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  • Sociologie de la démocratie
  • Christian Bégin (bio)
Eric Keslassy, Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, Pour une sociologie de la démocratie, Editions Ellipses Marketing, 2012, 139 pages.

Rédigé en langage simple et d’une plume alerte, l’ouvrage se lit agréablement. En introduction, l’auteur définit son sujet : ce qui, dans la conception de son premier grand ouvrage, fait de Tocqueville un sociologue. Il commence par une partie biographique bien ramassée ; on remarque qu’il y met curieusement en relief le volet pénitentiaire de l’enquête américaine, et qu’il y traite très brièvement de l’Ancien Régime. Suit un exposé rapide du caractère sociologique de l’approche tocquevillienne : l’enquêteur visite les lieux, interroge les personnes, définit des « types idéaux », décrit la passion du bien-être et l’individualisme. Dans un long paragraphe, Keslassy expose en termes très éclairants le contexte d’un « bouillonnement intellectuel » de la pensée libérale dans le premier tiers du XIXe siècle. On note plus loin l’importance qu’il accorde au Mémoire sur le paupérisme. Vient ensuite un développement sur les deux Démocratie. Keslassy s’intéresse davantage à celle de 1840, plus instructive du point de vue des problèmes que pose l’égalité des conditions dans notre monde actuel. Les chapitres sur l’inquiétude, sur la rareté des révolutions, sur l’armée, sur le despotisme doux, sont particulièrement bien rendus. Après les Démocratie, Keslassy évoque les « prolongements ». Il met bien en valeur l’analyse de Raymond Aron. Il évoque en outre le lustre donné, [End Page 197] notamment aux Etats-Unis, à l’idée tocquevillienne de frustration relative.

Il a pris le parti d’un ouvrage court. Et comme le résumé des Démocratie occupe presque la moitié du volume, il laisse peu de place pour le reste. Mais on fera surtout deux remarques. La première concerne l’endroit de son livre où l’auteur a placé l’exposé de ce qui fait à proprement parler de Tocqueville un sociologue. On est tenté de regretter qu’il ne l’ait pas mis après le résumé des Démocratie : il en serait apparu comme un commentaire naturel. Il aurait en outre conduit logiquement aux « prolongements ». On pourra, en second lieu, trouver dommage que, contraint par la dimension de son livre, l’auteur se soit condamné à simplifier. D’où des jugements un peu catégoriques. Keslassy qualifie par exemple un peu vite Tocqueville d’« apôtre de l’égalité »; il choisit de le voir durablement à la recherche de « réponses à la question sociale », tout en citant lui-même des réflexions qui tendent à prouver le contraire ; il situe « à égale distance du libéralisme économique et du socialisme étatique » un Tocqueville qui, qu’on le veuille ou non, n’avait pour passion que la liberté, et n’a cessé de dénoncer, au nom de cette liberté, tout ce qui lui paraissait d’inspiration socialiste. Sur un autre plan, la publicité d’une agence de voyage en 2002, citée en fin d’ouvrage pour illustrer un thème de la Démocratie » laisse perplexe: qui peut croire qu’une affiche humoristique ait sérieusement « mis en danger » la démocratie ?

Ce petit livre confirme l’intérêt qu’éprouve Eric Keslassy à poursuivre la vulgarisation des œuvres de Tocqueville. [End Page 198]

Christian Bégin

Christian Bégin, haut-fonctionnaire à la retraite.

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