoirs, il développait pas à pas une sorte de métaphysique de l’histoire et redonnait vie à la matière du souvenir » (Sebald 2002, 22).

La reproduction

Compte tenu de la place accordée aux illustrations, il aurait été légitime de croire que Sebald porte une attention spéciale à la qualité de la reproduction lors de l’édition de ses livres. Or, ce n’est pas véritablement le cas. Dans une entrevue, il déclarait : « Je ne désire pas inclure des images d’une grande qualité photographique dans mes textes; elles sont juste des documents d’objets trouvés et en ellesmêmes plutôt accessoires » (Scholz 2000 cité dans Long 2007, 48, notre trad.). Un choix qui s’explique dans la mesure où, chez Sebald, « [...] l’enjeu des images n’est pas celui d’une esthétique du beau livre mais d’une poétique de la mémoire » (Pic 2009, 64).

À défaut de rechercher la finesse des détails, la richesse des tonalités et la matérialité des supports, l’écrivain a plutôt opté pour un traitement davantage axé sur le contenu des illustrations ne nécessitant pas de soin particulier mais qui entraîne [End Page 46] néanmoins certaines imperfections sur le plan du rendu (granulation, blocage des ombres, imprécision, grisaille, effet de moirage, etc.). Un choix qui n’est probablement pas étranger aux contraintes techniques qui sont liées au fait de reproduire texte et image sur une même page. Mais un choix qui, tout de même, n’est pas sans conséquence sur la réception des images par le lecteur. D’autant que les imperfections ont tendance à être amplifiées dans les éditions en format de poche.

En effet, certains voient dans la mauvaise qualité de l’image « les airs d’un vieux document » (Pic 2009, 64) ou bien une manière de susciter l’exaltation, le mystère, l’égarement ou la peur (Parks 2009, 24). D’autres considèrent que cela contribue à rendre une « vision intérieure » (Pezzini 2008, 102, notre trad.) ou encore engendre des « effets de flou » qui sont à même de traduire « le trouble de la mémoire en sa difficulté à se souvenir ainsi que la qualité fantomatique de la remémoration » (Pic 2009, 170). Bref, la piètre qualité de reproduction des illustrations est largement matière à interprétation.

Au contraire, en ce qui concerne les archives orales, les procédés utilisés vi-sent à rendre les propos de la façon la plus précise possible. Dans Austerlitz, de manière caractéristique, le narrateur consigne et transmet les différents récits de Jacques en les introduisant par une forme de mise en contexte qui permet au lecteur de recevoir le propos du personnage : « Austerlitz se tut et son regard se perdit [...] Depuis mon enfance et ma jeunesse, reprit-il... » (Sebald 2002, 64). Il nous donne aussi des détails sur la manière de parler d’Austerlitz. Le narrateur évoque ainsi « un manque d’assurance que je n’avais pas remarqué jusque-là et qui se manifesta, outre par un léger solécisme, au travers d’un bégaiement occasionnel, pendant lequel il serrait si fort dans sa main gauche le vieil étui à lunettes qui ne le quittait jamais que sa peau devenait blanche à l’endroit des articulations » (Sebald 2002, 47–48). Ces interventions du narrateur permettent au lecteur de mieux se figurer les entretiens, de matérialiser l’oralité du récit.

En fait, l’association d’images incertaines à une précision de la transcription des propos entendus par le narrateur tend, par un effet de contraste, à engendrer chez le lecteur un questionnement permanent quant à la nature des documents présentés.

La relation entre images et texte

Comme nous le mentionnions, les illustrations sont généralement intercalées au sein d’une phrase et, par conséquent, les propos y font explicitement ou implicitement référence. À titre d’exemple, dans Les Émigrants, le lien entre l’image et le texte ne peut être plus étroit lorsqu’à propos de l’album de sa mère, le narrateur déclare : « Ainsi, la photo ci-dessous fut prise [emplacement de la photographie] dans le Bronx en mars 1939 » (Sebald 1999b, 86). Par contre, toujours dans le même ouvrage, la première illustration, une photographie prise par l’auteur, n’a pas de mention directe dans le texte, sinon pour faire état de la présence «d’un cimetière gazonné planté d’ifs et de pins écossais » (Sebald 1999b, 87).

