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  • Histoire de la protection sociale en Union soviétique (1917-1939)
  • Jean-Paul Depretto
Dorena Caroli . – Histoire de la protection sociale en Union soviétique (1917-1939), Paris, L'Harmattan, 2010, 316 p. Préface de Roberto Sani. « Pays de l'Est ».

Après leur voyage en URSS (1932), Beatrice et Sidney Webb ont publié un ouvrage enthousiaste 4 dont on sait qu'il influença beaucoup Sir William Beveridge dans la rédaction du fameux programme de 1942, inspirateur de nombreuses politiques sociales en Europe après 1945. Mais qu'en était-il de la réalité de la protection sociale soviétique ?

Dorena Caroli est déjà connue du lecteur français par son ouvrage sur les enfants abandonnés en URSS 5. Son dernier livre, qu'elle a elle-même traduit de l'italien, analyse la mise en place en Russie d'un système de protection sociale sous l'angle de plusieurs histoires : institutionnelle, politique, sociale et culturelle. Son objectif est d'établir pourquoi « l'État-providence » soviétique n'a pas réussi à garantir aux travailleurs les niveaux de sécurité et de bien-être promis par la révolution d'Octobre et de répondre à la question suivante : quelles raisons de fond ont conduit le gouvernement à réduire progressivement l'intervention de l'État en matière d'assistance sociale, condamnant à la pauvreté de larges couches de la population ? Il s'agit de réécrire, sous l'angle de la protection sociale, la vie quotidienne des ouvriers après 1917.

Dorena Caroli reconstitue l'histoire des réformes du système de protection sociale jusqu'en 1939, analysant les orientations et les caractéristiques de fond, ainsi que leurs conséquences sur la société et les conditions de vie des salariés. Le plan suivi est chronologique. L'auteur commence par évoquer dans une première partie l'héritage tsariste (1903-1917), caractérisé par l'introduction des caisses d'assurance maladie [End Page 160] pour les ouvriers à Saint-Pétersbourg et à Moscou, qui n'améliora pas réellement les conditions de vie du prolétariat urbain, et la mise en place des caisses de secours mutuel pour les enseignants. La deuxième partie analyse la réforme bolchevique des caisses d'assurance (1917-1921) qui, sur le plan théorique, s'inspirait du modèle de la social-démocratie allemande. En pratique, le pivot du système de protection sociale était l'assurance pour incapacité temporaire au travail comprenant la maladie, l'accident et la maternité. Sous le régime du « communisme de guerre », alors que les lois privilégiaient le prolétariat par rapport aux autres travailleurs, toutes les formes d'assistance étaient distribuées en nature. La protection du travail n'était pas gérée par les syndicats, mais par le commissariat du peuple au Travail. Son financement posait un sérieux problème, puisque les entreprises en raison de la situation économique étaient souvent hors d'état de payer leurs contributions.

La troisième partie est consacrée à la période très complexe de la NEP (1922-1927), qui vit trois réformes essentielles de la protection sociale (1922, 1924 et 1926). Faute de pouvoir résumer ces pages riches en détail, contentons-nous de noter qu'à cette époque, les autorités introduisirent des éléments marqués de différenciation entre les catégories « privilégiées », les travailleurs qualifiés et les paysans. Dès cette époque, les services sociaux furent totalement subordonnés à la productivité de l'entreprise. À partir de 1926-1927, les syndicats acquirent un rôle toujours plus grand dans la gestion de la protection sociale, ce qui n'était pas forcément favorable aux salariés. Les quatrième et cinquième parties portent sur les années 1928-1939, où la protection sociale devint un mécanisme de discrimination entre ouvriers et paysans, entre ouvriers qualifiés et non qualifiés, entre syndiqués et non syndiqués, entre individus plus ou moins productifs. Dès le premier plan (1928-1932), l'usine devint le pivot des services sociaux. Le système d...

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