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Reviewed by:
  • La littérature frénétique
  • Janice Best (bio)
Anthony Glinoer, La littérature frénétique, Paris, Presses universitaires de France, coll. Les littéraires, 2009, 279 p., 22€

La littérature de l’époque romantique (1820–1830)se sent menacée par l’élargissement du public des lecteurs afin d’inclure les classes laborieuses, [End Page 422] ainsi que par la démocratisation de la profession d’écrivain. Il fallait donc des romans populaires ou « industriels » pour les classes populaires, ainsi que des romans littéraires ou « artistiques » pour le public d’élite. Cette dualisation de la littérature romanesque forme le point de départ du livre d’Anthony Glinoer. À l’expression littérature populaire, Glinoer préfère celle de littérature industrielle, car elle embrasse à la fois les modes de production, de diffusion et de consommation de cette littérature. Au lieu de considérer cette littérature industrielle comme distincte de la littérature élitaire, Glinoer propose une réflexion sur les modes de production et de réception de la littérature en général à partir de l’exemple de la littérature « frénétique ». C’est Charles Nodier qui consacra en 1821 un article à « l’école frénétique » dont les caractéristiques les plus fréquentes sont : un récit baigné dans une atmosphère d’épouvante, résultant de l’introduction d’un élément de surnaturel qui repose la plupart du temps sur des thèmes de persécution, de peine de mort, de châteaux en ruines, de torture et de sévices. Le roman frénétique, selon Glinoer, a durablement pénétré le champ littéraire français, depuis la Renaissance jusqu’à nos jours. Le but de son livre est de mettre en lumière, de façon à la fois diachronique et synchronique, ce que ce phénomène a de révélateur à la fois pour la survie des thèmes et motifs qui la caractérisent ainsi que pour les jugements de valeur généralement négatifs dont elle a fait l’objet.

Glinoer divise son livre en deux parties : « Histoire d’une illégitimation » et « Essor et enjeux de la littérature frénétique ». La première partie commence par une exploration des origines du roman frénétique, depuis les Histoires tragiques de François de Rosset jusqu’aux romans gore contemporains, en passant par Sade, Nodier, Hugo et le théâtre du Grand-Guignol. La deuxième partie offre une analyse des conditions technologiques, économiques et sociologiques expliquant l’apparition et le maintien du roman frénétique. Glinoer cherche donc non seulement à retracer l’histoire de ce genre méconnu, mais aussi à comprendre les raisons pour lesquelles cette littérature a été si souvent sous-estimée.

Si la plupart des historiens littéraires situent l’arrivée du gothic novel à l’introduction de Ann Radcliffe en France à l’époque de la Révolution, et y voit une réaction contre les violences de la fin du XVIIIe siècle, Glinoer soutient qu’il faut remonter au XVIe siècle et l’apparition de textes courts appelés plus tard « canards » afin d’en retrouver les racines. Textes mixtes, mélanges d’articles journalistiques, de chroniques judiciaires et nouvelles de fiction, les canards eurent un double héritage : du côté du journalisme à sensation d’une part et du côté de la littérature frénétique de l’autre. Le gothic novel anglais, dont le premier est The Castle of Otranto. AGothicStory par Horace Walpole, publié en 1764, estl’héritier de cette tradition, tout en proposant une réhabilitation de l’art médiéval. L’irruption [End Page 423] du gothic novel en France se fait grâce aux traductions en français de plusieurs romans anglais, y compris The Mysteries of Udolpho et de The Italian d’Ann Radcliffe. Le déferlement des romans anglais en France coïncide avec la période révolutionnaire, mais ne constitue pas une rupture par rapport aux traditions littéraires déjà existantes. Chaque époque a en effet sa...

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