Dans la relation que les images entretiennent avec le texte, il importe aussi de souligner que le narrateur établit régulièrement la chaîne de transmission des documents auxquels il fait référence. Il sent le besoin de préciser la manière dont [End Page 47] ces documents sont parvenus en sa possession comme le montrent les citations suivantes : « J’ai devant moi, sur mon bureau, le petit agenda d’Ambros que tante Fini m’avait remis lors de mon séjour d’hiver à Cedar Glen West. » (Sebald 1999b, 150); « Quoi qu’il en soit, je trouvai un beau jour dans mon courrier cette carte postale des années vingt ou trente représentant un campement de toiles blanches au milieu du désert égyptien » (Sebald 2002, 164–65); « Ce matin-là, [...] mon regard tomba, un peu à l’écart de la table, sur un gros infolio écorné que je n’avais jamais vu lors de mes précédentes visites au Reading Room. » (Sebald 1999a, 127); « L’une de ces cartes — le cône du Vésuve — s’est retrouvé je ne sais comment dans un album de photos de mes parents et de là en ma possession. » (Sebald 2001, 201–2)

En parallèle avec le texte, les images sont ainsi appelées à remplir différentes fonctions. « La première, et la plus évidente, déclarait Sebald en 1998, c’est qu’elles sont là pour accréditer la véracité du récit — nous sommes tous plus enclins à croire les images que les mots. » Autrement dit, ajoutait-il, « les photographies permettent au narrateur de conférer une sorte de légitimité à l’histoire qu’il raconte. » (Wachtel 2009, 43) Une forme particulière de transcription de la parole, dont l’objectif est notamment de lui donner une certaine authenticité, est largement employée dans Austerlitz : la mise en abîme de plusieurs discours. Le narrateur transmet au lecteur, à travers le récit de Jacques, le souvenir de plusieurs autres personnages. Les mémoires s’imbriquent au sein d’un récit unique. Par exemple, les histoires de Gerald, l’ami de pensionnat, et de Vera arrivent au lecteur par le récit d’Austerlitz rapporté par le narrateur grâce à des incises telles que : « c’était cette amitié qui s’était nouée le plus naturellement du monde, me dit Vera, dit Austerlitz » (Sebald 2002, 215). Cette manière constitue aussi une forme de reconstitution de la chaîne de transmission du récit qui se donne comme preuve de la véracité du propos.7

La deuxième fonction, également soulignée par l’écrivain, est de ralentir la lecture, d’arrêter le temps car, dit-il, « la fiction est une forme artistique qui suit une temporalité, qui tend vers une fin [...] et il est très, très difficile, dans cette forme particulière de récit d’arrêter la fuite du temps » (Wachtel 2009, 44). Outre la coupure des phrases en tant que telle, les options exploitées par Sebald à cet égard sont nombreuses. Dans Austerlitz notamment, la photographie de Gerald et son avion (Sebald 2002, 163) clos ce moment du récit où Austerlitz se remémore Gerald et sa famille. L’image est positionnée en bas de page et après un paragraphe. Elle marque ainsi une rupture entre les deux récits qui se succè-dent. Toujours dans le même ouvrage, certaines images permettent la transition entre deux moments du récit et oblige le lecteur, mais de manière moins marquée, à quitter le texte. L’évocation d’un fragment d’une œuvre de Novelli (Sebald 2002, 41), situé entre deux paragraphes et au milieu de la page, est, par exemple, très visuel et marque le moment où le narrateur tait son propre récit au profit de celui d’Austerlitz. Aussi, tel que nous le verrons au point suivant, le souci de ralentir le rythme a un impact important sur le lecteur.

Troisièmement, outre une fonction documentaire et une fonction rythmique, les images remplissent une fonction métaphorique. Dans Les Anneaux de [End Page 48] Saturne, le passage sur la visite du site d’Orfordness (Sebald 1999a, 304 et s.) est particulièrement significatif à cet égard puisque, comme le remarque Long (2007, 135), le narrateur enchaîne métaphore sur métaphore pour rendre compte des multiples associations que ce lieu désaffecté lui suggère. Parmi les autres exemples de lectures associatives ou métaphoriques également présents dans cet ouvrage, mentionnons la photographie d’une mine de diamants en Afrique du Sud qui, aux yeux du narrateur, devient emblématique, par « les milliers de filins et de câbles » qui la surplombent, du « réseau des informations circulant inlassablement tout autour de la terre » de nos jours (Sebald 1999a, 124–25).

