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  • Le roman québécois contemporain. Les voix sous les mots
  • Gaëtan Brulotte (bio)
André Lamontagne, Le roman québécois contemporain. Les voix sous les mots, Montréal, Fides, coll. Nouvellesé tudes québécoises, 2004, 25,95$

Cet essai pointu et fort intéressant porte sur l’intertextualité. Ilétudie le rapport que la fiction québécoise entretient avec le texte de l’Autre, en se [End Page 433] concentrant sur des œuvres romanesques charnières publiées entre 1970 et 1993, de Jacques Ferron à Jacques Poulin. L’auteur y affirme que les pratiques intertextuelles sont très courantes et éclairantes dans la littérature québécoise après les années 1970 et il en fait ressortir les spécificités qui demeurent surdéterminées par la question identitaire. Bien sûr, la littérature française en particulier sert encore d’inspiration, mais il montre aussi que nombre de romanciers de la fin du siècle s’éloignent décisivement de ce modèle producteur en privilégiant une diversification progressive des références littéraires, qui deviennent états-uniennes, latino-américaines et québécoises. Cette nouvelle convocation de l’Autre témoigne d’une ouverture et d’une vision plus complexe à son sujet, ainsi que d’une perception davantage plurielle de soi. Elle signale aussi la valorisation accrue de la littérature québécoise qui s’accompagne de la désacralisation correspondante de la littérature française. Lamontagne repère en outre une transformation de la fonction de ces emprunts au cours de la période considérée, en ce qu’ils ne sont pas que tape-à-l’œil et ont un impact sur le récit lui-même.

Le critique commence par analyser d’une manière serrée la part intertextuelle de la reconstruction de l’enfance que Ferron met en scène dans L’amélanchier (1970) et qui s’intègre à un discours de fondation, car la mémoire finit par y enfanter le thème du pays. Lamontagne est attentif, entre autres, aux échos et aux transformations d’Alice aux pays des merveilles, car Ferron se frotte aux textes de la littérature mondiale, bien qu’il s’intéresse aussi à des écrits mineurs. Le chercheur examine comment l’intertexte joue un rôle diégétique où le texte inspirant donne lieu à un acte de lecture assumé par un personnage.

Le commentaireé claire encore merveilleusement Don Quichotte de la Démanche (1974) de Victor-Lévy Beaulieu qui fait entrer une figure littéraire prestigieuse dans la fiction québécoise. Parmi la grande abondance d’œuvres québécoises et étrangères que VLB sollicite, La mort de Virgile de Hermann Broch apparaît comme un modèle particulièrement fertile ici, et qui lui sert dans plusieurs de ses ouvrages sur la création artistique (Kerouac, Hugo et Melville), textes qui absorbent l’Autre au lieu de le rejeter craintivement.

Le roman hautement intertextuel Maryse (1983) de Francine Noël consacre explicitement le passage du roman québécois au postmodernisme en racontant la désacralisation de la culture française au profit de l’affirmation québécoise au sein d’autres littératures. C’est en quelque sorte le roman de la décolonisation littéraire, linguistique et idéologique, ce qui légitime ses références à Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy, en particulier, qui nourrit en profondeur le projet romanesque de Francine Noël.

Le roman des années 1980 s’ouvrira à des domaines plus universels comme le féminisme, les différences sexuelles et ethniques. La Québécoite [End Page 434] (1983) de Régine Robin est emblématique de la littérature migrante du Québec et témoigne des enjeux identitaires et textuels de la fiction post-moderne. Ce roman raconte les expériences d’immigration montréalaise vécues par une Française d’origine juive, qui jette un regard critique sur les réalités québécoises. Lamontagne en montre la grande richesse inter-textuelle à l’ombre de Kafka, phénomène...

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