Juliette Récamier dans les arts et la littérature. La Fabrique des représentations (review)

Juliette Récamier se trouve à l'honneur sur le devant de la scène culturelle contemporaine, grâce à une exposition, Juliette Récamier, muse et mécène et un colloque international organisés en 2009 par Le Musée des Beaux-Arts de Lyon en collaboration avec le laboratoire LIRE (CNRS-Université Lyon 2), suivis d'un ouvrage collectif discuté ici même. Les contributeurs du volume, appartenant à des universités françaises et européennes (Université de Lyon pour la plupart, mais aussi U. de Saint-Etienne, U. de Provence, U. Paris Ouest Nanterre La Défense, U. de Savoie, U. de Tübingen, Allemagne et U. de Lausanne, Suisse) se recommandent par des contributions diversifiées qui touchent à la critique littéraire, à l'histoire de l'art et à la littérature, à l'histoire des idées, aux théories de la sociabilité, à la musique, et à la décoration d'intérieur, preuve des multiples domaines culturels marqués par l'existence exceptionnelle de Juliette Récamier (dorénavant J.R.).

D. Gleizes et S. Moussa, auteurs de l'Avant-Propos, constatent à juste titre qu'entre l'héroïne de l'Empire et le regard critique contemporain il y a "une question de distance" qui demande à être évaluée et qui fait que toute évocation critique de J.R. devient ". . . le prisme à travers lequel s'opère la relecture du siècle" (p.11). Une telle approche est sous-tendue par une série d'interrogations concernant l'identité élusive de celle qui fut célèbre par son silence, par ses distances et ses dérobades mais qui a gagné une place considérable dans l'histoire culturelle du siècle. Une fois de plus, le voile de cette Poppée de l'Empire demande à être soulevé, à la recherche du mystère dont elle a su si bien s'entourer. Quand, dans le sillage de Montaigne, Starobinski parle du voile de Poppée, il rappelle la fascination du regard pour l'ombre et le mystère, sa faculté d'interroger les images et d'établir une relation (L'Œil vivant). C'est en effet sous le signe du regard et de la relation que s'enchaînent les contributions du présent volume ayant pour objet d'étude la construction de l'image Juliette Récamier, telle qu'elle fut conçue par ses contemporains et par elle-même.

Le fait que J.R. règne sur "une communauté d'élite" (titre de la première section du livre) est examiné par des incursions culturelles pertinentes dans le domaine de la sociabilité, de la biographie réelle et imaginaire, de son amitié avec Mme de Staël et avec Marceline Desbordes-Valmore. Vincent Laisney analyse les différentes formes de sociabilité de l'époque-salon, cénacle, cercle-afin de retrouver J.R. au milieu de son salon dont elle sut entretenir l'originalité pendant plus de vingt ans. Sarga Moussa, qui se penche sur la relation de J.R. avec Amélie Lenormant, sa fille adoptive, s'attarde sur le rôle actif que cette dernière a joué dans la construction de l'image de la mère, "une image très construite" comme le souligne l'auteur (43). La tension existant entre les images contrastantes de "mère aimante" et de "charmante magicienne", perçues par la fille adoptive permet à S. Moussa de constater l'existence d'un amour filial teinté d'une séduction ambiguë, signe "d'une déstabilisation des rôles sexuels ou familiaux" et d'un nouveau type de relations qui trouble la sévérité du style Empire, ce qui laisserait percer une forme de modernité (41). Cet article constitue la preuve qu'on peut toujours trouver des angles nouveaux même quand il s'agit d'un sujet maintes fois débattu. Chantal...