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  • L'hôpital sous pression. Enquête sur le « nouveau management public »
  • Christian Chevandier
Nicolas Belorgey . – L'hôpital sous pression. Enquête sur le « nouveau management public », Paris, La Découverte, 2011, 330 p. « Textes à l'appui/ enquêtes de terrain ».

L'hôpital avait déjà été étudié par observation participante. Le sociologue Jean Peneff, professeur d'université, s'était fait embaucher pour une année comme brancardier à mi-temps dans le service d'urgence d'un grand hôpital de province. Il avait tiré de cette longue recherche deux ouvrages : L'Hôpital en urgence. Étude par observation participante et Les malades des urgences. Une forme de consommation médicale (Paris, Métailié, 1992 et 2000). C'est pour un doctorat de sociologie, terminé en 2009, que Nicolas Belorgey s'est également livré à l'observation en milieu hospitalier, dans le monde des « experts » censés améliorer la « productivité » des services. Sa thèse, réduite de moitié, est devenue ce livre publié un an plus tard.

Le nouveau management public (NMP) est, explique l'auteur, un paradigme d'action publique produit aux États-Unis et au Royaume-Uni, élément fort des politiques de Reagan et de Thatcher, perpétué sans état d'âme par Clinton et Blair. Il concerne d'abord des agents en tentant, par des objectifs quantifiés, d'accroître leur « productivité ». C'est qu'il s'agit de convertir des problèmes de moyens en problèmes d'organisation, déplaçant ainsi l'attention et faisant fi des finalités antérieures des institutions. En France, les pouvoirs publics s'y sont lancés à grands renforts d'indicateurs de performance, de « benchmarking » (comparaison entre les entités productives des différents niveaux) et d'incitations financières, ayant recours à des agences privées pour parvenir in fine à la mise en cause des statuts des fonctions publiques. Cette politique atteint son acmé avec les modifications de l'usage des finances publiques, notamment par la loi organique sur les lois de finances (LOLF), lorsque Lionel Jospin est à Matignon, puis avec la révision générale des politiques publiques (RGPP) en 2007. Si c'est l'ensemble des services publics qui est visé et atteint, dans le domaine de la santé, depuis les années 1980, divers outils conjugués à des nouveaux modes de gestion ont permis de faire en sorte que des établissements hospitaliers se retrouvent « en déficit ». Plusieurs instruments ont permis de construire la légitimité de cette démarche. Mis en place en 1982, le « programme de médicalisation des systèmes d'information » (PMSI) correspond à un contrôle de l'activité médicale selon des règles de comptabilité, l'intitulé trompeur n'ayant pour but que de faire accepter par les médecins cette « médicalisation » qui n'en est pas une. Un quart de siècle plus tard, la tarification à l'activité (T2A) fait dépendre le financement d'un établissement de son activité... de l'année précédente. Ces mesures pèsent par leurs conséquences, directes ou non, sur les manières de soigner et relèguent au second plan les intérêts des malades. L'opposition à ces pratiques, par exemple les grèves de codage des actes médicaux, n'a pas débouché faute d'extension : leur généralisation aurait rendu inopérants ces dispositifs. C'est que tout cela ne peut se réaliser que par la complicité active de certains agents qui doivent pour cela se défaire d'une éthique et d'une identité professionnelle fondées sur l'attention aux patients ou, hors du secteur sanitaire, aux usagers et aux citoyens : « La grande force de ces réformes est donc de faire reposer les coûts de non-coopération avec elles sur ceux qui ne coopéreraient pas », autrement dit d'« inciter les acteurs à la coopération, pour reprendre le vocabulaire de la théorie économique qui les sous-tend ». L'usage même du mot « réforme » fait partie de la tromperie sémantique systématique, puisqu'il suppose une amélioration « dans le domaine moral ou social ».

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