Enfin, la quatrième fonction est narrative, les images créant dans leur ensemble un récit parallèle à celui du texte. Leur interrelation produisant un troisième langage selon Pezzini (2008, 88). À ce propos, il serait révélateur d’extraire les illustrations de chacun des livres, voire de toutes les images, de les isoler du texte et de les considérer en elles-mêmes. Autrement dit, de mener une expérience dans l’esprit du projet profil without words de l’artiste allemand Hans-Peter Feldmann qui, en 2000 à partir d’un magazine d’actualité, « a retiré tous les textes pour n’en retenir que les photographies, leur séquence et leur positionnement dans la page » (Feldmann 2009–2010, 12). De la sorte, « Feldmann fait parler les images par elles-mêmes et révèle une mise en forme propre au matériau visuel » (Feldmann 2009–2010, 20).8 En effet, prenons à titre d’exemple, les 17 illustrations de « Il ritorno in patria », le quatrième chapitre dans Vertiges. Il est inévitable que, de par leur position dans la page, leur dimension, leur emplacement dans le chapitre, la diversité de leur sujet et la variété des documents reproduits, le lecteur soit amené à établir des relations entre les illustrations, indépendamment du texte qu’elles accompagnent.

Le lecteur

Les effets sont par conséquent nombreux sur le lecteur. À commencer bien sûr, comme nous l’avons souligné, par le ralentissement de son rythme de lecture. L’inclusion des documents dans le récit agit sur la temporalité du lecteur. Le rapport du texte au document, lorsqu’il est implicite, oblige ce dernier à effectuer des allers et venues entre l’un et l’autre, ce qui a pour effet de ralentir la lecture, de la suspendre pour un moment. Par exemple dans Austerlitz, une photographie de famille de Gerald présentée en double page au milieu d’une phrase (Sebald 2002, 120–21) ne trouve écho dans le texte que quelques pages plus loin (Sebald 2002, 124). Ce décalage produit une interrogation chez le lecteur qui cherche dans le texte des éléments éclairant le contenu de l’image.

Un autre impact, dont nous avons également fait mention, est de donner aux propos de l’auteur de la crédibilité, d’assurer leur véracité. Les illustrations, et tout spécialement les photographies de par leur dimension indicielle, servent d’argument, de preuve venant convaincre le lecteur que le discours du narrateur est en lien avec des faits et gestes qui ont eu lieu dans le passé. Le lecteur devient un agent de vérification de l’authenticité (Pezzini 2008, 95). Sebald ancre ainsi sa démarche dans la tradition littéraire de la fiction réaliste allemande du XIXe siècle. Les auteurs tendaient alors à systématiquement donner les sources de leurs [End Page 49] récits (Schwartz 2009, 43–44). Ailleurs, il inscrit également sa méthode littéraire dans la filiation de la littérature allemande d’après-guerre, du moins celle lui apparaissant significative parce que tenant « du documentaire concret et non d’un imaginaire abstrait » (Sebald 2004, 67).

L’insertion des archives de l’auteur a aussi comme effet de créer un caractère d’intimité avec le lecteur. Ce dernier se voit placé dans une situation où il a accès au lieu, à la pensée et au mode de travail de Sebald, comme s’il était avec lui, comme s’il l’accompagnait. À la suite de leur première rencontre londonienne, le narrateur informe le lecteur d’Austerlitz de la manière dont il consigne le récit de Jacques « en mots clés et en phrases télégraphiques le maximum de ce que m’avait raconté Austerlitz tout au long de la soirée » (Sebald 2002, 138). Comme le dit Arthur Lubow, « ce qu’on apprécie quand on lit Sebald, c’est le plaisir de plonger dans ce trésor singulier qu’est son esprit » (Lubow 2009, 172).

Finalement, la démarche adoptée par l’écrivain dans ses ouvrages est une invitation pour le lecteur à faire de même, à adopter la même attitude.

Reste au lecteur à suivre les indices, à déchiffrer les coïncidences à partir desquelles le destin s’écrit, non sans s’adonner à l’empathie. Chez Sebald, cette dernière est dirigée vers le lecteur qui doit devenir, sinon chasseur, du moins enquêteur. En effet, pour saisir la portée du travail narratif, il doit localiser et identifier citations et documents; la lecture s’inscrit dans une démarche cognitive qui répète celle de l’auteur.

(Pic 2009, 41–42)

Autrement dit, « son but est visiblement d’amener le lecteur à tirer les fils de l’histoire pour construire du sens » (Simic 2009, 148).

Mais cette intimité, ce rôle forcément actif joué par le lecteur dans la construction de sens du récit, n’a-t-elle pas par ailleurs des effets pervers ? Celui-ci ne devient-il pas une proie facile à berner ? Qui nous dit en effet que les documents d’archives utilisés pas l’écrivain sont authentiques? Leur trop grande disponibilité n’est-elle pas quelque peu suspecte ?

