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  • Littérature de jeunesse
  • Claire Le Brun-Gouanvic

Di Cecco, Daniela. Portraits de jeunes filles. L’adolescence féminine dans les littératures et les cinémas français et francophones. Paris: L’Harmattan, 2009. ISBN 9782296091573. 253 p.

Comme le rappelle Daniela Di Cecco dans l’avant-propos, l’adolescence a long-temps été associée à la masculinité. Cependant, ces dernières années ont vu l’apparition d’un nouveau champ de recherches—Girls’Studies ou Girls’Culture—qui s’intéresse à l’adolescence au féminin. Les premiers travaux ayant surtout porté sur la littérature américaine, Di Cecco propose dans ce collectif une exploration de corpus littéraires et cinématographiques francophones. Spécialiste de la question, cette chercheure a déjà signé Entre femmes et jeunes filles: le roman pour adolescentes en France et au Québec (2000).

Un premier bloc de trois textes permet de mesurer le chemin parcouru en France sur la longue route de l’émancipation. Beth Gale retrace la naissance du concept d’adolescence à la fin du dix-neuvième siècle, coïncidant avec l’âge plus tardif du mariage et les progrès de l’enseignement laïc. Elle s’intéresse particulièrement à Marcelle Tinayre, qui milite pour une meilleure éducation sexuelle. Ses romans Avant l’amour (1897) et Hellé (1899) mettent en scène un nouveau groupe social, des jeunes femmes qui recherchent l’autonomie intellectuelle et morale. Mélanie E. Collado dresse un portrait type des personnages féminins de Lucie Delarue-Mardrus. Dans l’œuvre de cette romancière prolifique (1908–1945), les héroïnes sont de petites sauvageonnes élevées en marge de la société. L’impossibilité pour elles de fonctionner dans un cadre familial met en évidence l’absence de choix offert aux jeunes filles. Puis Daniela Di Cecco se penche sur l’entre-deux-guerres. Si la Belle Époque voit apparaître le concept de femme nouvelle, si la guerre de 1914–1918 accorde beaucoup de libertés aux femmes qui doivent se faire infirmières ou travailleuses d’usine, en revanche, le retour à la normale de l’après-guerre entraîne un certain recul. Di Cecco fait une lecture éclairante de la série à succès de Berthe Bernage, Brigitte (à partir de 1928). Elle montre qu’à travers l’héroïne de l’entre-deux-guerres, Berthe Bernage maintient un compromis entre les valeurs modernes et les valeurs traditionnelles, compromis qui reflète bien la société française de l’époque.

Trois études portent sur la littérature québécoise contemporaine. En référence au récit inaugural de Colette, Juliette M. Rogers réfléchit sur “Claudine au Québec” en analysant des romans de Monique LaRue, Dominique Demers [End Page 270] et France Théorêt. Rogers constate que les traits romanesques—révolte face à l’école, éveil sexuel, intense amitié pour une personne du même sexe—sont en conformité avec les travaux des psychologues et des historiens, à l’exception d’un point: la fragilité. Est-ce pour respecter la dimension formatrice du roman que les héroïnes ne semblent pas fragiles? Nicole Côté analyse un roman d’Élise Turcotte, L’Île de la merci, où l’héroïne négocie son identité “genrée” (100). Venant d’une famille où les femmes n’habitent pas leur corps et sont donc coupées de leur environnement, elle en vient à occuper des lieux traditionnellement masculins et à se constituer une identité composite. Lucie Guillemette, quant à elle, démontre que le roman-miroir pour adolescentes n’est pas narcissique, contrairement à l’idée reçue, mais ouvert sur le monde. Elle prend pour exemples les romans de Marie Décary et de Charlotte Gingras, dont les héroïnes, loin d’être dépolitisées et désocialisées, promeuvent la sollicitude et l’écoféminisme.

En quête d’un renouvellement du genre historique, Danielle Thaler a dépouillé un corpus de cent romans pour adolescentes, publiés de 2000 à 2006. Elle dégage deux types d’héroïnes: “la fée du logis au service de l’ordre...

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