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  • La scène bleue. Les expériences théâtrales prolétariennes et révolutionnaires en France, de la Grande Guerre au Front populaire
  • Nathalie Lempereur
Léonor DELAUNAY. - La scène bleue. Les expériences théâtrales prolétariennes et révolutionnaires en France, de la Grande Guerre au Front populaire. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, 284 pages. « Le spectaculaire théâtre ».

Léonor Delaunay nous convie ici à une histoire du théâtre militant de l’entredeux-guerres qui dialogue avec l’histoire du mouvement ouvrier et du Parti communiste de cette période. Son étude, fruit de sa thèse de doctorat menée sous la direction de Chantal Meyer-Plantureux, se place dans le sillon d’une histoire du « militantisme culturel » que Madeleine Rebérioux avait, ici même, souhaité voir se développer 6. [End Page 145]

L’auteure s’est appuyée sur des sources variées : textes de théâtre, correspondances, périodiques, archives privées, archives de spectacles, iconographie, rapports de police, etc. Sur ce dernier point, l’ouvrage montre encore une fois, s’il en était besoin, la fécondité de ces sources. Avec d’autres parutions récentes 7, il vient enrichir l’histoire du théâtre politique et militant, qu’il s’agisse de ses enjeux, de ses formes, de son organisation, mais aussi de ses limites ; il vient également défricher un terrain resté longtemps peu étudié.

La « scène bleue » regroupe en réalité nombre d’expériences théâtrales qu’il semble en fait bien difficiles de nommer et de qualifier tant leur intitulé même pose problème. Faut-il parler de théâtre du peuple, de théâtre prolétarien, de théâtre ouvrier, de théâtre révolutionnaire ? Ce n’est pas là seulement affaire de nuances, car ces termes révèlent des divergences idéologiques souvent assez fortes. Par ailleurs, si certaines passerelles peuvent être tracées entre ces différentes expérimentations, celles-ci restent néanmoins isolées les unes des autres, issues à chaque fois d’inventions répondant à une forme de nécessité du moment pour penser la transformation du monde. Ces pratiques dessinent donc davantage un territoire mouvant, qui semble être une constante non seulement dans ces années 1920 et 1930 mais aussi pour tous les théâtres militants. Leur impact, notamment politique mais pas seulement, est lui-même assez ambigu. Les différents groupements se sont approchés des luttes ouvrières, mais ils semblent presque toujours rester « à côté » d’elles et peinent à s’y faire une place à part entière. D’où la difficulté de retracer leurs histoires. L’étude montre bien les grandes difficultés de ce théâtre, difficultés à la fois de moyens et de réception. Ces amateurs ou professionnels pleins de rêves de révolution peinent souvent à trouver une forme d’esthétique mobilisatrice et à rassembler, tant ils peuvent être accusés de sectarisme.

L’ouvrier n’est pas une figure nouvelle au théâtre dans l’entre-deux-guerres. Il apparaît sur les scènes dans les années 1820–1830, puis son usage se politise à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Néanmoins, l’ouvrage montre que l’entre-deux-guerres est bien une période à part et fourmille de micro-tentatives aux relais parfois importants. L’après-guerre leur donne une coloration plutôt pacifiste et pessimiste, avant qu’elles ne se rapprochent du Parti communiste et ne deviennent plus propagandistes.

L’auteure nous fait d’abord découvrir des expériences théâtrales qui ont pu être pensées au sein de la sphère syndicale : la CGT avec le théâtre syndical créé en 1920, qui n’aura qu’une durée très limitée, la CGTU avec son théâtre confédéral, installé dans la salle de la Grange-aux-Belles. Les directeurs de ce dernier insistent davantage sur la nécessité d’ouvrir aux adhérents l’accès à des œuvres classiques, et croient à la portée éducative et divertissante du théâtre plutôt qu...

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