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Reviewed by:
  • Vichy et la famille. Réalités et faux-semblants d'une politique publique
  • Danièle Voldman
Christophe Capuano . – Vichy et la famille. Réalités et faux-semblants d'une politique publique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, 347 p. « Histoire ».

Christophe Capuano, dans l'ouvrage qu'il a tiré de son doctorat, défend une thèse à proprement parler, ce qui n'est pas toujours le cas d'autres ouvrages ayant la même [End Page 167] origine universitaire. Pour lui, alors qu'il semble évident d'assimiler la famille à Vichy, le régime lui ayant donné de l'importance au point de l'inscrire dans sa devise – « travail, famille, patrie » –, la famille est loin d'y avoir eu, dans la réalité quotidienne, la place qu'on lui a prêtée. Ainsi, le premier but de l'historien est de déconstruire l'image officielle de Vichy menant une politique de la famille cohérente et forte. Son deuxième objectif est d'inscrire les mesures prises dans un temps long, qui dépasse celui de la conjoncture restreinte de la guerre et de l'occupation, en amont dans la Troisième République finissante, en aval vers la Quatrième commençante. Il souligne notamment comment Vichy a hérité des difficultés d'application et des lacunes du Code de la famille et de la natalité françaises de juillet 1939. Troisièmement, pour mener à bien sa démonstration, l'auteur prend soin de définir ce qu'est pour lui le familial, notion qui « désigne la famille comme catégorie sociopolitique, dont la construction se fait tant au plan institutionnel qu'en pratique, entre les acteurs publics et privés » (p. 22). Enfin, à partir du constat que, contrairement à l'État républicain qui s'intéresse peu à la famille en tant que telle, Vichy a multiplié tant les discours et messages se référant à elle que les institutions à intitulé familialiste et les annonces d'un vaste programme de politique familiale, le dernier but de l'ouvrage est « d'évaluer la part de faux-semblant dans cet affichage en le confrontant aux réalités politiques et administratives de l'État français » (p. 31).

Pour accomplir cet ambitieux programme, Christophe Capuano suit pas à pas non seulement les discours de Vichy, déjà largement abordés par l'historiographie, et l'élaboration des mesures proclamées à grand renfort de publicité et de propagande, mais surtout leur mise en œuvre concrète. Ce qui lui permet de souligner les « nombreux freins liés à la présence des autorités occupantes mais aussi propres au régime » (p. 45). Dans la lignée des travaux soulignant la complexité et l'enchevêtrement des organismes nés en 1940, Christophe Capuano retrace l'histoire des institutions qui se sont multipliées sans grande cohérence, de la création du ministère de la Famille française le 5 juin 1940 à celle de la Direction de la Famille le 10 août suivant, en passant par le Commissariat général à la famille et les Délégations régionales à la famille en septembre. Toutes ces institutions aux attributions imprécises eurent des problèmes de personnel et de gestion, tout en relevant de divers départements ministériels, dont la Santé et les Finances. Plus grave, ces institutions étaient pauvrement dotées : en contradiction avec le discours familialiste des gouvernants, le budget consacré à la famille par le gouvernement de Vichy fut vingt fois inférieur à celui consacré aux Sports (p. 56). Autre signe des faux-semblants de la politique familiale de Vichy, le Commissaire général à la famille n'avait pas accès au Conseil des ministres.

Après un tableau des acteurs institutionnels et publics, le deuxième volet de l'ouvrage s'attache à retracer la complexité des acteurs privés représentés par le champ associatif. Là encore, l'organisation fut précoce avec la création pendant l'été 1940 du Centre national de coordination et d'action des mouvements familiaux rejoint par une vingtaine de groupements, dont l'Union féminine, civique et sociale, à l'origine...

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