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Reviewed by:
  • Ces mondes brefs. Pour une géocritique de la nouvelle québécoise contemporaine
  • Nicolas Tremblay (bio)
Christiane Lahaie, Ces mondes brefs. Pour une géocritique de la nouvelle québécoise contemporaine, Québec, L’instant même, 2009, 457 p.

Ces mondes brefs de Christiane Lahaie, écrivaine, chercheure et professeure affiliée à l’Université de Sherbrooke, est un essai qui se donne un objectif ambitieux :éprouver les théories encore récentes de la géocritique sur la nouvelle québécoise contemporaine. Cela consiste, dans les termes de l’auteure, à dégager les « stratégies de spatialisation » des nouvelliers, à savoir si elles sont particulières et pour quelles raisons. L’ouvrage, qui s’attaque à un défi de taille, a le mérite d’être préfacé par Bertrand Westphal, l’auteur de La géocritique. Réel, fiction, espace, paru chez Minuit en 2007, la référence en la matière.

En plus de ces difficultés inhérentes à son approche et au choix de son corpus, Lahaie adopte une méthode inusitée : la recherche-création, qui pose toutes sortes de risques. Afin de sortir de la dichotomie qui les sé-pare habituellement en études littéraires, elle réunit la recherche et la pratique en demandant aux auteurs dont elle étudie l’œuvre d’écrire sur commande une nouvelle à partir d’un lieu prescrit. Les auteurs en question sont dans leur ordre d’apparition : Aude, Camille Deslauriers, Jean Pierre Girard, Louise Cotnoir, Carole David, Claude-Emmanuelle Yance, Roland Bourneuf, Jean Désy, Sylvie Massicotte, Danielle Dussault, Hans-Jürgen Greif, Anne Legault, Hugues Corriveau, Stanley Péan et, enfin, Christiane Lahaie elle-même. La partie consacrée à la lecture des œuvres de ces auteurs et à leurs nouvelles inédites est la plus substantielle de l’essai. Elle se détaille en cinq chapitres, chacun étant consacré à trois auteurs et à un lieu déterminé qui répond à une catégorie. Le premier lieu est le pont Jacques-Cartier, un « lieu de mémoire », le deuxième, votre chambre d’enfant, un « lieu du cœur », le troisième, une clairière dans une forêt dense, un « entre-lieu », le quatrième, l’Atlandide, un « lieu imaginaire », et le cinquième, le pénitencier de Donna-cona, un « non-lieu ».

Une courte introduction et un chapitre précèdent les études du corpus et les nouvelles inédites. Cette cinquantaine de pages – assez mince eu égard à la somme imposante qui suit – explique très brièvement la méthodologie et jette les bases théoriques du travail de Lahaie. Évidemment, l’auteure définit la géocritique, bien qu’assez sommairement, remonte à ses origines – la phénoménologie de l’espace de Merleau-Ponty, la topo-analyse de Gaston Bachelard, la notion de proxémie de Edward T. Hall, etc. –, se situe par rapport à sa discipline et à ses prolongements : la géographie culturelle, la géopoétique, la géosymbolique, toutes des sciences qui, selon Westphal, témoignent du « spatial turn » de ces dernières années dans les humanités. La différence entre ces approches connexes est à peine effleurée par Lahaie. Quant à la géocritique, [End Page 438] selon les mots – très problématiques – de Westphal dans sa préface, elle « examin[e] l’espace, les innombrables espaces humains, dans une perspective couplant réel et fiction ».

La grande thèse de Lahaie suppose que les nouvelliers québécois contemporains représentent dans leur fiction un espace fragmenté et «déréalisé », phénomène attribuable à des questions génériques et esthétiques, à la géographie nord-américaine (le lieu habité) et à la postmodernité (l’époque). Cette intuition très vaste – que plusieurs critiquent partagent par ailleurs –, qui recoupe de grands paradigmes culturels, à la fois évidents et fort complexes, pose de nombreux écueils à la théorie et à l’analyse de leurs causalités. Et il n’est pas sûr que la géocritique les évite tous, voire qu’elle n’en crée pas elle-même. . . Pour mener néanmoins son étude déterministe, à savoir comment un même espace (r...

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