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French Forum 28.1 (2003) 131-133



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Boutet, Dominique. Formes littéraires et conscience historique. Aux origines de la littérature française 1100-1250. Paris: puf ("Moyen Age"), 1999. 295 pp.

Dominique Boutet poursuit depuis une vingtaine d'années un parcours d'une remarquable cohérence. En effet, depuis son premier livre, Littérature politique et société en France au Moyen Age (Paris: PUF, 1979), écrit en collaboration avec Armand Strubel, il n'a cessé de s'interroger sur l'inscription des grands genres littéraires de la littérature en ancien français (chanson de geste, fabliau, roman arthurien) dans l'histoire: son dernier ouvrage peut donc, en dépit de sa relative brièveté, apparaître comme la synthèse provisoire de l'ensemble de ses recherches. Sensible aux apports de l'anthropologie, séduit en particulier par les approches duméziliennes développées par Joël Grisward (envers qui les références approbatives ne manquent pas), Boutet ne s'en montre pas moins réfractaire à tout esprit de système; fidèle à son "principe de départ, de décrire et de mesurer plutôt que de chercher à mettre en place un système global d'explication historico-sociologique" (197) il progresse avec modestie, mais avec sûreté, et parvient à donner des débuts de la littérature française une vision parfaitement cohérente et personnelle. (Signalons en passant que la présence de Christine de Pizan sur la couverture est pour le moins hors sujet: nous osons espérer que cette concession à une figure à la mode n'est qu'un stratagème éditorial dont Boutet est innocent.)

L'allure de "somme" que revêt l'ouvrage est renforcée par le fait que presque aucun genre littéraire de l'époque traitée n'est oublié dans le vaste et passionnant parcours auquel nous convie Boutet. Tout au plus pourrait-on remarquer que la littérature religieuse et hagiographique n'y est guère évoquée, alors que les très subtiles remarques de l'auteur sur les difficultés de classement génériques et idéologiques des fabliaux (242ff) auraient pu l'amener assez naturellement à parler de la vie de saint, qui, comme l'a montré Michel Zink, entretient à certains points de vue des rapports très étroits avec le fabliau, genre que Boutet décrit [End Page 131] avec pertinence comme "l'expression même de la nouveauté historiquement vécue" (248).

Ainsi, même quand il ne semble que résumer des acquis, Boutet ne manque pas d'imprimer sa marque personnelle à ses mises au point. Ainsi du procès à première vue superflu fait aux thèses depuis longtemps abandonnées de Köhler sur l'origine de la lyrique troubadouresque, dont Boutet choisit, pour mieux rebondir, de ne retenir que le problème de "la place d'un individu ainsi privé de ses racines (235)."

Le plan du livre peut certes apparaître quelque peu sinueux, et si la première partie, "la pensée de l'histoire", propose une remarquable mise au point sur la conscience historique des auteurs médiévaux, réglant en passant la fameuse et fausse question des "anachronismes" (voir en part. 20), la seconde partie, "poétiques de l'histoire", affirme plus qu'elle ne démontre l'équivalence des visions historiques de Villehardouin et de l'auteur de La Mort Artu (mais la perspective ainsi ouverte est riche), et la troisième partie, "historicité des formes", se trouve quelque peu déséquilibrée par l'intégration dans sa trame d'articles publiés antérieurement. Certains rapprochements forcent par ailleurs l'admiration par leur virtuosité: en particulier, après avoir longuement parlé de la chanson de geste, Boutet se livre à un développement sur le grand chant courtois dont la pertinence ne nous apparaît qu'au moment où il conclut que "dans les deux genres la célébration n'est pas mimétique, mais créatrice" (219). N'est...

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