Dans Les Émigrants, déclarait Sebald en 1997 : « On peut dire que quatrevingt-dix pour cent des images présentes dans cet ouvrage sont authentiques, j’entends par là qu’elles ne proviennent pas d’autres sources utilisées dans le but de raconter l’histoire » (Wachtel 2009, 43). Et il ajoutait, lors d’un autre entretien : « Tout ce qui a de l’importance est authentique. [...] C’est au niveau du détail, du détail mineur la plupart du temps, que l’imagination intervient pour créer l’effet de réel » (Angier 2009, 75). Cependant, selon Long, « seulement la moitié des images témoigne de la réalité des modèles sur lesquels le personnage d’Austerlitz est basé. » (2007, 149, notre trad.) D’ailleurs, fait-il remarquer, « les photographies, qui obligatoirement ont été prises par quelqu’un dans le “vrai monde”, sont estimées avoir été produites par un personnage qui est fictif » (Long 2007, 149, notre trad.).9 Pour Sebald, l’authenticité semble devoir se situer ailleurs que dans le rapport du producteur au document. Ainsi, il explique que « la plupart [des photographies] viennent de ces albums que les gens de la petite bourgeoisie faisaient dans les années 1930 et 1940. Et ce sont des documents authentiques » (Schwartz 2009, 43). L’authenticité est donc associée au [End Page 50] fait qu’une personne ait réellement pris ces photographies et non que le person-nage auquel elles sont associées en soit effectivement le producteur.

Il est certain que les travaux menés à partir des archives de Sebald, comme ceux de Muriel Pic, n’ont pas fini de nous en apprendre sur cet amalgame de vraies archives et d’archives fictives dans l’œuvre de l’écrivain. Quoi qu’il en soit, il importe de ne pas perdre de vue que, dans un contexte littéraire, le récit n’a pas obligatoirement besoin, comme chez l’historien notamment, d’être véridique pour être vraisemblable. À une question relative à l’apparente véracité de ses récits, Sebald répondait : « Oui, c’est là qu’est le paradoxe. À partir de ce tissu de mensonges, par ce subterfuge, vous obtenez quelque chose qui est plus fidèle à la vérité, du moins je l’espère, que si vous relatiez des réalités strictement vérifiables » (Cuomo 2009, 109–10). Bref, dans les archives de l’auteur, que les documents utilisés soient vrais ou fictifs ne leur font pas perdre leur statut d’archives pour autant.

Les conditions d’utilisation des archives

De par la présence et le rôle central qu’y jouent les archives, les ouvrages de Se-bald deviennent en quelque sorte « exemplaires » sur le plan archivistique, en ce sens qu’ils permettent de mieux comprendre les conditions selon lesquelles les documents d’archives sont utilisés. En effet, même Sebald, en tant que créateur et premier utilisateur, ne peut faire un usage « créatif » de ses archives sans satisfaire à certaines conditions, comme nous l’avons montré plus haut.

À ce stade-ci de nos travaux10, quatre aspects nous apparaissent essentiels quant à ces conditions d’utilisation : l’objet, le dispositif, le contexte et le rôle du public. Examinons chacun d’entre eux à la lumière d’autres productions, de types littéraire et historique, mettant en jeu des archives définitives. Car ces conditions, rappelons-le, valent pour toutes les formes d’utilisation des documents d’archives.

L’objet

« [D]e son support à sa mise en forme en passant par les traces du passage du temps » (Lemay 2010, 76), le document d’archives est avant tout un objet. Sa matérialité constitue le premier aspect à prendre en compte pour mieux comprendre les conditions de son utilisation. La reproduction des documents par leurs usagers donne une idée du rapport de ceux-ci à l’archive en tant qu’objet. Elle permet de transmettre le rapport physique au document.

Pour sa part, comme nous l’avons montré, Sebald fait le choix d’insérer à ses récits des images imprécises, d’une qualité que certains qualifieraient de médiocre. La reproduction gomme ou accentue, selon les cas, la matérialité du document. Ce choix est dicté par les préoccupations littéraires singulières de l’auteur qui cherche dans l’archive une forme métaphorique du souvenir. D’autres créateurs font un usage différent des archives. Par exemple, Umberto Eco, dans La flamme de la reine Loana (2005), choisit de reproduire les archives (dessins et montages personnels, illustrations de journaux, revues et publications, etc.) de manière à ce qu’elles soient extrêmement lisibles. Les illustrations sont en couleurs et d’excellente qualité. Le sous-titre même de l’ouvrage, « roman illustré », [End Page 51] donne une première idée de la raison de ce choix. La notion d’illustration implique souvent une bonne qualité des images. De plus, Umberto Eco utilise les archives comme moyen, pour son personnage, de retrouver le mémoire qu’il a perdue. La netteté des documents soutient une tentative de reprendre pied dans un réel désintégré par la perte de la mémoire.

