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Nineteenth Century French Studies 32.1&2 (2003-2004) 189-190



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Le "Faust" de Goethe traduit par Gérard de Nerval, édition présentée et annotée par Lieven D'hulst. Paris: Arthème Fayard, 2002. Pp. 470. ISBN h2-213-61384-2

Le futur Gérard de Nerval n'a pas encore vingt ans quand paraît sa version, signée "Gérard," de la première partie - seule connue alors - du Faust de Goethe. L'ouvrage, qui sort de presse en novembre 1827, porte la date de 1828. Cette version fait l'objet d'une réédition, avec des variantes, en 1835. Nouvelle édition du Faust de Nerval en 1840: le texte se trouve cette fois augmenté de l'analyse et de la traduction partielle du "Second Faust." Enfin, dix ans plus tard, une collection de grand format, "Les Veil-lées littéraires illustrées," propose le texte des Faust nervaliens en les accompagnant de gravures sur bois ; plusieurs scènes du "Second Faust" sont, en 1850, supprimées.

Cette entreprise occupe une place majeure dans la carrière littéraire de Nerval mais reste mal connue, à cause, précisément, de son statut de traduction, et à cause aussi des lacunes que l'on observe dans la version de la deuxième partie de la tragédie, où alternent résumés et traductions. On s'est soucié, certes, de procurer des éditions de la première partie, mais beaucoup moins de la deuxième. Et l'infortune éditoriale de Nerval n'a pas amélioré les choses. En 1981 encore, un volume reprenant les Faust de Gérard (Paris, éd. Jean de Bonnot) les donne à lire dans la version très fautive du tome i (1868) des Œuvres complètes publiées chez Michel Lévy, où sont notamment mélangés des textes tirés des quatre éditions de la version nervalienne. À l'évidence, la critique, desservie par les éditeurs, n'a pas encore pris en compte autant qu'il l'aurait fallu les Faust de Nerval, et se contente, sur ceux-ci, d'une doxa constituée de quelques données tirées de leur contexte : l'éloge de Goethe (généralement surévalué), les erreurs de Nerval (la plus fameuse intervient dès la première scène, où Gérard transpose "Er schlägt das Buch auf" par "Il frappe le livre" [au lieu de: "Il ouvre le livre"]), les tâtonnements, hésitations et repentirs successifs du traducteur dans l'utilisation des vers ou de la prose, etc.

Pour se former une idée plus juste de ce travail, on dispose à présent d'une édition solide du texte, publié et commenté par Lieven D'hulst, éminent spécialiste des études nervaliennes et de la traductologie. Assez logiquement, le choix de l'éditeur s'est porté sur la version de 1840, la plus complète, - l'appareil critique signalant les variantes, parfois importantes, des trois autres états. L'introduction de Lieven D'hulst montre les liens qui unissent Nerval traducteur et Nerval poète. Elle replace aussi le travail de Gérard dans l'histoire de la traduction, dans l'histoire de la réception de Goethe en France et dans l'histoire du romantisme français: "Faust n'est pas un produit de l'idéalisme romantique d'Iéna: sa structure en apparence décousue, ses sources populaires accordant une place prépondérante à la magie et au grotesque, ou encore le penchant de l'auteur pour la satire littéraire et sociale, ainsi que pour des formes poétiques dépouillées comme la ballade ou la chanson, ont au contraire alimenté l'idée qu'il s'agissait d'une œuvre à la fois inclassable et polymorphe, sans commune [End Page 189] mesure avec les thèses des frères Schlegel. Aussi les lectures françaises de l'œuvre, en croyant transposer à bon escient les traits saillants de l"école romantique allemande,' révélaient-elles en réalité ce qu'une telle perception devait aux prédispositions littéraires et...

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