In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • À la recherche du temps perdu en France et en Allemagne (1913-1958): Dans une sorte de langue étrangère
  • Alexandre Bebiano de Almeida
Fravolo-Tane, Pascale . À la recherche du temps perdu en France et en Allemagne (1913-1958): Dans une sorte de langue étrangère. Paris: Honoré Champion, 2008.Pp. 461. ISBN: 978-2-7453-1726-1

Quand on aborde les jugements du goût et de l'intelligence, l'acte de distinguer une chose de l'autre doit mériter notre considération, une fois qu'il combat les généralisations qui défigurent les questions et qui se veulent une vérité évidente reconnue de tous. La méconnaissance des traits particuliers pave le chemin à l'équivoque: elle participe à la tendance de tout expliquer par des thèses générales, dans une nuit où tous les chats du monde et de l'esprit sont confortablement gris. Ainsi sommes-nous amenés de temps à autre à retrouver dans la critique proustienne des phrases de ce genre: "jusqu'aux années 50 la critique a été victime de l'illusion biographique," ou encore "à partir des années 60 apparaît une critique qui se tourne vers l'œuvre, et non plus vers l'auteur." Ces généralisations peuvent faire oublier le fait que le roman proustien a reçu des interprétations très diverses dès son apparition, créant d'innombrables controverses dans la critique de la première moitié du XXème siècle. Bref, la généralisation essaie d'encadrer sous une seule catégorie des lecteurs aussi divers que Crémieux, [End Page 344] Pierre-Quint, Benjamin, Spitzer, Sartre, Jauss, Adorno, en une phrase, tous les critiques importants qui se sont penchés sur l'œuvre proustienne pendant la première partie du siècle dernier.

Le livre de Fravalo-Tane arrive au bon moment pour mettre ces généralisations à leur place et mérite donc un bon accueil de la part de la tribu proustienne. Il élargit les recherches de Jean-Yves Tadié (Lectures de Proust, 1971) et Annick Bouillaguet (Marcel Proust: bilan critique, 1994), elles aussi consacrées à reconstituer la fortune critique proustienne en France. À l'origine une thèse de doctorat, le livre aborde la réception critique que Proust a connue en France et en Allemagne de 1913 à 1958. Sa perspective comparatiste suppose qu'il soit possible d'établir un système d'échanges culturelles entre les deux pays au long de cette période.

La principale difficulté de ce genre de travail est d'admettre que l'exhaustivité n'est pas seulement impossible, mais aussi inconvenante: en effet, comment peut-on reconstituer toutes les références à Proust parues dans les essais, journaux, périodiques, livres, préfaces, lettres, en France et en Allemagne pendant cette vaste période qui va de la première publication du roman à sa traduction intégrale en Allemagne? Très vite on se rend compte que la principale difficulté est d'établir de critères clairs et judicieux dans le but de distinguer une lecture sans intérêt d'une autre qui inaugure de nouveaux chemins, de reconnaître que plusieurs lectures valorisées par le passé sont encore significatives au présent, d'évoquer une interprétation oubliée qui peut paraître aujourd'hui comme digne d'intérêt, en un mot séparer le bon grain de l'ivraie. Dans ce sens, il faut toujours procéder à un jugement et choisir les lectures qui servent à jalonner l'histoire de la critique ou, en parlant comme l'auteur, "il s'agit à la fois de préserver les textes reconnus comme des éléments majeurs de la critique proustienne et de réhabiliter d'éventuels 'oubliés'" (32).

Le livre accomplit son propos avec beaucoup de bonheur; il a une organisation claire et rigoureuse, qui suit dans ces chapitres la périodisation proposée par l'auteur; les commentaires sur les textes choisis sont très soigneux, particulièrement sur les textes allemands méconnus du public français. Dans cette heureuse entreprise ce qui pourrait détonner est l'introduction théorique, "la mise...

pdf

Share