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  • Fais ce que dois. 60 éditoriaux pour comprendre Le Devoir sous Henri Bourassa · 1910–1932
  • Guillaume Durou (bio)
Fais ce que dois. 60 éditoriaux pour comprendre Le Devoir sous Henri Bourassa · 1910–1932. Réunis et commentés par Pierre Anctil, avec la coll. de Pierrick Labbé, Québec, Septentrion, 2010, 391 p., 34,95$

« Ce journal n’a pas besoin d’une longue présentation. On connaît son but, sait d’où il vient ». C’est sur ces mots qu’Henri Bourassa confirma [End Page 483] en 1910 un pacte avec sa société. Son journal Le Devoir s’engageait à assurer le « triomphe des idées » et du « bien public ». Après un peu plus de cent ans d’existence, on peut se demander si nous sommes à même de nous rappeler les aspirations originelles du journal, les débats qu’il déclencha, les excès qu’il dénonça. Peu d’ouvrages ont depuis permis de découvrir les orientations principales du Devoir à travers l’intégralité des éditoriaux. L’historien Pierre Anctil s’est acquitté de cette tâche en offrant dans un premier tome le fruit de ses recherches. Fais ce que dois. 60 éditoriaux pour comprendre Le Devoir sous Henri Bourassa contribue ainsi, d’une part, à dévoiler l’intellectuel redoutable que fut Bourassa lui-même et, de l’autre, à retracer les événements marquants de la société canadienne-française.

Sans être une anthologie, ce recueil rassemble des éditoriaux qui recouvrent l’essentiel des périodes clés allant de la fondation du Devoir en 1910, à la montée du national-socialisme allemand en 1932. En effet, l’ensemble que nous offre Anctil couvre large. En ayant glané les éditoriaux majoritairement écrits par Henri Bourassa, Pierre Anctil nous fait redécouvrir un journal d’une sensibilité unique. Si toutefois une large place est donnée au fondateur, Pierre Anctil n’oublie pas de présenter d’autres rédacteurs qui participèrent à la construction du Devoir. Ainsi on retrouve des textes d’Omer Héroux, d’Armand Lavergne aussi bien que de Louis Dupire.

Au fil des lectures, on découvre d’année en année les préoccupations viscérales de Bourassa. Sous sa gouverne, Le Devoir devient vite bien plus qu’un simple journal traduisant les craintes et les espoirs des francophones ; il s’impose aussi bien en tant qu’observateur scrupuleux des relations internationales qu’en tant qu’inspirateur d’une opinion publique. En ce sens, Bourassa insista dès la première publication sur « le devoir de chaque jour » et « le devoir de citoyen ». Il se donna comme mot d’ordre de combattre « la vénalité » aussi bien que « l’esprit étroit ». De plus, son journal affirma sans trop de gêne son orientation nationaliste canadienne-française et bien sûr catholique dont la formule consacrée « la langue gardienne de la foi » renferme tout l’esprit politique du début du XXe siècle. Or Le Devoir ne fit pas toujours l’unanimité. Par exemple, Bourassa dut défendre la position du quotidien comme journal indépendant et non comme « organe politique de la hiérarchie et du clergé canadien-français ».

Dans les années qui suivirent la formation du Devoir, d’intéressants éditoriaux furent publiés relatant de lourds enjeux, dont la délicate question de la contribution des Canadiens à la marine britannique. Puis, la Première Guerre déclencha les révoltes dramatiques que l’on connaît: « en proposant aujourd’hui la conscription, Sir Robert Borden viole ses promesses les plus solennelles », soutint Bourassa. 1917 fut en effet une année décisive pour le journal qui condamna l’impérialisme britannique [End Page 484] et la conscription auxquels une bonne partie du Canada semblait adhérer. En revanche, dans les milieux francophones, Bourassa récolta les fruits de ses efforts. Le Devoir jouit dès cet instant d’une respectable influence qui ensuite terrifia Bourassa voyant que ses opinions avaient excité les contestations populaires. Des dérives vers une désobéissance civile, Le Devoir fit son examen de conscience et mesura son...

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