In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Le Négatif. Essai sur la représentation littéraire au XIXe siècle
  • Nicolas Valazza (bio)
Jean-Louis Cabanès . Le Négatif. Essai sur la représentation littéraire au XIXe siècle. Paris : Classiques Garnier, 2011. 304 pages. ISBN 978-2-8124-0217-3.

Avec l'érudition et la finesse d'analyse qu'on lui connaît, Jean-Louis Cabanès s'attache à cerner, dans son dernier livre, certains moments saillants dans l'histoire littéraire du dix-neuvième siècle, tous inscrits sous le signe du « négatif ». L'auteur refuse toute visée systématique à sa démarche critique [End Page 948] (« nous avons horreur des systèmes qui croient tout expliquer », prévientil dans l'« Avant-propos » [15]), en revendiquant pour son ouvrage le caractère de l'« essai », censé le prémunir contre toute prétention à l'exhaustivité. Aussi admet-il certaines lacunes (Stendhal, Balzac en partie), mais cette restriction du champ d'analyse met d'autant mieux en relief les faisceaux textuels contemplés par l'étude, et en ce sens les réussites du livre sont indéniables.

À la convergence de l'histoire (macroscopique) des idées et de l'analyse (microscopique) des thèmes et des formes littéraires, le propos de J.-L. Cabanès s'articule en trois parties, correspondant à trois foyers de la négativité dans la littérature du dix-neuvième siècle, qui jusqu'à présent ne s'étaient guère présentés à l'attention des critiques. Le premier de ces foyers concerne la conjonction de la « mélancolie » et du « sublime de terreur » caractérisant la transition des Lumières au Romantisme, une transition - n'excluant toutefois pas, l'auteur le rappelle, un certain chevauchement idéologique - elle-même marquée par l'événement de la Révolution. Dans cette première partie, J.-L. Cabanès montre comment le sentiment de mélancolie qui affecte nombre d'écrivains désenchantés de la première génération postrévolutionnaire (notamment Senancour et Chateaubriand) se conjugue avec une idée du sublime, empruntée à Burke, qui subvertit les catégories poétiques régissant les belles-lettres, pour donner naissance à une nouvelle conception de la création littéraire, consubstantielle à l'invention même de « la littérature ». Or, ce nouvel espace d'écriture, s'actualisant en premier lieu dans une poétique du paysage - tour à tour effrayant et ravissant - se fonde paradoxalement sur une base négative, dans la mesure où il trouve sa source d'inspiration dans la hantise du vide et le « vague des passions » : « Conversion du vide d'exister en plénitude littéraire, conversion de la trace infime ou voile en plénitude lyrique. C'est par là, [lui] semble-t-il, que la littérature, telle que nous la concevons aujourd'hui, se configure, en advenant ainsi, sous le signe de la négativité, à sa propre connaissance » (42). Cependant, J.-L. Cabanès souligne que c'est surtout dans l'alliage, théorisé par Victor Hugo dans la « Préface » de Cromwell, du sublime et du grotesque que s'opère le bouleversement décisif des conventions poétiques, à travers une promotion des formes inférieures ou marginales : « Cette nouvelle catégorie, qui retravaille la grottesque, renvoie au visible d'une difformité, d'une monstruosité, d'une laideur qui rend instables toutes les normes, éthiques, esthétiques, sociales » (73-74). L'auteur retrace l'origine de cette réversibilité des valeurs esthétiques dans Bug-Jargal, le premier roman de Hugo écrit en 1818, qui relate une révolte des esclaves à Saint-Domingue. Peu lu de nos jours, ce récit n'en demeure pas moins un texte fondateur dans l'œuvre de Hugo : « un noyau générateur, note J.-L. Cabanès, qui contient par avance bien des développements futurs du grotesque hugolien » (62). L'auteur développe dès lors son propos en analysant la conjonction du sublime et du grotesque dans les romans de la maturité de Hugo, notamment dans L'Homme qui rit et dans Quatrevingt-treize.

En conclusion de la premi...

pdf

Share