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  • L’introuvable complot. Attentat, enquête et rumeur dans la France de la Restauration
  • Aurélien Lignereux
Gilles MALANDAIN. - L’introuvable complot. Attentat, enquête et rumeur dans la France de la Restauration. Paris, Éditions de l’EHESS, 2011, 334 pages. « En temps & lieux ».

En se tournant d’abord sur le volet iconographique de ce livre, un lecteur pressé aura été pour une fois bien inspiré : il ne lui est plus possible dès lors de se défaire du défi posé par la politique populaire en régime censitaire, et d’abord par la personnalité de l’assassin du duc de Berry. Au Louvel romantique que dessine Delacroix sous les traits d’un homme du peuple au visage jeune et jovial répond l’inquiétant portrait par Horace Vernet d’un individu sinistre et sans regard. Mais c’est aussi un pseudo-Bonaparte qu’un artiste prétend livrer d’après nature, tandis qu’une lithographie promise au scandale représente Louvel méditant son crime entouré de brochures libérales, dans une chambre ornée des portraits de Grégoire et de Napoléon… Aussi dissemblables soient-elles, ces œuvres ont en commun d’imaginer la figure souhai-table de l’auteur, alors gardé au secret, de l’attentat du 13 février 1820. Mettant en émoi les élites, en branle l’appareil d’État et en joie tout un petit peuple, ce geste donne matière à une vaste enquête dont s’est emparé G. Malandain pour une thèse soutenue fin 2005. Sa publication tardive aura permis une vraie maturation, qui en redouble l’autorité et l’utilité en ce que l’œuvre finale a su tirer parti d’une floraison de travaux parus il y a peu. Il suffit d’énumérer les noms de B. Frederking, E. Fureix, P. Karila-Cohen, C. Legoy ou N. Scholz, pour rappeler la dynamique qui a érigé la Restauration en champ historiographique des plus stimulants. Rares sont les apports récents qui échappent à ce dialogue prolongé ; il n’y manque guère qu’un éclairage sur l’imprégnation de la politique révolutionnaire parmi les ouvriers 1. Le tour de force du présent livre n’est-il pas de détacher ce quasi régicide d’une histoire académique pour en faire un mode d’exploration du rapport ordinaire du peuple au politique ? Ce glissement s’opère en quatre temps sous les dehors d’un plan en trois parties.

Le premier est un modèle d’histoire non événementielle d’un événement. Pareille perspective constructiviste, qui prend par exemple la mesure du marché éditorial (p. 105), restitue l’impact de ce 13 février 1820, l’une de ces soirées qui ont (dé) fait la France. En un passage obligé, les manuels répètent la portée d’un assassinat qui a mis en péril la pérennité de la branche aînée des Bourbons et abouti à la prise de contrôle du régime par les ultras. C’est oublier la crise majeure qui, au fil d’âpres controverses sur la responsabilité de la presse, sur la censure et sur le double vote, suscite une fronde libérale dont le répertoire d’action novateur est appelé à porter les luttes de l’opposition pendant plusieurs décennies. Avant même de chercher si loin en amont, la micro-analyse de l’annonce de l’événement au sein des divers cercles de la société, depuis la famille royale jusqu’au peuple des faubourgs, [End Page 137] est riche d’enseignements. En réinsérant la nouvelle de l’attentat dans le contexte d’un Carnaval qu’il interrompt, en scrutant les conversations et les correspondances, G. Malandain en retrouve la force perturbatrice : l’assassinat bouscule le quotidien, prend tout le monde de court et rend suspects ceux qui ne le seraient pas. La tension est en effet immédiate et c’est d’abord une plongée dans la palette des émotions qui se donnent à voir sous le choc de la nouvelle qu’opère l’auteur en une approche sensible...

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