La matérialité des archives est, par ailleurs, transmise par la manière dont le document est, ou non, recadré. Ainsi, Sebald, recadre les documents dans la même optique qu’il en donne une reproduction de piètre qualité. La sélection d’un détail, tend à dématérialiser l’image qui surgit au cœur du texte. En resser-rant le regard sur un point particulier, l’objet qu’est le document d’archives disparaît alors même qu’il est donné à voir par la reproduction de l’image.

Àl’inverse, Marguerite Yourcenar utilise des documents d’archives familiales dans la trilogie Le labyrinthe du monde (1990). L’auteure ne reproduit aucun document sous forme iconographique et pourtant la matérialité des documents est tout à fait présente au travers de la description qu’elle en donne. Ainsi, elle partage avec le lecteur les photographies de voyage de son père : « nombre d’entre elles, de type quasi stéréoscopique, forment de longues bandes roulées comme des papyrus, qui se recourbent des deux bouts quand j’essaie de les mettre à plat. [...] Leur ton sépia les empreint d’une inquiétante mélancolie » (Yourcenar 1990, 298–99). Ici, le lecteur peut effectivement visualiser l’objet dont il est question, la vue du document est remplacée par sa description. Ces deux rapports à l’objet-archive nous montrent que l’utilisation d’un même type de document (iconographique) peut conduire à des perceptions bien différentes en fonction des conditions de mise en lumière de cet objet par l’usager.

Mais, chose certaine, il ne peut y avoir utilisation sans, consciemment ou inconsciemment, exploiter un aspect ou l’autre de l’objet-archive. La matérialité des documents reste en effet toujours première dans le rapport que l’usager a aux archives puisque c’est avant tout à travers elle qu’il accède aux documents et à leur contenu.

Le dispositif

Le deuxième aspect des conditions d’utilisation des documents d’archives est le dispositif : « l’interrelation de divers éléments qui serviront à la présentation du document » (Lemay 2010, 76). On a vu que Sebald n’hésite pas à isoler les détails d’un document, d’une image. Outre la dématérialisation de l’archive, ce procédé permet de conférer au document une signification toute différente de celle qui lui serait donnée s’il était reproduit dans son intégralité. Par exemple, le détail des yeux de Stendhal, dans Vertiges (Sebald 2001, 18), est utilisé par l’auteur en lieu et place du mot « yeux ». La phrase ne se lit alors que grâce à l’interprétation de l’image. Cette manière, édifiante, de créer du sens par l’entremêlement des médias change également la nature du document. Cette forme de montage inter-médiatique se retrouve, pour d’autres raisons, dans différentes utilisations.

Certains livres illustrés procèdent aussi par le montage de documents d’archives. Ainsi, Paroles de l’ombre (Guéno et Pecnard 2009) propose, pour raconter l’histoire des Français sous l’Occupation, une accumulation de pièces d’archives [End Page 52] qui forment un récit. L’ensemble de l’ouvrage est constitué de documents d’archives qui sont soit retranscrits (lettres, textes de discours, notes, etc.), soit reproduits (photographies, affiches, etc.), soit encore rendus tangibles par des facsimilés reproduisant les qualités physiques du document original (texture d’un papier journal, d’une affichette, etc.). Ce montage procède par juxtaposition de documents autour d’un thème. Les auteurs de l’ouvrage sont finalement les acteurs de l’histoire plus que les historiens qui ont procédé à la sélection et au montage des documents.

De plus, le dispositif comprend, notamment, l’identification des documents. Les auteurs d’un livre d’histoire prennent toujours soin d’identifier les documents qui soutiennent leur discours par une légende et, le plus souvent, par l’identification du centre d’archives les conservant. Ceci permet de faire preuve, d’authentifier et de légitimer le discours. Paroles de l’ombre (Guéno et Pecnard 2009) contient la liste des services d’archives détenant l’ensemble des documents rassemblés dans l’ouvrage. En revanche, Sebald, dont la démarche est tout autre, ne légende pas les documents qu’il met en récit. La narration, comme on l’avu plus haut, tient lieu d’identification en précisant souvent la chaîne de transmission suivie par le document11.

