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Reviewed by:
  • Le cinéma en France à la veille du parlant
  • Danielle Tartakowsky
Dimitri VEZYROGLOU. - Le cinéma en France à la veille du parlant. Paris, CNRS éditions, 2011, 375 pages. Préface de Pascal ORY.

Ce livre de Dimitri Vezyroglou constitue la version remaniée d’une thèse remarquée, soutenue en 2001 et menée sous la direction de Pascal Ory 3. Il s’assigne pour objectif de saisir la multiplicité des rapports, économiques, politiques et culturels que la société française entretient avec son cinéma et les images d’elle-même que lui restitue ce dernier à la veille de ces deux ébranlements majeurs qu’ont été l’irruption du cinéma parlant et l’entrée dans la crise des années trente.

L’ouvrage se consacre d’abord à la « consommation culturelle » en s’attachant à ces « cadres de la réception » que sont les distributeurs, les exploitants et les publics. Une géographie et une sociologie se dessinent au fil des pages qui révèlent la coexistence de deux France du cinéma dont l’une est moderne, urbaine, bien équipée et ouverte aux dernières productions françaises et étrangères quand l’autre, artisanale, reste attachée à une sociabilité populaire traditionnelle. Il découle de ces analyses que le cinéma reste un loisir de masse quand bien même une partie de l’élite parisienne s’y est ralliée. Les développements consacrés au film comme produit technique faisant entrer en jeu les scénaristes, les auteurs, les réalisateurs et les producteurs en minorant les acteurs se révèlent particulièrement novateurs, tout comme ceux qui l’abordent comme un produit économique qu’il importe de protéger contre la concurrence étrangère. Face à la progression fulgurante du cinéma allemand qui s’affirme comme le principal bénéficiaire du recul américain, on envisage ainsi de contingenter l’importation des films étrangers, montre Dimitri Vezyroglou en même temps qu’il souligne la faible attention portée aux structures de distribution du cinéma français et à leurs spécificités, comme la vitalité de petites structures de production et la très grande – peut-être trop grande – dispersion des structures de distribution.

La deuxième partie de l’ouvrage concerne la production perçue et pensée par les contemporains comme « un enjeu national ». Dimitri Vezyroglou montre comment les économistes de la fin des années vingt se penchent sur cette industrie. Convaincus qu’elle est un pilier du redressement économique de la France qui pourrait contribuer à lui rendre la place qu’elle occupait dans le monde d’avant-guerre, ils [End Page 143] tentent d’apporter des réponses qui leur paraissent propres à l’intégrer dans l’activité économique générale. La rationalisation de la production supposerait toutefois une concentration financière et économique qui n’est guère de mise en cette fin des années vingt. Les pages qu’il consacre ensuite aux réalisateurs montrent comment des filtres successifs influent sur le travail créateur : ainsi le filtre littéraire, les exigences du producteur et la multiplicité des contraintes matérielles, morales ou sociales. Malgré la résistance grandissante des hommes de lettres et la prétention fortement affirmée des producteurs, les réalisateurs parviennent à se voir reconnus comme auteurs du film tant sur le plan juridique que sur celui des mentalités. Suivant cette évolution, le cinéma commence également à être reconnu comme un art dont l’image et le montage constituent les fondements.

Les chapitres réunis sous le titre de « projection nationale » sont consacrés à l’évolution de la relation que les pouvoirs publics entretiennent avec le cinéma et à cet égard, aux occasions manquées. L’immédiat après-guerre a vu s’affirmer l’intérêt accru des pouvoirs publics pour le cinéma, attesté par le fait que le visa d’exploitation est attribué par le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts à partir de 1919 et non plus par celui de l’Intérieur. S’ouvre alors une décennie où les attentes de...

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