In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Israël : la fabrique de l'identité nationale
  • Pierre Renno
Avner Ben-Amos . – Israël : la fabrique de l'identité nationale, Paris, Éditions du CNRS, 2010, 271 p. « Histoire ».

La question identitaire est aujourd'hui au cœur des discours – académiques, militants, mais aussi diplomatiques – sur l'État israélien. Dans ces conditions, produire une étude originale sur ce thème peut sembler relever de la gageure. Avec cet ouvrage d'Avner Ben-Amos, les éditions du CNRS réussissent pourtant à nous proposer une réflexion assez rafraîchissante sur l'identité nationale israélienne.

En historien de l'éducation, Avner Ben-Amos ne s'interroge pas tant sur le contenu de l'identité israélienne que sur sa transmission. Il se penche dès lors sur les institutions mobilisées pour inculquer aux Juifs ayant rejoint la terre d'Israël (Eretz Israël) une identité nationale commune. À partir de l'étude de ces vecteurs de l'identité [End Page 164] israélienne, il en revient cependant toujours à la construction, ou – suivant le terme mis en exergue dans le titre – la « fabrique », de l'identité nationale israélienne.

Ce type d'approche, aussi attentive aux idées qu'à leurs vecteurs, le préserve de tout biais essentialiste ou culturaliste. Avner Ben-Amos analyse très finement, dès l'introduction, le rapport ambivalent que les promoteurs du projet sioniste entretenaient à l'égard de la tradition juive. Si l'Ancien Testament a pu leur fournir un stock de références symboliques, l'identité nationale israélienne n'en a pas moins promu une rupture avec le stéréotype du Juif diasporique. Avner Ben-Amos se dispense dès lors de traquer, au sein du projet national sioniste, une peu probante « essence » juive. Néanmoins, malgré cette attention portée aux instruments de propagation de l'identité, son ouvrage se garde de tomber dans la dénonciation polémique d'une nation « inventée » ou d'une identité purement instrumentalisée.

Bien que construit sur une compilation de recherches variées qu'il a menées au cours de la dernière décennie, ce livre ne souffre pas trop de l'effet « patchwork » que l'on peut souvent reprocher à ce type d'ouvrage. Les deux premières parties que nous propose Avner Ben-Amos se succèdent avec une certaine harmonie. L'auteur s'intéresse en premier lieu au système éducatif. Il y évoque notamment les difficultés rencontrées par les premiers gouvernements israéliens dans leur projet d'étatiser les différents réseaux éducatifs (religieux, pionnier ou encore libéral) qui s'étaient institutionnalisés durant la période mandataire (1920-1948).

La deuxième partie, qui aborde les politiques de mémoire, traite dans un premier temps de la commémoration des guerres. Avner Ben-Amos y analyse comment le culte des soldats tombés au combat a été mis à contribution dans la formation de l'identité nationale. Il revient notamment sur le cas de Yossef Trumpeldor, gardien de la colonie de Tel Haï assassiné le 1er mars 1920 par un groupe d'Arabes et qui aurait, avant de succomber, exprimé sa joie de « mourir pour son pays » (p. 109). Il explique surtout comment, depuis 1951, le jour du souvenir (des soldats morts pour la patrie) est commémoré la veille du jour de l'indépendance, pour souligner le lien entre la souveraineté nationale et les sacrifices consentis pour la réaliser (p. 114). Parallèlement, il met également en exergue certaines spécificités du narratif sioniste qui combine un point de vue historique moderne (la commémoration d'une indépendance chèrement acquise) avec une cosmologie traditionnelle (la commémoration pascale de la sortie d'Égypte).

La troisième partie est intitulée « Culture visuelle ». Elle intègre une analyse de l'évolution de la représentation iconographique du jeune héros sioniste au cours du XXe siècle, un développement sur la création du musée du Palmach (une unité d'élite des forces sionistes, principalement constituée de kibboutzniks, qui s'est illustrée lors du conflit de 1948...

pdf

Share