Là encore, les choix qui président à la présentation des archives s’avèrent toujours significatifs et agissent sur la signification que l’on peut dégager des documents. Ils se traduisent par des effets de sens.

Le contexte

Le contexte est le troisième élément que nous avons identifié comme prenant part aux conditions d’utilisation des archives définitives. En effet, « le potentiel de signification des documents d’archives va se réaliser en fonction d’un champ, d’un domaine, d’un discours » (Lemay 2010, 77). Comme nous l’avons vu jusqu’ici, l’intention de l’usager permet au document d’archives de remplir des rôles variés. Narrative, métaphorique, onirique, la fonction assignée à l’archive peut aussi être testimoniale ou probante. La signification surgit du rapport entre le document (son contenu, sa forme, son créateur, etc.) et son utilisation. Un décalage, un déplacement peut donc être créé d’où émerge une signification inattendue. Ce qui est le cas notamment chez Sebald. Celui-ci joue quasi-exclusivement de ce déplacement du sens. Il donne une nouvelle vie à des objets qui, sans cette utilisation, resteraient inertes. Et, dans Austerlitz, il écrit : « le monde pour ainsi dire se vide de lui-même à mesure que plus personne n’entend, ne consigne ni ne raconte les histoires attachées à tous ces lieux et ces objets qui n’ont pas, eux, la capacité de se souvenir » (Sebald 2002, 36–37).

D’un autre côté, Marguerite Yourcenar a fondé une grande partie de son œuvre sur les archives dans une toute autre perspective. Le roman historique, en effet, utilise l’archive comme moyen d’inscrire un récit fictif dans un contexte le plus proche possible de la réalité de la période évoquée. Ainsi, le Labyrinthe du monde (1990) est fondé sur les archives familiales de l’auteure et les ressources généalogiques des archives publiques. Elle les utilise pour retracer l’histoire de sa famille, mais surtout elle dresse le portrait de l’aristocratie européenne des XIXe et [End Page 53] XXe siècles. Cette œuvre accompagnée de notes montre bien les lacunes des archives. Dans le contexte biographique, les documents restent incapables d’exprimer l’intériorité des êtres que pourtant l’auteure cherche toujours dans la correspondance, les photographies, les portraits ou les journaux intimes. L’intimité, même transmise oralement dans Archives du Nord (Yourcenar, 1990), est toujours couverte d’un vernis de bonne éducation et de mythologie familiale qui ne disparaît pas, voire s’épaissit, au fil des générations. Yourcenar tente de lever ce voile de pudeur et de mystère grâce à l’imagination et à l’étude minutieuse des périodes parcourues par ses récits. Cette œuvre laisse aussi apparaître l’aporie de la recherche généalogique qui bute sur les homonymies, les dates contradictoires, les manques, les absences... Yourcenar, là encore, recourt à l’imagination et aussi à la digression historique. Elle « adopte pour cousin [un Martin Cleenewerck] protestataire intrépide » (Yourcenar 1990, 350) qui ne figure pourtant pas dans ses archives familiales. L’auteure légitime cette « adoption » par la proximité géographique de ses ancêtres et d’autres familles homonymes : « Pour mon compte, je postulerais volontiers un ancêtre commun à ces différents [Cleenewerck] vivant dans un cercle de vingt lieues de diamètre. » (1990, 349)

Cet exemple montre combien l’utilisation des archives dépend de l’intention de l’usager et du contexte dans lequel le document est utile. Chaque utilisation rend vie aux documents qu’elle met en jeu et, ce faisant, engendre une signification nouvelle.

Le public

Le dernier élément permettant de comprendre les conditions d’utilisation des archives est l’effet de cette utilisation sur le public ainsi que le rôle qui lui est assigné par l’usager des archives. Chez Sebald, nous avons vu que le lecteur a un rôle essentiel quant à la construction de la signification et aussi que l’auteur, en conviant le lecteur à l’accompagner dans l’élaboration du récit, crée une forme d’intimité avec ce dernier. Celle-ci est permise du fait même que l’auteur partage ses archives personnelles et les met en jeu dans le récit.

Évidemment ce rôle, et ses effets sur le public, ne sera pas toujours aussi grand mais il n’en demeure pas moins que lorsque des documents d’archives sont utilisés, quelle que soit la raison de cette utilisation, le public touché se voit nécessairement doté d’un rôle d’interprète. L’archive, en effet, appelle l’interprétation. C’est grâce à celle-ci que le contenu d’un document fait sens et qu’il devient à proprement parler archive.

