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Reviewed by:
  • Utopies des Lumières
  • Lise Leibacher-Ouvrard (bio)
Utopies des Lumières, éd. Antoine Hatzenberger Lyon: ENS Éditions, 2010. 152pp. 15€. ISBN 978-2-84788-214-8.

Par le titre même du volume comme par l'introduction (7-17) d'Antoine Hatzenberger, ces six essais de sujets variés se placent sous l'égide des Lumières de l'utopie (1978) de Bronislaw Baczko. La première partie démontre comment l'imagination utopique se renouvelle en explorant des espaces encore peu fréquentés. Peter Fitting (« Les Utopies souterraines au siècle des Lumières », 21-33) se penche sur trois périples au centre de la Terre, Le Voyage de Niels Klim dans le monde souterrain (lat. 1741) du Danois Holberg, l'anonyme Voyage to the World in the Centre of the Earth (1755), et le monumental Icosameron (1788) de Casanova. Tout en soulignant les (nombreuses) différences de ces [End Page 273] romans entre eux, cette étude comparative met en relief leur exploitation originale de l'hypothèse géologique de la « terre creuse », sans aucun doute le plus intrigant des modèles de mondes souterrains à l'époque. Comme P. Fitting le montre également, les deux premiers ouvrages délaissent rapidement l'utopie pour le fantastique, alors que Casanova extrapole à base du mythe pré-adamite en y joignant un épisode de colonisation où des fantasmes personnels entrent sans doute en jeu. Si ces mondes souterrains importent avant tout par une « imagination qui déborde les limites et les confins des genres littéraires existants à l'époque » (Fitting, 32), c'est également le cas lorsque le déplacement se fait en ballon, comme l'article de Kate Turner (« L'Utopie aérienne et la Révolution, 35-49) le prouve ensuite aisément. Soulignant à quel point l'aérostat d'invention encore récente se prête idéalement à la théâtralisation ritualisée des aspirations politiques, entre autres lors de fêtes révolutionnaires qui exploitent sa riche symbolique, K. Turner définit à la fois l'apport à la tradition utopique et les différences idéologiques de deux comédies: d'un côté l'anonyme (et léger) Arlequin, roi dans la Lune (1786) attribué à Bodard de Tezay; de l'autre, Nicodème dans la Lune, ou la Révolution pacifique (1791), pièce plus engagée écrite par Beffroy de Reigny.

La deuxième partie du recueil revient sur terre par deux longs articles sur les projets de réforme de Stanislas Leszczynski, écrits qui figurent non sans raison au cœur d'un volume qui est lui-même issu d'un colloque tenu en 2005 à Nancy. Laurent Versini (« Une utopie réalisable et en partie réalisée: le programme de La Voix libre du citoyen et de Dumocala », 53-76) prouve de manière magistrale que l' Entretien d'un Européan avec un Insulaire du royaume de Dumocala (1752) peut s'inscrire dans une longue tradition utopique sans être une banale « utopie australe de plus » (53). Outre que l'ancien roi de Pologne use surtout du dépaysement romanesque comme d'« une coquille vide » (58), il se démarque aussi de ses prédécesseurs sur le plan idéologique, par ses préoccupations chrétiennes ou ses visées pragmatiques, diplomatiques et pacifistes. Ses deux écrits sont à rattacher avant tout, L. Versini le démontre, à d'autres ouvrages de l'œuvre considérable de Leszczynski qui vise à valoriser l'image de Louis xv et à affermir la paix en Europe tout en esquissant un idéal de monarchie libérale. Portant ensuite sur « L'Utopie architecturale du "roi bienfaisant" » (77-106), le riche travail de Renata Tyszczuk analyse la concrétisation, dans la pierre et l'espace des « maisons du roi » en Lorraine, de ce que le monarque exilé appelait lui-même son principe utopique de « bienfaisante espérance » (81). Cette vision, R. Tyszczuk le montre, est d'abord à l'œuvre dans les deux villages expérimentaux du château de Lunéville, où le « Rocher » peuplé d'automates et les diverses « Chartreuses » fonctionnent à la fois comme [End Page 274] un refuge enchanté et un « Versailles renvers...

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