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  • C’est ma seigneurie que je réclame. La lutte des Hurons de Lorrette pour la seigneurie de Sillery, 1650–1900
  • John A. Dickinson (bio)
Michel Lavoie, C’est ma seigneurie que je réclame. La lutte des Hurons de Lorrette pour la seigneurie de Sillery, 1650–1900, Montréal, Boréal, 2010, 563 p., 32,95$

En 1647, la compagnie des Cent-Associés octroya la seigneurie de Saint-Gabriel à Robert Giffard (qui la cédera plus tard aux jésuites). Quatre ans plus tard, cette compagnie parisienne, qui avait une connaissance très approximative de la géographie de la Nouvelle-France, concéda la seigneurie de Sillery aux néophytes amérindiens (à l’époque des Montagnais et des Algonquins – mais pas les Hurons qui n’y étaient pas encore installés, vivant alors dans l’île d’Orléans) sous la tutelle des jésuites. La concession de 1651 chevauchait celle de 1647 : au lieu de quatre lieues, il n’y avait qu’une lieue et demie à Sillery. Pour rendre la situation plus complexe, les Algonquins et les Montagnais ont abandonné Sillery tandis que les Hurons s’y sont installés (mais sur les terres de Saint-Gabriel d’après la concession de 1647) en 1673. Enfin, pour confondre un peu plus les juristes des siècles subséquents, Louis XIV a annulé le titre pri-mitif de la seigneurie de Sillery (sous prétexte que les néophytes l’avaient abandonnée – ce qui est vrai pour les néophytes à qui était destiné le titre primitif, mais pas pour les Hurons arrivés plus tard) et a octroyé un nou-veau titre aux seuls jésuites pour les trois lieues carrées sur les rives du Saint-Laurent en 1699. Après la conquête du Canada en 1763, les jésuites étaient tolérés, mais ne pouvaient plus recruter. Ainsi, à la mort du père Jean-Joseph Casot en mars 1800, tous les biens des anciens jésuites tom-baient dans le domaine du Roi et les revenus alimentaient la caisse dont disposaient les gouverneurs. On conviendra que la situation n’est pas [End Page 404] d’une clarté limpide et qu’il pouvait surgir des revendications autochtones. Mais encore, sont-elles justifiées ?

Michel Lavoie mène une enquête sérieuse, fort bien documentée et passionnée pour démontrer que les Hurons ont été dépouillés de leurs terres au profit des jésuites d’abord, du gouvernement britannique en-suite et dont le gouvernement canadien est l’héritier in fine. Les Hurons ont réclamé à maintes reprises, surtout entre 1791 et 1830, la propriété, somme toute modeste, de la seigneurie de « chevauchement » entre Sillery et Saint-Gabriel (soit les trois lieues carrées évoquées ci-dessus). À l’époque de leurs principales revendications, les terres revendiquées étaient peu habitées par des colons d’origine européenne (voir les cartes de Joseph Bouchette de 1815) et les autorités britanniques se sont montrées particulièrement mesquines. Mais les Hurons n’avaient pas le poids politique ni militaire des Iroquois de Kahnawake et ils en ont souffert. Cette faiblesse démographique et, donc, militaire mériterait d’être mieux soulignée pour comprendre le rapport de forces entre les protagonistes d’alors. Le transfert des relations avec les Amérindiens du domaine militaire au domaine civil, après 1830, sonne le glas des possibilités huronnes de reconquérir une certaine indépendance. Devant un petit groupe d’autochtones, de surcroît divisé entre factions rivales, qui pouvait nuire aux paysans québécois avides de terres pour installer leur progéniture, la messeétait dite. Les Hurons de Lorette n’avaient qu’ à disparaître ou devenir un vestige folklorique.

L’auteur étaie les arguments hurons avec bienveillance. Les contre-argumentaires des autorités sont démolis avec violence. Mais, selon le droit international en vigueur à l’époque, on ne peut pas mettre en question l’interprétation des autorités qui enlèvent toute crédibilité aux preuves huronnes. J’aimerais bien pouvoir endosser les prétentions huronnes, mais les Montagnais...

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