Ainsi, Paroles de l’ombre propose que « [c]haque lecteur [soit] comme un historien qui découvre les documents d’époque » (Les Arènes). Nous évoquions plus haut le fait que les historiens s’effaçaient devant les documents présentés qui devenaient ainsi les auteurs du récit, nous voyons que ceci est rendu possible parce que le lecteur est largement sollicité. Sa lecture des documents est essen-tielle à la construction de la signification.

C’est donc toujours au public que revient, en dernière instance, le rôle de compléter les propositions qui lui sont faites, de faire lien entre les indices qui lui sont donnés. [End Page 54]

Les éléments constituant les conditions d’utilisation révèlent finalement les nombreuses possibilités d’existence des archives. Celles-ci apparaissent essentiellement liées aux choix que doit nécessairement opérer l’usager des documents. Ces choix sont relatifs à la matérialité des documents qui peut être accentuée ou gommée, au dispositif de présentation qui confère une signification particulière aux archives, au contexte qui rend vie aux documents en fonction d’intentions spécifiques, et enfin les usagers font des choix impliquant nécessairement le public qu’ils visent et qui devient acteur dans la constitution du sens. Voilà les diffé-rents paramètres qui vont servir à façonner les archives lors de leur exploitation.

Conclusion

Ce regard archivistique sur les ouvrages de W. G. Sebald nous a permis de mieux comprendre la manière dont les archives y sont mises à profit à des fins de création littéraire. Comme nous avons pu le constater en examinant de plus près la typologie des documents, la présentation, la reproduction, la relation des images avec le texte et les effets sur le lecteur, Sebald s’avère, en tant que premier usager de ses archives, fort habile à manier les documents d’archives, y compris les archives orales, et à les incorporer à ses propos. Au point où les archives deviennent, à toutes fins utiles, indissociables de sa démarche en tant qu’écrivain. Si l’on a qualifié certains artistes contemporains de « photographes archivistes » et leur production d’ « œuvres-archives » (Bénichou 2002, 28, 30), en raison justement de la place déterminante qu’y occupent les archives, il serait alors tout à fait justifié de faire de même avec Sebald et de le considérer comme un « écrivain archiviste » et ses ouvrages comme des « livres-archives ».

Mais cette analyse nous a également permis de mettre en évidence que l’exploitation de matériel d’archives par un écrivain tel que Sebald ne peut se réaliser sans qu’il soit nécessairement amené à respecter certaines conditions. C’est-à-dire faire certains choix quant à la dimension matérielle de l’objet, au dispositif servant à la présentation, au contexte dans lequel il se situe comme usager et au rôle qui sera dévolu au public. Des choix qui, bien sûr, varient d’un domaine à un autre selon les types d’exploitation envisagés.

L’attention portée aux conditions d’utilisation permet donc de dégager de nouvelles perspectives sur les archives et l’archivistique, plus précisément sur ce qui advient des archives lorsqu’elles deviennent archives. On constate avant tout que, loin d’être la find’un cycle, les archives définitives, c’est-à-dire l’ensemble des documents qui sont conservés de manière permanente en raison de leur valeur secondaire de témoignage ou d’information, marquent davantage le début d’un processus.

Autrement dit, là où la théorie des trois âges divise le cycle de vie des documents d’archives en trois périodes ou étapes, soit en archives courantes, archives intermédiaires et archives définitives, il serait plus approprié de considérer ces étapes comme étant plutôt de l’ordre de la création, de la conservation et de l’utilisation. La phase de la création ou de la constitution des archives (le passé) correspond aux archives courantes et intermédiaires, la phase de la conservation (le présent) a trait aux archives définitives ou historiques à vocation permanente [End Page 55] et celle de l’utilisation (l’avenir) traduit le fait que les archives ne peuvent être envisagées comme totalité que dans leur rapport à un usager, que si quelqu’un leur donne du sens en les interprétant. En somme, un modèle qui, en étant moins axé sur la temporalité constitutive de l’archive, permet de rendre compte que, tout en étant des traces du passé, les archives ont la particularité d’être en devenir, de ne se réaliser pleinement que dans leurs usages futurs12.

Il ne fait aucun doute que les archives de W.G. Sebald aujourd’hui conservées au « Deutsches Literaturarchiv » de Marbach réservent encore bien des surprises aux chercheurs. Ses « livres-archives » sont loin d’avoir encore révélé tous leurs secrets. Pour notre part, compte tenu de notre point de vue archivistique, il serait intéressant de poursuivre l’analyse des ouvrages de l’auteur en les mettant en parallèle, cette fois, avec les productions d’autres types d’usagers tels que des artistes, des cinéastes, des concepteurs de séries télévisuelles, des historiens, etc. Cette comparaison entre divers milieux et types de réalisations permettrait de mieux comprendre les mécanismes selon lesquels les archives sont exploitées et donc comment elles deviennent enfin, par la même occasion, des archives.

Yvon Lemay
professeur adjoint, EBSI, Université de Montréal yvon.lemay@umontreal.ca
Anne Klein
candidate au doctorat, EBSI, Université de Montréal anne.klein@umontreal.ca

Notes

1. Nous aimerions remercier Lukas Zollinger, étudiant au Programme de formation continue en archivistique, en bibliothéconomie et en sciences de l’information à l’Université de Berne, de nous avoir permis de découvrir l’œuvre de W.G. Sebald àl’automne 2010 ainsi que la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal pour le soutien financier qui nous a été accordé dans le cadre du concours « Petites subventions » du CRSH.

2. « Sebald lui-même utilisait le terme de prose narrative » (Schwartz 2009, 15) pour décrire sa forme d’écriture.

3. À la question « Que possédez-vous comme archives de Sebald? », Frank Duffner, assistant du directeur, répondait : « Tout. Nous avons différents états de ses textes, sa correspondance, ses journaux intimes, ses notes, sa collection d’images, ses photo-graphies. Cela représente 100 000 documents. Il collectionnait tout ce qu’il trouvait, chez les bouquinistes, chez les antiquaires, dans les marchés aux puces, n’importe où. » (Amblard 2009).

4. « Bien qu’il n’existe pas de définition légale, les chercheurs en sciences sociales s’accordent à constater que l’appellation « archives orales » désigne les témoignages recueillis dans un but de documentation scientifique et/ou dans un souci patrimonial. » (Elgey 2001, 10)

5. Pic (2009, 64) tient à souligner « les nombreux documents que trouve le chercheur entre les pages des ouvrages de la bibliothèque de Sebald : photographies, coupures de journaux, fleurs séchées, traces manuscrites, billets d’avion ou de train, lettres, cartes postales, etc. » Et elle ajoute, « Les livres de la bibliothèque de l’auteur en ce qu’ils contiennent des fragments visibles de même nature que ceux utilisés dans la prose constituent un véritable modèle documentaire pour cette dernière. »

6. À propos du montage littéraire, Pic établit un parallèle avec la méthode critique de Walter Benjamin : « Méthode de ce travail : le montage littéraire. Je n’ai rien à dire. Seulement à montrer. Je ne vais rien dérober de précieux, ni m’approprier des formules spirituelles. Mais les guenilles, le rebut : je ne veux pas en faire l’inventaire mais leur rendre justice de la seule façon possible : en les utilisant. » (Walter [End Page 56] Benjamin, Paris, capitale du XIXesiècle. Le livre des passages, Paris, Cerf, 2006, 476, cité dans Pic 2009, 58)

7. À ce sujet, Sebald note l’influence de Thomas Bernhard qui invente une forme de narration dans laquelle le narrateur « ne vous dit que ce que les autres lui ont dit » (Schwartz 2009, 87).

8. Quant aux fonctions mnémonique (Long 2007, 47), épiphanique, c’est-à-dire d’apparition (Pic 2009, 61–62) et mélancolique (Turcot 2010, 74) dont font état diffé-rents commentateurs, nous considérons qu’elles représentent des variantes de l’une et/ou de l’autre des quatre fonctions présentées.

9. Toujours à propos d’Austerlitz, Pic souligne que le journal intime de Luisa Lanzberg, la mère de Jacques Austerlitz, est « au moins partiellement inventé » (Pic 2009, 26).

11. Toutefois, le peu d’information fournie généralement par Sebald sur le matériel d’archives utilisé n’est pas sans soulever un questionnement d’ordre éthique. Surtout qu’il le modifieàl’occasion. Jusqu’où un créateur est-il à même de s’approprier des archives sans porter atteinte au droit d’auteur ? Compte tenu de la réutilisation de plus en plus fréquente de matériel d’archives sur la scène artistique et culturelle (Bourriaud 2003), la réponse n’est pas simple. Les licences Creative Commons sont-elles une solution ? Chose certaine, la recherche d’un nouvel équilibre est à établir entre les créateurs et les détenteurs des droits.

12. Ainsi que de mettre en évidence de nombreux autres aspects en lien avec l’utilisation des archives comme : la dimension de l’émotion, le cadre de référence et les archives comme mémoire, etc.

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